La Chronique Agora

La marmotte n’a pas chômé mardi matin… mais qu’en est-il des Chinois ?

 

▪ « Bonjour, bonjour, c’est le jour de la marmotte »… Les cinéphiles auront reconnu cette phrase qui revient de façon obsessionnelle tout au long du film culte Un jour sans fin (dont le titre original est Groundhog Day) — qui se déroule dans la charmante bourgade de Punxsutawney (Pennsylvanie) depuis 1841, selon la légende.

Cette année 2010 est spéciale puisque la Chandeleur tombait effectivement le 2 février mais également un mardi… comme en 1841.

La Chandeleur est célébrée dans une bonne partie de l’Amérique du Nord (dans les Etats proches de la Côte est principalement). La tradition veut que l’on pousse une pauvre marmotte (groundhog) endormie hors de son terrier : si elle hume l’air sans chercher à regagner au plus vite son nid, l’hiver finira bientôt.

Mais si elle voit son ombre (inévitable si le ciel est clair et lumineux), elle sera effrayée et fera immédiatement demi-tour pour reprendre son hibernation… Par conséquent, l’hiver continuera — selon la croyance populaire — durant six semaines supplémentaires — ce qui nous garantirait une demande de pétrole soutenue aux Etats-Unis jusqu’à la mi-mars. Si vous n’avez pas de marmotte sous la main, un hérisson fera l’affaire, à condition de porter un gant épais… ou à défaut un ours (ce qui était le cas dans les Pyrénées un siècle auparavant).

Les ours sont toutefois devenus fort rares au XXIe siècle. Quelques villageois new-yorkais du district de Wall Street prétendent en avoir entendu grogner entre la mi- et la fin janvier… mais ils ont dû confondre avec le grondement du métro. Ou alors, il y avait un montreur d’ours du grand ouest canadien invité à épater les enfants dans un coin de Central Park copieusement enneigé.

▪ Il avait fallu aux montagnards plus de trois siècles pour décimer la population des ours pyrénéens. Il n’aura fallu que neuf mois à la Fed, par le biais d’une poignée de très grosses banques amies, pour anéantir la population des ours baissiers qui peuplaient les salles de marché sur pratiquement toute la planète. Le contingent des vendeurs à découvert étant proche de zéro, les indices boursiers ont chuté de 7% à -8% parce que les « grosses mains » (pattes d’ours ?) ont vendu.

En face d’eux, on trouve de nombreux gérants dont les actions ne sont pas la spécialité mais qui considèrent les placements obligataires au mieux ennuyeux, au pire très exposés à la crise des dettes souveraines. C’est d’ailleurs la thématique qui remporte le plus vif succès auprès des people de la finance réunis à Davos : chaque conférence traitant du surendettement des Etats et du risque pays fait salle comble.

L’argent qui commence à se détourner des bons du Trésor US et des émissions corporate (emprunts émis par les entreprises privées) trouve que la récente correction des actions tombe à point nommé. Il s’agit d’un raisonnement d’arbitragiste, pas d’un pari à long terme sur la hausse de Wall Street, de Londres ou de Hong Kong.

S’il faut se contenter de 5% ou 10% de gains d’ici la fin du premier trimestre 2010, c’est toujours mieux que d’encaisser 3/12e de 3,6%… au risque de perdre 4% ou 5% sur les T-Bonds ou le dollar si la Fed commence à changer de politique monétaire. Chacun sait d’ailleurs qu’elle y réfléchit intensément depuis début décembre 2009 et la nette embellie observée sur le front de l’emploi aux Etats-Unis.

▪ Le rebond des promesses de vente de logements neufs s’avère très timide aux Etats-Unis au mois de décembre (+1% seulement après -16,4% en novembre mais +10,9% en glissement annuel). Wall Street se plaît cependant à considérer qu’une aggravation du marasme apparaît désormais peu probable car les stocks d’invendus se résorbent plus rapidement qu’au début de l’automne dernier.

C’est un effet mécanique prévisible de l’effondrement des mises en chantier en 2009. Le même scénario a déjà été observé au Japon 20 ans auparavant. Toutefois, ni les prix, ni le nombre de transactions ne s’étaient redressés après trois ans de consolidation du marché immobilier… alors que les ménages nippons étaient à l’étroit dans leurs logements trop petits et trop peu nombreux dans les centres-villes, mais à l’aise avec leur épargne.

Peut-être faut-il imaginer que les Etats-Unis, avec leurs millions de maisons vacantes et les banques qui se méfient des emprunteurs (les Américains recommencent tout juste à épargner), vont ressortir de la crise bien plus vite que le Japon des années 90 parce qu’après les actions, ils vont de nouveau succomber aux sortilèges de la pierre.

▪ Wall Street s’est réjoui ce mardi des bons trimestriels du constructeur DR Horton, qui s’est envolé de 11%. Le S&P a grimpé de 1,30% à 1 103 points, dopé par l’envol des promoteurs (Lennar +8%, Pulte Homes +7,5%, Richard Ellis +6%). Le Dow Jones clôturait en hausse de 1,1% avec 28 hausses et deux titres inchangés. General Electric grimpe de 3,7%, J.P. Morgan, Home Depot et Alcoa de 2,3%.

La moitié des trimestriels ont été publiés parmi les valeurs du S&P 500 ; nous en connaissons à présent 245 sur 500. Plus de 75% des profits annoncés et 70% des chiffres d’affaires ressortent supérieurs aux estimations.

C’est le troisième trimestre consécutif où ce même phénomène se produit. Il y a une volonté manifeste de la part des analystes de minorer les attentes, alors que la flambée des cours depuis mars 2009 traduit au contraire des anticipations hyper optimistes des gérants… anticipations que les statistiques macroéconomiques tardent à confirmer.

Les rachats à bon compte pourraient se prolonger ce mercredi pour une troisième séance consécutive, à l’image des places européennes qui ont repris 1,3% en moyenne. Cependant, la prudence pourrait ensuite revenir à 48 heures de la publication des chiffres du chômage au mois de janvier (attention à l’enquête ADP rendue publique en ce début d’après-midi).

Que l’emploi ait ou non progressé aux Etats-Unis en janvier après un mois de décembre décevant, c’est l’interprétation des statistiques qui donnera le ton en Bourse pour les semaines à venir. Mais le véritable précurseur de la tendance demeure le marché chinois (Shanghai et Hong Kong)… et là-bas, quand les licenciements surviennent, c’est par dizaines de millions au cours d’un seul trimestre.

Mais au fait, qui parmi nos lecteurs connaît le véritable taux de chômage dans l’empire du Milieu ? La petite subtilité, c’est qu’il existe un « taux de chômage urbain » (qui reste stable autour de 4,2% à 4,5% en toutes circonstances puisqu’en cas de perte d’emploi, la perte du droit de résidence survient dans la foulée)… mais pas de sondage national global incluant les campagnes.

Pire, les chiffres annoncés résultent de modes de calculs différents selon les villes (chômeurs déclarés ou chômeurs recensés). La tendance à la minoration par les mairies, pour des raisons de prestige, est si prononcée que le taux officiel devrait être multiplié par plus de deux… et se rapprocherait de celui qui prévaut aux Etats-Unis !

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