La Chronique Agora

La formule ne marche plus

** Le rebond rebondit-il encore ? Nous n’en savons rien. Mais nous ne lui faisons pas confiance. On dit que les marchés "anticipent". Il est donc possible qu’ils voient des choses que nous ignorons. D’un autre côté, que regardaient-ils il y a deux ans ? Ne voyaient-ils pas l’économie plonger à pic ? Apparemment pas.

* Les investisseurs tendent à croire ce qu’ils veulent croire. Ce qu’ils veulent croire, en ce moment, c’est que le marché est allé consulter un ophtalmologiste et qu’il voit désormais une reprise.

* Nous sommes d’avis qu’ils se trompent sur tous les points. Les marchés sont tout aussi aveugles aujourd’hui qu’au début 2007… et on ne verra pas de reprise avant longtemps. Pour ce qui concerne le premier point, nous n’avons pas de preuve supplémentaire à présenter… mais pour ce qui est du second, nous avons au moins une théorie.

* Selon nous, nous ne vivons pas une récession… mais une dépression. Durant une récession, la formule du marché haussier continue de fonctionner. Il lui faut juste un peu de temps pour se reposer… reprendre son souffle… éliminer les stocks… et reconstruire les réserves de liquidités. Dans une récession, en revanche, cette formule ne marche plus.

* La formule qui propulsait les Etats-Unis ces 60 dernières années était celle de l’expansion des dépenses de consommation. Au début, ces dépenses étaient saines. Les gens avaient accumulé de l’épargne durant la guerre. Durant les années Eisenhower, ils étaient prêts à revenir travailler dans l’économie de consommation, se marier, faire des enfants et dépenser de l’argent. Les Etats-Unis étaient le plus grand prêteur… le plus grand exportateur… le plus grand fabricant… bref, le plus grand tout… de la planète. Peu à peu, cependant, tous ces avantages ont fini par piéger les Etats-Unis. Dans les années 70, l’administration Nixon crut pouvoir s’en tirer en éliminant le soutien de l’or à sa devise. Dans les années 80, les Etats-Unis passèrent du statut de créditeur net à celui de débiteur net. Dans les années 90, les consommateurs américains dépensaient désormais plus qu’ils ne gagnaient… et dans les années 2000, ils avaient tout simplement cessé d’épargner — dépendant de l’épargne de gens plus pauvres en Chine et ailleurs pour continuer à vivre au-dessus de leurs moyens.

* Chaque fois que ce système s’est trouvé confronté à une correction récessionniste, ces 25 dernières années du moins, les autorités ont tenté de stimuler les dépenses de consommation avec du crédit facile. Et à chaque fois, les consommateurs ont mordu à l’hameçon et se sont retrouvés encore plus endettés. Voilà pourquoi l’industrie financière s’est développée à ce point… elle vendait de plus en plus de dette, en employant des méthodes de plus en plus grotesques et stupéfiantes.

** Cette fois-ci, c’est différent. Cette fois-ci, les autorités ont réagi avec des taux d’intérêt zéro… et 13 000 milliards de dollars de renflouages et d’autres usines à gaz. Mais l’ancienne magie ne semble plus fonctionner. La formule ne marche plus. Les consommateurs ont déjà trop de choses — et aucun moyen de tout payer. Ils n’ont pas le choix ; ils doivent réduire leurs dépenses. Ce n’est pas une pause dans un long cycle d’augmentation de la consommation, de la dette et de la spéculation. C’est un renversement du cycle — avec moins de consommation et moins de dette (plus d’épargne). C’est une dépression.

* Laissé à lui-même, ce cycle devrait montrer une baisse des prix des actifs, une baisse des prix des obligations et une hausse de l’épargne durant de nombreuses années. Les actions devraient redescendre à des niveaux où elles redeviendront attractives — avec des PER moyens inférieurs à huit… sept… voire six. Et avec des dividendes dépassant les 5%.

* Bien entendu, lorsqu’on en sera là, les gens auront perdu tout intérêt pour les actions. Les magazines financiers auront annoncé la mort des places boursières et Jim Cramer ne sera plus à l’antenne.

* A ce moment-là, l’économie aussi aura été restructurée. Il y aura moins de boutiques de détail. De nombreux centres commerciaux auront fait faillite. Le niveau de vie en Occident aura baissé. Et bon nombre de personnes du secteur financier feront ce qu’elles auraient dû faire pendant tout ce temps — noter les commandes au McDrive du coin.

* Il reste encore du chemin…

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