La Chronique Agora

La production manufacturière, une (petite) lueur d'espoir dans la crise

▪ Il y a quelques jours, un tout petit chiffre passé inaperçu m’a insufflé une vaste bouffée d’optimisme. En France, « malgré un tassement de la consommation, le dynamisme de la production manufacturière contribuerait à un acquis de croissance de 1,4% à fin juin », indiquait l’Agefi.

« Bof »… me direz-vous. Pas du tout, ce tout petit bourgeon de 1,4% est de la vraie croissance. C’est la raison de mon optimisme tout neuf, et non un début de printemps bizarrement chaud (qui apporte de l’eau au moulin des tenants du réchauffement climatique).

Vous vous rendez compte :

– il ne s’agit pas de pseudo-croissance qui vient des brasseurs d’argent à qui on donne de l’argent créé à partir de rien pour qu’ils puissent se refaire une santé financière ;
– il ne s’agit pas non plus d’emplois subventionnés, créés en empruntant de l’argent qui va nous coûter de plus en plus cher à rembourser ;
– ce n’est pas non plus une croissance due à la consommation de produits et services fabriqués ailleurs et achetés avec du crédit à la consommation par des gens qui n’ont pas les moyens de payer cash.

Si l’INSEE a raison, ces 1,4% viennent de gens qui produisent des vraies choses qu’on peut toucher et que d’autres achèteront avec du vrai argent, vraiment gagné et pas emprunté. On en pleurerait d’émotion (sauf que les mouchoirs en papier ayant récemment beaucoup augmenté dans le sillage des matières premières, je vais faire attention à ne pas me laisser submerger par mes larmes).

« Et comment savez-vous qu’il s’agit de vrai argent », me demandez-vous soupçonneux, pointilleux et vétilleux ? D’une part parce que le taux d’épargne des Français reste très élevé, 16% du revenu en 2010 et 15,7% en 2011, malgré l’inflation qui est de retour et qui inquiète la Banque centrale européenne. D’autre part, parce que les Français ont eu moins recours au crédit à la consommation. Le Figaro rapporte que selon « la Fédération bancaire française (FBF) la part des ménages français détenant un crédit n’avait pas atteint un niveau aussi faible depuis 15 ans. Moins de la moitié (49,5%) des foyers détenait ainsi un crédit fin 2010 ».

« Et s’il s’agissait de restockage », doutez-vous toujours, « et si les contrecoups du séisme japonais, susceptibles d’entraîner des ruptures d’approvisionnement, allaient nous casser tout ça » ? Oui, peut-être, comment savoir ? Mais ce petit bourgeon est en soi celui du retour à la raison. Laissez-moi être optimiste, scrogneugneu, à partir du moment où mon optimisme n’est pas acheté à crédit.

Nous avons toujours soutenu que la crise que nous vivons n’était pas une « crisounette » de plus et que nous allions vivre un changement majeur. Le modèle économique d’avant, celui de la surconsommation à crédit (que ce soit à titre individuel ou public), est à bout de souffle. Dans ce modèle, le crédit est la matière première, la confiance, le capital. Les brasseurs d’agent, qui construisent et négocient le crédit comme on transforme une matière première, tiennent le haut du pavé.

Mais on peut rêver qu’un jour les ingénieurs n’iront plus chercher du boulot dans la finance, pour y tripatouiller des statistiques douteuses afin de rassurer les brasseurs d’argent sur des risques stupides. On peut penser qu’avec un regain d’activité industrielle, ils aimeront, par exemple, réfléchir à la consommation et la distribution d’énergie de l’après-Fukushima.

[Simone Wapler est analyste, journaliste et ingénieur de formation. Elle a déjà contribué à des publications telles que Le Point, Enjeux, Les Echos, Chart’s… Spécialisée dans les valeurs industrielles, les matières premières, les énergies, l’or, les minières Simone Wapler est passionnée par les investissements « tangibles » et c’est ce qu’elle met chaque semaine au service des abonnés de L’Investisseur Or & Matières. Elle analyse chaque mois le secteur aurifère dans la lettre d’investissement Vos Finances, et est également rédactrice en chef du magazine MoneyWeek.]

Première parution dans La Quotidienne de MoneyWeek du 11/04/2011.

 
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