Par Frédéric Laurent (*)
Il est évident que l’argent coule à flot depuis quelques mois. Les banques centrales et les gouvernements inondent les marchés de liquidités. Des centaines de milliards de dollars sont passés des mains des contribuables américains aux mains des banques en difficulté… et les marchés apprécient. Bien que bizarrement le crédit interbancaire ne soit toujours pas reparti. Les entreprises, les banques ont toujours autant de mal à se financer !
Seul le jeu des plus riches a été relancé. Et les marchés sont en train de se laisser berner par ce flot qui semble être inépuisable. Ce qui est une illusion, vous le savez bien.
Tous les moyens sont bons pour échapper au TARP
Le mois dernier, je disais aux lecteurs de Vos Finances que les banques commençaient à être mal à l’aise avec le TARP, qui pourtant les a sauvées. Elles font tout pour pouvoir s’en éloigner et se détacher du contrôle et des règles que ce programme d’aide leur impose.
Du coup, les banques lancent des augmentations de capital à tout-va. Leur but, simple, est de se couvrir par rapport à la hausse sur les positions qu’elles ont prises ces derniers mois, faire le maximum de plus-values pour se recapitaliser et rembourser les prêts offerts par le TARP et avoir à nouveau les mains libres. Tout est bon pour optimiser ces opérations. Et notamment en replongeant dans les marchés dérivés (exercice d’options et de contrats à terme) qui leur permettent de maximaliser le rendement de ces opérations de court terme avec levier financier.
Nous risquons donc bien d’avoir une deuxième crise. Rien n’est résolu dans le fond. Les banques remplacent juste leurs dettes par une autre source d’argent : celle que le marché lui donnera.
Le grand bluff de la nouvelle bulle de confiance
Evidemment, toutes ces opérations se font avec la bénédiction du gouvernement — trop heureux de pouvoir afficher que les banques se portent mieux puisqu’elles remboursent le TARP.
Ces dernières semaines, nous avons vu American Express, JP Morgan ou Morgan Stanley annoncer de nouvelles offres de titres. Autant de possibilités pour tous les soupçonneux, les méfiants de prendre le train de la hausse en marche. Et pour arriver à convaincre, quoi de mieux qu’une belle décote qui ne pourrait que leur faire regretter de ne pas avoir souscrit à ces opérations si séduisantes ?
Il faut dire que la coalition banque américaine/Trésor américain/gouvernement américain est forte et que tout est fait pour que nous nous laissions prendre au jeu et au regain d’optimisme ambiant. Ce petit jeu risque de durer tant que les banques y trouvent leur compte. Après… comment les marchés pourraient-ils continuer à monter, alors que les données économiques sont noires ?
Regardez comment on peut jouer avec les chiffres. Les communiqués font passer les chiffres de l’emploi pour de bons chiffres. Les médias américains comme les marchés parlent "d’amélioration" du marché de l’emploi, parce que le secteur privé n’a détruit "que" 532 000 emplois en mai, contre 545 000 le mois précédent. Il y a donc amélioration. Sauf que ces 545 000 avaient été revus à la hausse car le consensus attendait le mois dernier 491 000 suppressions. Mais surtout, là où ils veulent faire croire que le marché de l’emploi est sur la bonne voie, c’est quand ils comparent ces chiffres à la moyenne des trois premiers mois de 2009 qui s’élevaient à 691 000.
Oui, certes, il y a un ralentissement dans la destruction d’emploi. Mais placez-vous au niveau des entreprises : est-ce un signe d’amélioration pour autant ? L’hécatombe a déjà eu lieu. Il est évident que le nombre de suppressions ne va aller qu’en diminuant. Mais quand vous avez déjà écrémé une première partie de vos effectifs… est-ce bon signe quand, finalement, vous devez continuer de licencier ?
Les Etats-Unis ont aujourd’hui un taux de chômage de 8,9%. Je pense qu’il dépassera les 12% d’ici quelques mois, au plus tard d’ici la fin de l’année. Mais la communication institutionnelle est ainsi faite que l’on vous montre toujours le verre à moitié plein… et que l’on vous dit même qu’il va continuer à se remplir. Ne nous laissons pas endormir : nous sommes capables de réfléchir et de voir la réalité en face.
Il serait téméraire de ne pas prendre en considération l’impact qu’aura inévitablement la mise en faillite de General Motors. Non seulement les suppressions d’emplois vont augmenter afin de restructurer l’entreprise, mais des sites vont fermer (11 de prévus), les concessionnaires réduisent leur personnel… sans parler de l’impact sur les sous-traitants du secteur automobile.
Et quand le chômage monte, on a rarement vu la consommation suivre la même courbe. La création de richesse, la vraie, la seule à même de démontrer que l’économie est repartie, n’est pas pour demain. En ce moment les marchés financiers ne montent qu’artificiellement, dopés par la création monétaire mise en place par le gouvernement. Un grand bluff.
De la même manière, analysons le fait qu’en France "le déficit commercial s’est réduit en avril". Bonne nouvelle ! Pourriez-vous penser. Eh bien non. Notre déficit commercial s’est réduit "grâce à une baisse des importations plus importante que celle des exportations", nous indique l’AFP. Traduction : nous avons moins importé, car moins consommé — ou les entreprises ont prévu de moins vendre sur le territoire. Nicolas Bouzou, un analyste, cité par l’AFP, déclare d’après ces chiffres que "tout pousse à penser que les statistiques du commerce extérieur vont dans le sens d’une récession, pour la France, de -3% cette année".
Le gouvernement français de confirmer… mais d’ajouter aussitôt que la croissance sera à nouveau là, de +0,5% en 2010. Nous gagnerions donc 3,5 points de croissance d’ici l’année prochaine… J’ai du mal à voir comment. Toutes ces explications engendrent deux stratégies pour nos investissements à venir :
– Vous positionner ou vous renforcer sur ce qui vous rapportera des rendements, quasiment sans aucun risque — et pour en savoir plus sur ces placements, continuez votre lecture !
– Vous assurer d’être suffisamment positionné sur le seul actif qui sécurisera votre capital — dont nous reparlerons demain…
Meilleures salutations,
Frédéric Laurent
Pour la Chronique Agora
(*) Diplômé d’un DESS de Gestion Internationale de Fortune, Frédéric Laurent exerce ses activités de conseil et de gestion depuis une vingtaine d’années. Il a choisi de se mettre efficacement au service de l’investisseur particulier – bien souvent mal conseillé par les institutionnels. C’est dans ce but qu’il a rejoint les Publications Agora en tant que Rédacteur en Chef de Vos Finances – La Lettre du Patrimoine.