▪ Pas de rally de fin d’année à Wall Street ni en Asie… mais une vague de hausse (+5% en ligne droite) à Paris depuis trois séances. Elle ressemble à un joli lot de consolation pour ceux qui sont restés devant leurs écrans durant la dernière semaine de 2011 et pour la toute première séance de 2012.
Le CAC 40 aurait fort bien pu consolider — Wall Street avait terminé vendredi sur un repli de 0,5% — ou ne pas faire grand-chose et digérer la hausse inespérée de jeudi et vendredi. Cependant, loin de stagner dans la zone des 3 150 points, l’indice bondit vers 3 220 comme par enchantement et aligne une huitième séance de progression sur une série de 10.
Depuis le franchissement des 3 110 points jeudi soir (souvenons-nous des 35 points gagnés en un quart d’heure en toute fin de séance, dont 15 points au moment du fixing), le CAC 40 engrange 100 points en 48 heures chrono.
Le prochain objectif serait situé vers 3 240 points — mais le CAC 40 attendrait alors des niveaux de surachat carrément dangereux.
Aucun lien avec l’actualité macroéconomique ou géopolitique ne peut être invoqué… encore moins avec la bonne tenue de l’euro ce lundi (il a reculé de 0,25%)… et aucunement avec les futures à Wall Street, quasiment inchangés après le repli du Dow Jones vers 12 200 points.
Cette hausse semble donc purement « technique »… expression qui sert à rendre compte de mouvements de cours dont l’origine n’est connue que des quelques opérateurs qui les ont initiés et qui se savent à l’abri de toute enquête pour soupçon de manipulation de cours.
▪ Nous voilà bien embêtés !
En attendant d’identifier les petits malins qui se sont amusés à tondre les amateurs d’instruments de couverture à effet de levier (de type warrants ou turbos), une autre catégorie d’opérateurs se retrouve bien embêtée.
Il se trouve que nous en faisons partie. Nous avions adhéré au consensus ayant établi un lien entre le raffermissement du dollar et une résurgence de l’appétit pour le risque sur les places européennes… sans que la corrélation avec la progression des valeurs exportatrices de l’Euro-Stoxx 50 ou du CAC 40 soit évidente.
Mais depuis jeudi dernier, la hausse des places européennes ne saurait être valablement rapprochée des fluctuations de la parité euro/dollar, ou de celle de Wall Street, ou d’une moyenne de températures anormalement élevées pour un Jour de l’an avec 19 degrés à Marseille, 20 degrés en Camargue et 15 degrés à l’ombre du Palais Brongniart.
Mais y a-t-il besoin d’une litanie de raisons bidon (comme par exemple de pseudo-indications « moins pires que prévues » sur les ventes d’automobiles ou les espoirs placés dans la prochaine réunion Sarkozy-Merkel du 9 janvier) pour expliquer les 2% de hausse du CAC 40 ce lundi ? Cela alors que le différentiel de performance est supérieur à -20% par rapport au Dow Jones sur les 12 derniers mois…
Il doit bien exister une forme d’élasticité, voire de réversibilité de ce processus. Et si ce n’est pas pour ce mois de janvier 2012, nous parions qu’il suffit d’attendre la prochaine remise en marche des imprimantes de la Federal Reserve.
▪ Quelle parade les banques centrales vont-elles pouvoir trouver maintenant ?
Parmi les motifs les plus plausibles, il y a ce que tout le monde sait : le premier semestre 2012 sera caractérisé par un montant historique de dettes souveraines à refinancer. Puisque tout le monde le sait, cela ne devrait pas constituer un véritable problème… Cela fait au moins trois ans que les banques centrales réfléchissent à une parade.
L’une d’entre elle pourrait être l’allongement de la maturité des bons du Trésor de pays comme la France, l’Espagne ou l’Italie. Cela éviterait que l’engorgement des marchés ne se répète inlassablement tous les trois mois.
Une cyclicité que connaissent bien les Etats-Unis : le Trésor américain attend régulièrement un feu vert du Congrès pour émettre de nouveaux emprunts parce que le précédent plafond de la dette a été explosé deux mois avant la date prévue.
Face à de tels enjeux, il y aura toujours une bidouille, une astuce pour gagner un peu de temps… avec la bénédiction des marchés, puisqu’à part la Grèce, le sentiment dominant est qu’aucun autre pays occidental ne se trouve au bord d’une faillite imminente.
▪ Un autre danger menace
Cela à condition que les créanciers ne voient pas fondre soudain leur capacité de prêter de l’argent ! Et à ce sujet, pas de souci a priori pour l’Arabie Saoudite et les monarchies du Golfe.
Les excédents budgétaires liés aux revenus pétroliers de l’année 2011 se sont avérés deux fois supérieurs aux estimations. Il y aura des dizaines de milliards de pétrodollars à recycler semaine après semaine au cours des prochains mois ; il en sera ainsi tant que le baril se maintiendra au-dessus des 80 $.
Selon nous — et nous ne sommes pas les seuls –, le principal danger pour les emprunteurs pourrait provenir d’un incident de croissance majeur en Chine. Il pourrait s’agir d’un scénario à la japonaise, modèle janvier 1990, lié au double éclatement de la bulle immobilière et de la bulle de surproduction industrielle.
C’est celle-là qui nous apparaît la plus périlleuse. En effet, un actif immobilier qui a fait l’objet d’une saisie à Pékin ou Shanghai, même temporairement inoccupé, demeure un bien qui possède une certaine valeur vénale ou locative… En revanche, une usine chinoise qui perd chaque mois un peu plus d’argent parce que ses clients occidentaux passent soudain commande à des concurrents indiens ou vietnamiens, cela ne vaut strictement plus rien le jour où le dernier salarié cesse de faire tourner les machines.
Pour protéger son industrie automobile, Pékin vient d’annoncer que les derniers investissements et les derniers accords de production devront avoir été négociés avant le 31 janvier prochain.
Mais cela fait bien longtemps déjà que les Chinois pratiquent un protectionnisme sournois en imposant aux automobiles importées d’Europe des normes de qualité draconiennes dont les constructeurs locaux sont exonérés.
Le moindre prétexte — comme de pseudo-malfaçons détectées sur un seul véhicule, le non-respect de normes environnementales ubuesques (ils n’en respectent aucune dans leurs propres usines) — est utilisé pour renvoyer des lots entiers de voitures fabriquées en Europe.
Si les Occidentaux agissaient de la sorte, avec une mauvaise foi aussi opiniâtre et par simple souci de réciprocité, la moitié des produits importés de Chine disparaîtraient des linéaires de Wal-Mart en quelques semaines… Et ils ne seraient pas remplacés par leurs équivalents d’origine locale puisqu’ils n’existent tout simplement plus.
D’autres pays d’Asie du Sud-est s’empresseraient de combler ce vide… mais cela ne changerait rien au problème des déficits commerciaux et de la désindustrialisation des Etats-Unis ou de l’Europe.
En revanche, si la Chine cessait — pour des raisons de force majeure, de type crise à la japonaise — de refinancer les Etats-Unis, il n’y aurait pour le coup personne pour prendre sa place.
Mais la Chine est depuis longtemps prise au piège : elle sait bien que si elle n’avance plus d’argent au Trésor US… l’Amérique cessera à son tour de la rembourser.