La Chronique Agora

La clé du boom des matières premières

Le marché a administré une volée de bois vert à de nombreuses matières premières, ces derniers temps. Le pétrole brut a baissé de 35% par rapport à son sommet record de 78,40 $ en juillet, pour un atteindre un plancher de 19 mois à l’heure où j’écris ces lignes. L’Indice CRB, qui suit 19 matières premières, a chuté de 20% environ depuis mai. Les seules ressources qui semblent tenir le choc semblent être celles des marchés agricoles (par ex. le maïs).

La clé pour comprendre le casse-tête des matières premières se trouve dans un endroit intrigant et merveilleux — la Chine, qui semble ne jamais beaucoup s’éloigner de notre vue. Ce qui s’y passe a un énorme impact sur les matières premières dans le monde entier.

La Chine est déjà le plus grand consommateur au monde de cuivre, de nickel et de zinc. Elle figure parmi les plus grands consommateurs de bon nombre d’autres matières premières également. Ce qui est réellement stupéfiant n’est pas tant la quantité de matières premières qu’elle absorbe… mais le taux de croissance d’une telle consommation — surtout quand on compare à ce que fait le reste du monde.

Par exemple, entre 2002 et 2005, selon le Fonds monétaire internationale, la Chine a représenté à elle seule 48% de l’augmentation de la demande d’aluminium. Regardez les chiffres ci-dessous, qui montrent ce pourcentage pour d’autres matières premières :

– Aluminium, 48%
– Cuivre, 51%
– Plomb, 110%
– Nickel, 87%
– Acier, 54%
– Etain, 86%
– Zinc, 113%
– Pétrole, 30%

Réfléchissez un peu à tout cela. Dans le monde entier, lorsqu’on examine l’augmentation de la croissance de l’acier, par exemple, 54% de ladite croissance provenait de la Chine uniquement. Pour le plomb et le zinc, l’augmentation de la consommation chinoise a en fait suffit à compenser le déclin qui s’est produit dans le reste du monde. Aucun pays n’a eu autant d’importance pour le marché haussier des ressources naturelles que l’Empire du Milieu.

J’ai voyagé en Chine à la fin 2005 — j’ai visité Beijing la poussiéreuse au nord, exploré les rues encombrées de Shanghai et admiré les panoramas animés de Hangzhou et Hong Kong. Je me suis également arrêté dans un petit village entre Shanghai et Hangzhou — appelé Wuzhen — où j’ai mangé des pattes de poulet et de la soupe de pigeon, et où j’ai pu voir un autre côté de la Chine, loin des grandes villes. Et tout au long de mon voyage, j’ai rencontré des professionnels et des hommes d’affaires chinois qui m’ont aidé à mieux comprendre ce qui se passe sur le terrain en Chine.

Tout cela m’a fait beaucoup d’effet. Depuis, on dirait que je n’arrive plus à m’arrêter de parler de la Chine — et avec raison, me semble-t-il. L’émergence de l’économie chinoise sur la scène mondiale constitue peut-être la plus grande opportunité d’investissement de notre époque. En 1990, la Chine était la 10ème économie au monde. Aujourd’hui, elle est 4ème. C’est une croissance ahurissante.

Les implications de la croissance chinoise couvrent à peu près tous les sujets que j’ai abordés ces 12 derniers mois — de l’épuisement des ressources en eaux aux montagnes russes des marchés agricoles en passant par le vieillissement des infrastructures et la nécessité des investissements énergétiques. Ce sont-là des tendances de long terme qui mettront des années à se développer.

Il serait erroné d’affirmer que l’augmentation de la demande chinoise assure à elle seule la hausse des prix des matières premières. Il y a toujours de nombreuses variables, mais il ne fait aucun doute que la Chine joue un rôle essentiel. Si elle disparaissait, ce serait comme un gros homme sortant d’une baignoire. Le niveau de l’eau baisserait radicalement. Disons les choses comme ça : il est difficile d’imaginer la continuation du marché haussier des matières premières sans la Chine.

Il serait également erroné de supposer que le taux de croissance chinois restera à ses niveaux spectaculaire des dernières années. "Tenez-vous simplement debout durant assez longtemps", a écrit le poète Robinson Jeffers, "votre foudre arrivera ; c’est ce qui émousse les faîtes des séquoias". Il y a beaucoup de potentiel pour la foudre — des troubles sociaux en Chine, des disputes politiques avec les Etats-Unis et autres incidents (j’ai trouvé intéressant de constater que pas moins de 27 lois différentes contre le commerce avec la Chine sont passées sous les yeux du Congrès US depuis 2005).

Cependant, même une Chine à la croissance plus lente gardera beaucoup de poids sur les marchés de matières premières. La Chine en est encore à ses débuts, en matière d’industrialisation. Elle vit actuellement un exode rural massif, le plus grand que le monde ait jamais vu. Les autorités chinoises pensent que plus de 300 millions d’agriculteurs chinois migreront des régions rurales pour venir s’installer dans les régions urbaines au cours des deux prochaines décennies.

Par conséquent, la Chine a des plans importants pour ses investissements en infrastructures — comme des systèmes d’eau et de traitement des eaux, des réseaux électriques et bien d’autres choses encore. La Chine va avoir besoin de beaucoup d’acier, de cuivre, d’énergie, etc. pour construire tout cela. Comme le note par exemple Stephen Roach, de Morgan Stanley, "il y a un lien particulièrement serré entre la construction immobilière et le cuivre". Aux Etats-Unis, une maison moyenne contient 400 livres de cuivre. Nous n’avons pas de chiffres comparables pour la Chine, mais il nous semble raisonnable de supposer que les chiffres chinois pourraient être similaires. Il est également possible, étant donné le fait que l’efficacité chinoise est loin des niveaux américains, que la Chine ait besoin de bien plus.

Néanmoins, nous devrions nous attendre à voir les prix des matières premières fluctuer, parfois sévèrement. Même durant le dernier grand boom des matières premières, entre 1966 et 1982, il y a eu bon nombre de reculs. Et ces matières premières n’évolueront pas toutes ensemble, chacune répondant aux va-et-vient de son propre marché. Nous voyons déjà cela avec le maïs qui s’est considérablement repris alors que le pétrole était en plein déclin.

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