GUALFIN, ARGENTINE – Aujourd’hui, nous réactualisons notre Indice Funeste…
Mais d’abord, un petit mot sur le quotidien du ranch…
Hier, nous avons rassemblé le bétail pour la deuxième fois ; le gouvernement exige deux vaccinations à 21 jours d’écart.
Alors les gauchos sont partis à cheval avant l’aube et ont pris la direction de l’immense pâturage, à l’est de la maison.
Nous les avons suivis sur notre grand cheval, El Bayo…
Le rassemblement s’est passé sans anicroche… jusqu’à ce que deux veaux, effrayés par les chiens, prennent le large.
Les chiens ont rapidement renoncé à les poursuivre. Mais les veaux ont continué leur course aussi vite qu’ils le pouvaient, parcourant la plaine, dévalant les ravins et grimpant sur des collines rocailleuses.
Dès qu’ils se sont enfuis, El Bayo a pris les choses en main. Il a suffi d’un petit coup d’éperon pour qu’il se mette à galoper, lui aussi, foulant la sauge, grimpant et dévalant les pentes, franchissant des lits de rivières taries.
Normalement, il aurait été aisé de dépasser les veaux et de les ramener vers le troupeau. Mais le terrain était si accidenté que nous n’arrivions pas à les talonner.
Nous avons dû contourner la berge d’une rivière asséchée… décrire un cercle autour de la colline… et tenter de les repérer de loin.
Lorsque nous les avons à nouveau localisés, ils étaient à cinq cents mètres devant, séparés de nous par plusieurs canyons profonds. Et El Bayo galopait à une allure si infernale que nous nous demandions si nous allions être capable de rester en selle.
Nous avons commencé à monter à cheval à l’âge de 50 ans seulement. Ce n’est pas encore tout à fait concluant.
Nous vous raconterons le reste de la journée dans une minute. Mais d’abord, observons à nouveau notre Indice Funeste.
Récession en vue
L’indice n’est encore qu’un composite imparfait de nombreux signes préoccupants.
A mesure que ces signes préoccupants augmentent, la probabilité d’une nouvelle crise augmente également.
Le pourcentage de nouveaux prêts accordés par les banques représente l’une des principales composantes.
Comme vous le savez, en 1971, nous avons renoncé à la monnaie réelle adossée à l’or. Depuis, le crédit est le moteur de l’économie. Il ne s’agit plus d’une économie qui produit et consomme de la richesse. En lieu et place, elle produit et consomme du crédit, ce qui aboutit à des niveaux d’endettement de plus en plus élevés.
Notre ami, Richard Duncan, qui dirige Macro Watch, indique que lorsque le taux d’émission de nouveaux crédits chute au-dessous de 2% par an, une récession s’annonce.
Eh bien, devinez quoi…
Le taux actuel d’émission de crédit – les prêts accordés par les banques et autres institutions de crédit – est en train de baisser au-dessous des 2%… et on dirait qu’il s’oriente vers zéro.
Nous remarquons également les choses suivantes, bien qu’elles ne soient pas des critères clés de notre Indice Funeste :
Le PIB des Etats-Unis enregistre une croissance dérisoire de 0,7% au premier trimestre. Nous nous attendions à une récession, cette année.
Aux Etats-Unis, les ventes de voitures ont baissé de 4% par rapport à l’an dernier. Ford indique que ses ventes sont en chute.
Les ventes de pick-ups Ford Série F affichent une tendance à la baisse depuis 20 ans.
L’accession à la propriété affiche un plus-bas sur 50 ans. Les prix ont été poussés à la hausse par l’argent facile de la Fed, ce qui rend les maisons moins abordables.
La génération Y est particulièrement touchée. Elle ne parvient pas à accéder à la propriété. Elle est criblée de 1 000 Mds$ d’emprunts étudiants. Et ses perspectives d’emploi sont faibles. Les chiffres de l’accession à la propriété sont les plus bas jamais enregistrés, en ce qui concerne les moins de 35 ans.
Les consommateurs ont moins de marge de manœuvre. Le crédit permanent (surtout les cartes de crédit) dépasse les 1 000 Mds$. Les prix de l’immobilier sont revenus à leurs niveaux de 2007 dans de nombreuses régions du pays. Et sept millions d’Américains en âge de travailler se retrouvent sans emploi.
Dans le pays voisin, au Canada, une nouvelle bulle immobilière se forme. Si l’on se réfère au revenu disponible par rapport aux prix, l’immobilier n’a jamais été aussi cher.
Un nouveau projet immobilier, lancé à Toronto, a presque provoqué une émeute alors que des spéculateurs désespérés faisaient la course pour acheter des appartements qui n’étaient même pas construits.
Rien de tout cela ne prouve que la fin de la bulle est imminente. Mais nous appelons à la prudence…
A présent, retournons en Argentine…
Loin du troupeau
Lorsque nous avons enfin franchi les arroyos, ces ruisseaux à sec, et regagné les hauts pâturages, nous étions à des kilomètres du troupeau, au fin fond de la prairie.
Jugeant qu’il était trop dangereux de continuer à galoper sur un terrain aussi accidenté, nous avons fait stopper El Bayo.
Nous allions laisser ces pauvres veaux se calmer et ralentir. Puis, nous les encerclerions en amont et les ramènerions.
Juste au moment où nous prenions cette décision, nous avons entendu un autre cavalier approcher à toute allure derrière nous. C’était l’un des gauchos, Pablo, menant son cheval aussi vite qu’il le pouvait.
Pablo est jeune. Contrairement à nous, c’est un bon cavalier qui ne craint pas la mort.
Nous avons retenu El Bayo et laissé Pablo reprendre la chasse. Au bout de quelques minutes, nous ne distinguions plus qu’un nuage de poussière. Puis quelques minutes plus tard, Pablo est revenu vers nous.
« Où sont les veaux ? » lui avons-nous demandé.
« Ils courent toujours… cela ne valait pas la peine de tenter de les récupérer. En plus, ils vont revenir, en cherchant leurs mères. »
De retour au corral, tout s’est bien passé.
Le travail s’est effectué méthodiquement… en séparant les veaux de leurs mères… puis en isolant les vaches âgées et les veaux mâles. Nous avons procédé aux vaccinations.
Après l’école, deux jeunes garçons, Gonzalo et Agostín, âgés de 10 et 11 ans, sont venus nous aider. Intrépides, ils ont bondi par-dessus le mur de pierre du corral où Pablo attrapait les veaux au lasso.
Les garçons étaient venus avec leurs propres lassos et, rapidement, se sont mis à lutter avec les veaux, eux aussi, en s’amusant énormément.
Ce n’est que quelques minutes plus tard que j’ai remarqué qu’ils étaient entrés dans le grand corral, où les vaches et taureaux imposants étaient parqués.
Nous nous sommes déjà fait charger par l’une des vaches. Et un autre gaucho, Samuel, a failli se faire encorner en se faisant attaquer par un « bestiau de montagne ».
Nos vaches se comportent bien, en général. Et nous leur coupons les cornes, au cas où. Mais il y a toujours du bétail de montagne qui se mélange à elles : plus petit, plus sauvage et aux cornes acérées.
Nous étions sur le point de nous tourner vers le contremaître pour lui demander s’il ne serait pas opportun que les garçons sortent de ce corral, car c’était dangereux, lorsque toute l’équipe est devenue silencieuse.
Nous nous sommes retourné pour découvrir qu’Agostín, petit et trapu, avait pris ses jambes à son cou, talonné par une vache.
C’était l’une des vaches noires de montagne : ses naseaux frémissaient, ses yeux étaient écarquillés, pris de colère ou de folie, et ses cornes visaient directement le dos du garçon.
« Cours, Agostín ! » hurlaient les gauchos. Nous avons retenu notre souffle.
Le garçon avait encore 20 mètres à parcourir avant de nous atteindre. La vache gagnait du terrain sur lui. Nous avons sauté par-dessus le mur de pierre pour distraire la vache. Mais l’animal n’avait d’yeux que pour Agostín.
Mais alors qu’elle atteignait le mur, les cris des gauchos et le mur qui se rapprochait rapidement l’ont fait changer d’avis. Elle pouvait encore encorner le garçon mais, dans ce cas, elle allait foncer dans le mur.
Elle a ralenti et accordé une seconde à Agostín pour qu’il escalade le mur et se mette en sécurité.
« Eh ! » s’est mis à hurler l’un des gauchos. « Je ne t’avais jamais vu courir aussi vite ».
Tout le monde a éclaté de rire. Agostín a souri. Ce n’était probablement pas plus mal que sa mère ne soit pas là.