La Chronique Agora

La Chine monte, les Etats-Unis descendent…

▪ Il ne s’est pas passé grand’chose ces derniers jours.

Certains chiffres étaient encourageants. D’autres pas. C’est un peu comme si un météorologiste prévoyait du blizzard, tandis qu’un autre annonçait soleil et températures élevées. Les investisseurs ne savent plus comme s’habiller.

Parmi les nuages sombres, on trouve une chute des recettes fiscales américaines. Les différents états ont du mal à équilibrer leurs comptes, parce que leurs revenus déclinent. Le Wall Street Journal rapporte que les recettes sont 17% inférieures à celles de l’an dernier. Dans la mesure où les états ne peuvent pas imprimer d’argent, ils doivent réduire leurs dépenses — généralement en réduisant le nombre d’heures travaillées par leurs employés ainsi que le nombre total d’employés. C’est négatif, déclare l’article, parce que ça augmente le chômage et réduit la base salariale, menant à une baisse des dépenses de consommation.

▪ Par ailleurs, les prix de l’immobilier semblent se stabiliser. Dans certaines zones, ils grimpent. Dans d’autres, on peut acheter une maison à la moitié de son prix d’il y a deux ans. Cela attire les acheteurs sur le marché. Si nous avions besoin d’une maison où vivre, peut-être serions nous tenté nous-même. Voilà pourquoi nous aimons les baisses de prix de l’immobilier ; on en a plus pour son argent. Mais la plupart des gens veulent un marché immobilier qui grimpe. Ils pensent que cela les rend plus riches.

Ils seront probablement déçus. Ils arrivent à la plage avec leur parasol et leur crème solaire… juste au moment où une tempête d’hiver frappe la côté.

▪ Notre vieil ami Marc Faber est "très confiant" quant au fait que les choses tourneront mal.

"L’avenir sera un désastre total, avec un effondrement du système capitaliste tel que nous le connaissons actuellement, des guerres, des défauts de paiement massifs de la part des gouvernements et l’appauvrissement de larges segments de la société occidentale", écrit-il.

"Nous avons un faiseur d’argent à la Fed", continue-t-il, ce qui garantit une inflation galopante, une dévaluation générale du dollar et une baisse majeure du niveau de vie de la plupart des Américains ainsi que de nombreux Européens également.

Dans le même temps, Paul Volcker déclare que l’ascension de la Chine ne fait que "souligner le déclin relatif des Etats-Unis".

Et voilà : la Chine va vers le haut, les Etats-Unis vers le bas.

Tel est la tragédie que nous observons tous les jours, à la Chronique Agora. Selon nous, le pic de la puissance et de la richesse des Etats-Unis a probablement eu lieu durant la période entre la chute du Mur de Berlin et la chute de Lehman Bros. Mais il se produira probablement encore pas mal d’événements avant que les gens soient entièrement conscients de ce qui est en train de se passer.

De la manière dont nous voyons les choses, le 20ème siècle dans son intégralité ou presque était une erreur… une impasse. Les Européens étaient clairement au sommet du monde lorsque le siècle a commencé. Puis, après la Première Guerre mondiale, les Européens des Etats-Unis ont pris le relais. Mais la Deuxième Guerre mondiale a ébranlé leur foi dans l’évolution de leur ordre politique. Peu de temps après, l’hyperinflation allemande et la Grande dépression ébranlèrent leur foi dans leur ordre économique et financier. Tout ça laissa un grand vide, bientôt rempli par des aventuriers sans scrupules et des comploteurs idéologiques. Une bonne partie du reste du siècle… de 1939 à 1989… se passa en guerres froides ou chaudes contre les bolcheviques, fascistes, stalinistes et maoïstes.

En fin de compte, les sociétés les plus raisonnables et consensuelles d’Occident ont gagné la bataille. Mais elles aussi furent transformées par 50 ans de guerre et près d’un siècle de mauvaises idées. "Quiconque lutte contre des monstres devrait prendre garde, dans le combat, à ne pas devenir monstre lui-même. Et quant à celui qui scrute le fond de l’abysse, l’abysse le scrute à son tour", avait prévenu Nietzsche.

En scrutant dans l’abysse créé par Mussolini, Hitler, Tojo, Pol Pot et les autres, les sociétés occidentales ont décidé à la fois de les combattre… et de les rejoindre. Les taux d’imposition ont grimpé en flèche. Les régulations se sont multipliées. Les professeurs d’université ont enseigné le socialisme, le freudisme, le modernisme, le cubisme, le féminisme, le racisme… et tous les autres "-ismes" auxquels ils pouvaient penser.

Et — c’est peut-être le plus inquiétant — aux Etats-Unis, l’armée est devenue un Goliath avide et vorace… exactement ce que craignait Eisenhower.

Il y eut des contre-tendances dans les années 80… menées par Margaret Thatcher en Angleterre et Ronald Reagan aux Etats-Unis. Mais c’était en majorité des fraudes. Les taux d’imposition marginaux furent réduits. Et il y eut des simplifications dans les procédures réglementaires. Mais les dépenses gouvernementales eurent tendance à grimper malgré tout. Pire, Ronald Reagan confondit l’Union soviétique avec une authentique menace et augmenta plus encore les dépenses militaires pour la combattre.

Et voilà que les Etats-Unis titubent sous le poids de leurs guerres éternelles… de leurs illusions impériales… et de leurs efforts sans fin pour fournir du pain et des jeux. Si le pays tenait ses comptes comme une entreprise privée, il serait sur la paille. S’il était en bourse, il serait exclu de la cote.

Mais les Etats-Unis continuent de dépenser et dépenser… et pas moyen de les faire cesser. Ils mettent des milliers de milliards de dollars dans des guerres en Irak et en Afghanistan sans raison apparente. Mais qui se plaint ? De trop grosses sommes sont en jeu. Trop de lobbyistes pour trop de secteurs et trop d’intérêts individuels sont en jeu. Les dépenses militaires — même lorsque les Etats-Unis ne sont confrontés à aucun rival digne de ce nom — ne peuvent être réduites. De même que les dépenses sociales.

Marc Faber a raison. Là encore, il y a trop de gens ayant trop d’enjeux dans ce combat. Tant les dépenses militaires que sociales continueront à se développer jusqu’à ce que l’empire soit ruiné.

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