La Chronique Agora

La crise du subprime aura-t-elle une influence sur le monde réel ?

** Les investisseurs américains compteraient-ils trop sur les résultats positifs d’IBM ? Le Dow a gagné trois points sur la séance de lundi. Il ne faut jamais contredire le marché. Mais nous avons la nette impression que les résultats positifs d’IBM sont une belle mascarade (et nous en avons eu la confirmation hier, avec la chute des indices US).

– IBM a annoncé que ses bénéfices du quatrième trimestre allaient augmenter de 10%, principalement grâce à une importante progression des ventes en Asie et sur les marchés émergents. La bourse peut désormais se raccrocher à un leitmotiv, quelque chose comme : les multinationales qui diversifient leur base de clients vont survivre à la tempête de la crise de l’immobilier et du crédit, et pourront faire tourner la machine. Très bien.

– C’est possible. Mais la base de ce leitmotiv, c’est que le marché baissier du crédit n’aura pas d’effet sur l’économie réelle, du moins pas au-delà du secteur financier et des 24 000 licenciements annoncés par Citigroup (selon les articles de presse). Après tout, il existe des précédents d’éclatement de bulles de capitaux sans effet notable sur le monde réel.

– La crise du peso mexicain en 1994… les problèmes de LTCM et leur propagation en Asie en 1998… et même l’éclatement de la bulle technologique en 2000… Toutes ces bulles ont apparu et disparu, et le monde n’a pas cessé de tourner. Les rouages de l’industrie et les mécanismes du commerce ont continué à tourner eux aussi. Pourquoi est-ce que ce serait différent cette fois-ci ? Nous avons posé la question à Wolfgang Munchaun, qui écrivait lundi dans le Financial Times :

– "Si cela n’avait été qu’une crise du subprime, ce serait déjà terminé. Mais ce n’est pas le cas, et la fin est encore loin. La raison, c’est que plusieurs autres ‘poches’ du marché du crédit sont également vulnérables. Les cartes de crédit en sont une partie, et ont la même importance que le marché du subprime".

– Quoi ? Vous voulez dire qu’il y a plein d’autres risques qui se cachent sur les bilans des entreprises en se faisant passer pour des capitaux ? Et donc davantage de capitaux dont la valeur dépend de la capacité des consommateurs américains à rembourser leurs cartes de crédit à temps ? Combien ?

– Une enquête réalisée en décembre par l’Associated Press annonce que la valeur des comptes ayant au moins 30 jours de retard de paiement a augmenté de 26% et a atteint les 17 milliards de dollars à la fin de l’année dernière.

– Une autre enquête de la société de conseil en crédit RiskMetrics affirme que les défauts de paiement augmentent encore plus rapidement. De plus en plus d’emprunteurs ne peuvent plus payer à temps. Certains ne peuvent d’ailleurs plus payer du tout ; ils sont ruinés.

– Ce que nous pensons ? Ce marché baissier du crédit est différent des autres parce qu’il touche au cœur de l’économie mondiale : les dépenses de consommation. Les consommateurs sont déjà couverts de dettes et sans le sou. Ils découvrent maintenant en masse que l’on peut devenir riche en dépensant plus que ce qu’on gagne et en payant la différence avec une carte en plastique.

** Le marché a semblé tout excité par les revenus d’IBM. Mais restons objectifs. Le plus important, c’est que pendant que le marché brade les nouvelles de l’année dernière, 2008 nous réserve des choses qui auront un impact négatif sur les revenus des entreprises, le consommateur américain et l’économie mondiale. Par exemple, les credit default swaps (CDS).

– Munchaun écrit que "le marché des CDS vaut près de 45 000 milliards de dollars (30 500 milliards d’euros). Un chiffre difficile à visualiser. C’est plus de trois fois le PIB des Etats-Unis. D’un point de vue économique, les CDS sont une assurance. Mais légalement, ça n’en est pas une, c’est la raison pour laquelle ce marché n’est quasiment pas réglementé".

– "Il n’est pas difficile de voir que le marché des CDS a le potentiel de provoquer une grave contagion financière. La crise du subprime a faillit déstabiliser le système financier mondial. Une crise des CDS, si on imagine un scénario pessimiste, pourrait entraîner un effondrement de l’économie mondiale. Ce n’est pas une prédiction de ce qui va se passer, plutôt un scénario contingent. Mais ce scénario dépend d’un évènement — une crise longue et grave — qui n’est pas totalement improbable".

– Les pires scénarios ne se réalisent généralement pas. Mais mieux vaut s’y préparer, au cas où.
[Dan nous donne là un excellent conseil… mais comment vous préparer ? Réponse vendredi : restez à l’écoute !]

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