Pour bien suivre ce paragraphe il convient, cher lecteur, de lire avé l’assent. Té bou-die. Il faut savoir que dans le midi, vers Marseille, l’assent, c’est une religion. Tout est dans la prononciation, dans cet assent qui peut passer du tonique au tendre, du triste au gouailleur. Dans son exubérance gestuelle, le Marseillais est le reflet d’une région, plein d’allégresse et au final d’une grande sagesse.
Je vais vous parler d’une spécialité marseillaise qui prend toute sa saveur dans notre environnement financier actuel. Dans une partie de pétanque, Môssieur, il faut éviter une seule chose, car sinon, vous en entendrez parler toute votre vie. C’est se prendre fanny. Là, vous devez commencer à voir où je veux en venir. Peuchère, fanny, c’est quelque chose. Pour certains lecteurs, profanes du monde boulistique, fanny, ça veut dire ne pas marquer un seul point lors d’une partie. La honte, en quelque sorte.
Et là, j’en arrive à ces fadas d’Américains, qui, non contents de perdre des milliards de dollars sur les marchés — quoiqu’il leur ait été jusqu’à présent facile de rectifier le tir en faisant fonctionner la planche à billets –, ont poussé le ridicule jusqu’à appeler l’un des principaux établissements hypothécaires Fannie Mae. Les inconscients !
Parce que dans le contexte actuel, on peut dire, sans jeu de mots, qu’ils ont poussé le bouchon un peu loin. Perdre des milliards sans marquer de point. Pour en arriver là, il faut être carrément jobastre. Ils en sont à un niveau de dépréciations qui ferait s’arracher les cheveux à Yul Brynner.
En attendant, bien que nos deux agences conservent la note AAA pour leur dette non garantie, elles sont abaissées pour certaines de leurs notes secondaires de A- à BBB+ pour la dette subordonnée, et de A- à BBB- pour leur dette préférentielle. On y voit malgré tout un soutien explicite du gouvernement américain à ces deux entreprises, vitales pour le marché immobilier. Pour seule parade, le géant du refinancement hypothécaire a annoncé une série de nominations à sa direction, avec le remplacement du directeur financier et du directeur du risque, qui paient directement les difficultés du groupe.
Dis Papa, plus tard, je veux faire directeur du risque
Directeur du risque, il y en a dans toutes les banques… J’aime bien, le titre fait sérieux, c’est très bien payé et en plus ils bénéficient tous de parachutes dorés. Toutefois, est-ce bien mérité quand on voit les difficultés que rencontrent les établissements financiers de la planète ? On se demande s’ils ne sélectionnent pas leur directeur du risque dans la branche "spécialiste du jambon à la coupe"… Parce que le risque, ils l’ont tous volontairement laissé s’amplifier et ensuite ils ont voulu le cacher à tout le monde. Et par leur système de titrisation, ils ont commencé par se le cacher à eux-mêmes.
Je reviens sur une interview parue dans le Journal des finances, de M. Axel Miller, président du comité de direction de Dexia, qui déclare : "compte-tenu de l’environnement actuel extrêmement dégradé, notre bilan est bon. Hors FSA". Hé oui, forcément hors FSA, puisque le cumul de toutes les pertes et dépréciations se fait dans cette filiale américaine. Et de poursuivre, quand le journaliste l’interroge sur le cours de bourse du titre qui a dévissé de 55% en un an : "sur 90% de nos activités bancaires, le bilan est plus qu’honorable. Seul FSA comporte une part d’incertitude". Ben voyons. Il ne dit pas que les 10% pourraient mettre en péril tout le reste. Je sais, j’anticipe un peu trop. Sauf que, plus grave encore, il ne le sait pas lui-même.
Décidément, ils sont forts ces banquiers. Que les politiques s’accrochent bien à leur place, ils pourraient se les faire piquer par des banquiers en mal de poste. Alors que fera l’administration Bush ? Avec la "mise sous tutelle" de Fannie et Freddie, va-t-elle faire porter le chapeau aux citoyens américains par un tour de passe-passe ? Comment s’en sortira-t-elle ?
L’avenir répondra à cette question. On saura alors à quelle sauce ils se sont fait escagasser.
La suite dès demain…
Meilleures salutations,
Frédéric Laurent
Pour la Chronique Agora
(*) Frédéric travaille depuis plus de 20 ans dans la gestion de patrimoine. Il a fait ses débuts dans une société d’assurance avant de s’intéresser de plus près à la finance et aux marchés. Il a alors travaillé pendant quelque temps pour Merrill Lynch, puis s’est exilé au Luxembourg, où il a appris jusqu’aux moindres détails de la gestion de fortune et de patrimoine.
Frédéric a ensuite fondé sa propre société de gestion de patrimoine. Cela lui permet de mener ce qu’il considère comme une véritable mission : aider les investisseurs comme vous à prendre réellement soin de leur patrimoine — le protéger, le faire croître quoi qu’il arrive… sans prendre de risques. C’est ce qu’il fait semaine après semaine dans le cadre du service Protection & Rendement : n’attendez pas pour profiter de ses conseils, vos finances pourraient s’en trouver transformées !