La Chronique Agora

La course à la liquidité annonce une Saint-Barthélémy boursière

Par Marc H. Mayor (*)

Lorsque c’est un ordinateur qui décide de l’achat ou la vente d’un titre, on parle de program trading. Souvent utilisée par les hedge funds, cette approche vise à éliminer les émotions humaines de la décision d’achat ou de vente. Selon le New York Stock Exchange (NYSE), les ordinateurs furent à l’origine d’environ un tiers des transactions en février dernier, ce qui n’est pas négligeable.

A l’occasion d’une récente conférence que je partageais avec Jim Rogers, Pascal Botteron, responsable global des investissements en hedge funds auprès de la Deutsche Bank, déclara : "tout le monde a oublié qu’il faut diversifier les risques liés à la liquidité lors de la construction d’un portefeuille de hedge funds !"

Tout au long de la décennie précédente, les stratégies spécialisées dans l’exploitation de grandes tendances, qui sont les plus liquides au sein de la gestion alternative, avaient représenté 40% dans la composition des fonds de hedge funds, contre seulement 16% à fin août 2008.

Les niches visées par les investisseurs alternatifs se sont alors transformées en pièges de liquidités, une situation comparable au private equity ; le responsable hedge funds de la banque allemande estimait alors que ce n’est pas avant plusieurs années que le retour de l’argent disponible permettra de sortir de ces positions.

Ce que dit en substance monsieur Botteron est que, bien que cela soit un comportement autodestructeur pour l’investisseur, la clientèle sort actuellement son argent de stratégies peu liquides (comme la valeur relative ou l’arbitrage de convertibles) pour le mettre dans des approches plus liquides (neutre au marché et managed futures).

Conséquence : les nouveaux maîtres de Wall Street sont désormais les Commodity Trading Advisors (ou CTA), qui voient l’argent affluer dans leurs fonds au détriment d’autres approches. Quiconque est dans le marché depuis au moins un quart de siècle vous le dira : il s’agit de la race la plus impitoyable au monde des professionnels de la finance.

Ils représentent désormais l’argent intelligent, et ont systématiquement pris les petits spéculateurs à contre-pied depuis : une bonne partie des mouvements étonnants constatés sur certains taux de change, la volatilité d’un grand nombre de métaux précieux et bien sûr l’amplification de l’effondrement de l’or noir, créant ça et là des aberrations.

Avertissons ici formellement l’investisseur facilement effarouché : les événements observés sur les marchés depuis l’été dernier ne sont qu’un désopilant prélude. A côté de la boucherie qui s’annonce, les manipulations de ces derniers mois ressembleront à une aimable partie de pique-nique.

Si vous ne disposez pas de quelques centaines de milliards de dollars pour contrer ces chacals, il ne vous reste que l’alternative suivante : vous écarter du chemin de ce rouleau-compresseur, ou alors vous renseigner sur les positions de ces initiés qui font bouger le marché, et profiter avec eux.

Grâce aux lois boursières actuellement en vigueur, qui obligent les professionnels à déclarer leurs positions, il est désormais relativement facile de parvenir à un diagnostic, semaine après semaine, concernant les principaux marchés ; sur les matières premières, on pourra notamment étudier les chiffres hebdomadaires du rapport COT de la CFTC, le gendarme américain des marchés à terme.

Une approche moins précise consiste à user de psychologie et de bon sens : quand les spéculateurs dans leur majorité attendent un rebond (exemple : le pétrole à fin 2008), attendez-vous à une accélération de la chute. Lorsque le consensus prévoit l’envol (comme avec l’or), pariez sur un marché latéral volatil, et ainsi de suite.

Tout cela vous sera inutile si votre money management (qui détermine combien miser sur chaque idée en fonction des probabilités de gain et de réussite) est déficient. A ce sujet, je recommande une approche scientifique comme celle de la formule de Kelly, qui a permis le mois passé à certains de mes clients d’empocher un gain annualisé de 37%, malgré qu’ils aient joué à la hausse un titre minier dont le prix a par la suite baissé.

Meilleures salutations,

Marc H. Mayor
Pour la Chronique Agora

(*) De nationalité suisse, Marc Mayor est le fondateur d’Inside ALPHA, service d’information et de conseils financiers. Actif en Bourse depuis 1987, Marc Mayor a affiné au fil des ans une approche solide et disciplinée de l’investissement, basée sur le money management, une gestion rigoureuse du risque et des stratégies neutres au marché. Marc intervient régulièrement au sein de l’AGEFI Suisse, et participe à de nombreuses conférences pour investisseurs individuels. Vous pouvez le retrouver sur le site Le Coin des Insiders.

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