** Le rebond des places boursières s’est soudain enrayé ce jeudi, alors que la thématique du subprime revenait au premier rang des préoccupations des opérateurs. Ceci fait suite à l’annonce par Barclays de nouvelles dépréciations d’actifs obligataires à hauteur de 1,3 milliard de livres sterling (au lieu des cinq milliards de livres redoutés).
Il n’en fallait pas davantage pour ranimer les rumeurs d’initiatives du même ordre chez Royal Bank of Scotland ou Citigroup (3,5% à Wall Street à mi-séance), alors que General Electric connaît des difficultés au sein d’une de ses filiales spécialisée dans la gestion des fonds de retraite — laquelle se retrouve victime d’une sortie massive des investisseurs. Nous aimerions bien connaître le montant global des engagements de GE dans les produits de trésorerie à haut rendement de type CDO et MBS…
** Pour varier un peu les déplaisirs, la BCE n’a pu manquer l’occasion (dès jeudi matin) de souligner à quel point la lutte contre l’inflation restait la priorité du moment. L’inflation en zone euro a en effet été mesurée à 0,5% au mois d’octobre, soit 2,6% en rythme annuel (contre 1,6% au mois de novembre 2006).
Hors alimentation et énergie, la dérive des prix en taux central ressort à 2,2%, toujours bien au-dessus des objectifs de la BCE. Jürgen Stark — un de ses membres les plus intransigeants en matière d’ancrage des anticipations inflationnistes — s’est empressé de réaffirmer que ses collègues et lui-même allaient surveiller la situation de très près et se tenaient prêts à prendre les mesures appropriées.
Autrement dit, la parité du loyer de l’argent de part et d’autre de l’Atlantique pourrait être effective dès la fin de l’année 2007, ou au plus tard d’ici la fin janvier 2008. Il n’en fallait pas d’avantage pour plomber le dollar (revenu sous les 1,4650/euro) et stopper sa bienfaisante remontée face au yen. Il ricoche sous les 111,75 et retombe de 1% dans la zone des 110,60.
** Paris s’est également retourné à la baisse sous les 5 638 points puis très vite sous les 5 600 points, et jusque sur 5 526 points à la mi-journée. Cela ne nous a guère surpris, en cette veille de séance d’expiration des options et contrats à terme sur indice CAC 40 échéance novembre.
Nous espérions que le rebond amorcé mardi matin se prolongerait au moins jusque vers 5 660 ou 5 685 points (résistance horizontale issue des plus hauts du début du mois de septembre). Mais les impératifs du calendrier repoussent ce scénario à la période des 18 et19 novembre, avec les achats techniques de contrats millésimés décembre, correspondant aux premiers habillages de bilans de fin d’année.
L’Euro-Stoxx 50 rechutait de 0,85%, l’Eurotop 100 de 1%, ce qui efface plus que largement les gains accumulés depuis le plancher inscrit lundi soir. Les indices paneuropéens nous administrent une nouvelle preuve de leur vulnérabilité…
Le CAC 40 s’en tire finalement mieux que la moyenne, avec un handicap de -0,93% au lendemain d’un sursaut de +1,35%. Mais le sort de la semaine va se jouer ce vendredi et il faudrait que les cours progressent de 0,35% pour que l’année 2007 redevienne positive.
** Wall Street, dont les velléités haussières s’étaient déjà étiolées la veille, n’a procuré aucun soutien aux places européennes en fin de journée. Le Dow Jones s’apprêtait en effet à chuter de 0,9% dans le sillage de Citigroup et JP Morgan, tandis que le S&P dévissait de 1,3% dans le sillage de Fannie Mae (-10%), Countrywide (-8,7%) et de la plupart des grandes banques d’affaires qui affichaient -4% en moyenne.
Les opérateurs ont d’abord été intrigués puis paniqués par le montant proprement colossal de 47,25 milliards de dollars de liquidités injectés dans le système bancaire, du jamais vu depuis septembre 2001. Serait-ce une mesure d’urgence destinée à sauver certains établissements d’une asphyxie financière causée par le subprime, à l’image du spécialiste des crédits Novastar qui s’est effondré de -55% à 2,08 $ ?
** En ce qui concerne les statistiques américaines du jour, elles étaient si nombreuses qu’il était bien difficile d’en extraire des lignes directrices. Cette confusion des genres permet cependant de bien cerner l’état d’esprit général, puisque tout est affaire de ressenti. Lorsque le marché veut grimper ou baisser, il sait inventer des interprétations — même complètement tordues — qui justifient la perpétuation de la tendance sous-jacente.
Si les investisseurs cherchaient à se faire peur avec l’inflation, ils ont été servis : les prix à la consommation ont progressé de 0,3% au mois d’octobre (soit +3,5% en rythme annuel, énergie incluse) tandis que le « taux central » (hors variables volatiles) s’établit à +2,2% — ce qui reste bien au-delà des objectifs de la Fed.
Ceux qui avaient inscrit au marqueur fluorescent sur leur calendrier une baisse du prime rate vers le 19 décembre pour cause de tassement de croissance aux Etats-Unis auraient mieux fait de se servir d’un crayon à papier et de ne pas appuyer trop fort sur la mine : l’indice d’activité Empire State de la Fed de New York fléchit moins fortement qu’anticipé (à 27,4 contre 28,8) et le « Philly Fed » rebondit de 6,4 à 8,2 (au lieu d’une rechute anticipée sous le seuil des 5 points).
Enfin, le chômage en données hebdomadaires a fait un bond de +20 000 du 5 au 10 novembre. Nous avons beau savoir que le tout-Hollywood se retrouve au chômage technique du fait de la grève des scénaristes, la tendance à la dégradation observée depuis trois semaines ne fait que se confirmer.
** Et ne trouvez-vous pas troublante, au passage, cette épidémie de grèves des transports en France et en Allemagne (une situation exceptionnelle outre-Rhin car le droit de grève ne figure pas dans la Constitution et reste soumis à l’approbation d’un juge au cas par cas)… auxquelles vient s’ajouter celle des auteurs d’oeuvres de fiction — qui « transportent » les spectateurs — aux Etats-Unis ?
Faute de scénaristes, faute de fil conducteur, les marchés américains font la grève de la tendance : ils font durer le suspens et l’issue de la semaine s’annonce très indécise. Le Dow Jones pourrait conserver une avance de 0,6% tandis que le S&P 500, plus représentatif, accuse une perte symbolique de 0,15%… Le Nasdaq 100 ne se remet pas de son plongeon de 6,5% du 5 au 9 novembre puisqu’il lâche encore -0,5% depuis lundi : un second basculement sous la barre psychologique des 2 000 points avant le week-end pourrait lui être fatal.
Philippe Béchade
Paris