La Chronique Agora

La foi dans le dollar ne peut que vaciller

[Françoise Garteiser se promène au pays du soleil levant… En attendant son retour, le 12 novembre, voici un "classique" tiré des archives de la Chronique Agora et signé Bill Bonner]

La foi dans le dollar, c’est la foi dans l’homme moderne.Voilà pourquoi nous nous en méfions.

Au début de la Première guerre mondiale, les autorités françaises poussèrent les gens à échanger leur or contre des billets de banque. Ils ne perdraient "aucune part de leur épargne", leur dit-on. Pas plus qu’ils ne devraient payer plus cher ce qu’ils voudraient acheter.

Une fois la guerre terminée, la France fut incapable de tenir ses engagements. Mais faut-il s’en étonner ?

Plus récemment, nous nous rappelons avoir rencontré le président argentin Carlos Menem dans les années 90. A l’époque, l’Argentine avait hardiment résolu son problème d’inflation en fixant le peso au dollar, à un contre un. Cette stabilité donna un coup de pouce à l’économie argentine. Les investisseurs étrangers décidèrent qu’ils pouvaient investir en toute sécurité. Les prêteurs étaient convaincus qu’ils pouvaient mettre de l’argent dans les pampas, ramasser des rendements élevés tout en récupérant une somme ayant plus ou moins la même valeur que l’argent prêté.

Restait tout de même des doutes sur le fait que l’Argentine serait capable de maintenir la politique de taux de change fixe. Nous avons donc posé la question directement au chef de l’Etat : "le taux de change peso/dollar tiendra-t-il ?" avons-nous voulu savoir.

"Oui", répondit-il.

Deux ans plus tard environ, l’Argentine abandonna son lien avec le dollar, fit défaut sur ses dettes, et le peso perdit les deux tiers de sa valeur.

S’il y a eu un progrès en matière de banques centrales, c’est le suivant : les autorités ne doivent plus mentir autant que par le passé. En 1915, les autorités françaises devaient séparer leurs citoyens de leur argent. De nos jours, ils ont déjà été séparés. A présent, nous avons tous des billets de banque — en quantité.

Aujourd’hui, quiconque est haussier sur le dollar (ou sur la livre ou l’euro, d’ailleurs) doit être haussier sur la nature humaine… et sur l’économie. L’économie n’est que l’étude de l’homme et de son argent. Mais nous avons lu dans le International Herald Tribune un fait curieux : des gens ayant étudié l’économie durant SIX mois n’obtenaient pas de meilleurs résultats, lors de tests sur des principes économiques de base, que des gens n’ayant jamais ouvert un manuel d’économie. Les chercheurs manquaient d’audace, selon nous. Une étude de suivi démontrerait sans doute que ceux qui continuent à étudier l’économie à un niveau plus avancé auront des notes plus basses que ceux qui ne l’ont jamais étudiée.

C’est un domaine qui soustrait de la valeur au lieu d’en ajouter. Plus vous étudiez l’économie, moins vous en savez. L’économie elle-même est dans un marché haussier depuis de nombreuses années. A présent, les économistes contrôlent notre argent et apparaissent en couverture de nos magazines d’information.

Par le passé, on n’avait pas besoin d’avoir foi en la nature humain pour accumuler dollars, livres sterling, francs ou deutschmarks. Derrière chacune de ces devises, jusqu’à relativement récemment, on trouvait une quantité fixe d’une chose que l’homme ne fabriquait pas — pas plus qu’il ne pouvait l’imiter, la détruire ou la trafiquer — l’or. En fin de compte, quiconque détenait un franc ou un dollar pouvait compter sur le fait qu’il était possible de l’échanger contre de l’or. C’était uniquement dans les cas d’extrême urgence — comme la Première guerre mondiale — que les banques centrales manquaient à cette promesse. Et même alors, ce n’était que partiel… provisoire… et honteux.

Mais un homme parcourant les rues avec les poches pleines de monnaie papier aujourd’hui est un homme marchant sur de l’air. Les autorités peuvent lui dire que ses dollars sont "forts", mais qu’est-ce que cela signifie ? En termes de pétrole, d’or ou de blé, le billet vert a perdu de la valeur. Parallèlement, la masse de dollars augmente de 15% par an — cinq fois plus rapidement que la production US des biens et services que le dollar est censé acheter.

Un haussier sur le dollar n’a rien de solide sous les pieds. Il n’a que la foi. Il doit faire confiance aux économistes modernes. Il ne doit pas s’inquiéter de voir les politiciens trop dépenser. Lorsque le secrétaire au Trésor US déclare qu’il y aura "un dollar fort", il doit le croire. Il doit croire que le président américain agira avec modération et prudence. Et, plus important, il doit être persuadé que les gens de la Fed — les banquiers centraux américains — exerceront leur autorité avec prévoyance et intelligence.

Faut-il en dire plus ?

C’est bien ce que nous pensions.

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