La Chronique Agora

La capitalisation de Peugeot est au plus bas

▪ Ceux qui ont tendu une oreille compatissante pour écouter mes recommandations sur le Téléphone Rouge ces 10 derniers jours — notamment jeudi et vendredi derniers — auront probablement été assez surpris d’y découvrir une litanie de conseils d’achat et de renforcement des positions accumulées depuis que le CAC 40 a testé les 3 180 puis les 3 115 points.

Ceux qui ont entendu les six ou sept derniers messages doivent se demander si personne ne m’a adressé d’e-mail pour me prévenir du sort funeste promis à ceux qui ont eu la témérité d’acheter du papier (même complètement bradé) avant le second tour des élections présidentielles.

Des chroniqueurs et stratèges éloquents sont formels : « en cas d’alternance politique, l’attaque contre la dette française sera terrible : la ‘finance sans visage’ ne manquera pas de se venger des impudents qui ont osé la défier ».

« Tremblez, pauvres électeurs : votre épargne investie en OAT va être proprement laminée. Le coût de refinancement de notre pays — dont certains élus ministrables défilent derrière des drapeaux rouges — ne tardera pas à s’aligner sur celui d’une Espagne en perdition ou d’un Portugal qui ferait mieux de se laisser engloutir par les flots glacés de l’Atlantique plutôt que de supporter une cure d’austérité sans issue ».

▪ Le marché parisien, seul contre tous
Nous devrions ajouter que la catastrophe sera d’autant plus douloureuse financièrement que les marchés, dans leur sournoiserie sans limite, ont feint d’accorder leur confiance à la Bourse de Paris. Cette dernière était d’ailleurs la seule à terminer dans le vert ce mercredi. Les autres places, quant à elles, chutaient collectivement de 1% sur fond de ralentissement de l’activité en Allemagne et de chômage à 11% dans l’Eurozone.

C’est sûrement la stratégie la plus vicieuse que l’on puisse imaginer : faire semblant de vendre les actions allemandes pour acheter des titres français (du secteur du luxe principalement) afin de mieux piéger les naïfs de notre espèce.

A 48 heures des élections, il ne reste plus qu’à nous préparer au pire. Les dés sont jetés et le temps nous manque pour renverser la vapeur dans un ultime sursaut de lucidité.

▪ Que vaut Peugeot ?
Avec l’achat de titres Peugeot vers 9,5 euros, nous sommes devenus actionnaires d’un groupe dont la capitalisation (3,2 milliards d’euros pour 50 milliards d’euros de chiffre d’affaire) est inférieure de 20% à celle du groupe BIC et s’avère équivalent à celle du groupe SEB.

Certes, ces deux entreprises spécialisées dans la production de biens de consommation sont moins endettées que le groupe PSA ; elles n’ont pas non plus de projet de fusion de certaines activités industrielles avec General Motors. Mais la valeur boursière de Peugeot atteint tout juste 65% de celle de Ferrari (cinq milliards d’euros) et n’est supérieure que de 1,5 milliard d’euros par rapport à celle de sa filiale Faurecia.

En d’autres termes, retirez la participation dans Faurecia et Peugeot vaut moins de 2,2 milliards d’euros, c’est-à-dire l’équivalent de CFAO — le principal exportateur de véhicules de marque Peugeot et Citroën sur le continent africain.

Pour un peu, le distributeur des véhicules vaudrait plus cher que le groupe automobile tout entier. PSA est le principal dépositaire de brevets sur le territoire français : rien que le cumul de ces innovations vaudrait plus que deux milliards d’euros. Mais la trésorerie nette du groupe (six milliards d’euros) est comptée pour zéro du fait de free cash flows négatifs d’environ 1,5 milliard d’euros liés aux pertes subies en 2011.

▪ Le lion ne fait plus le poids face à la pomme
L’extrapolation des difficultés de PSA nous semble, en proportion, aussi absurde que la marche triomphale d’Apple vers une capitalisation de 1 000 milliards de dollars d’ici deux ans.

Notons qu’avec une trésorerie de 110 milliards de dollars, Apple pourrait acheter 25 fois Peugeot !

Cela donne un peu le vertige… d’autant qu’il en coûterait certainement plus de quatre milliards de dollars pour créer une iCar si la fantaisie en prenait aux successeurs de Steve Jobs.

Et ne parlons pas des capacités d’investissement des fonds qataris ou saoudiens, lesquels encaissent trois milliards d’euros de plus (en glissement annuel) chaque fois que le pétrole se renchérit de 1% — ce qui ne prend parfois que quelques minutes sur le NYMEX.

Refermons cette parenthèse fantaisiste pour nous intéresser aux difficultés bien réelles qu’affronte l’Europe — et non la seule France — depuis le début de l’année. Les derniers chiffres publiés hier ne sont pas bons… y compris en Allemagne.

▪ Le chômage n’épargne personne…
Le nombre de chômeurs outre-Rhin a augmenté de 19 000 au mois d’avril selon les dernières données compilées par l’agence fédérale du travail. Le taux de chômage dans la Zone euro –corrigé des variations saisonnières par Eurostat — s’est élevé à 10,9% en mars 2012, comparé à 10,8% en février.

Autre déception, l’indice PMI manufacturier de la Zone euro s’est inscrit à 45,9 en avril (contre 46 en mars), soit un plus bas de 34 mois.

▪ … mais ça ne ressent pas dans les chiffres US
Mais ces chiffres ne déstabilisent pas vraiment Wall Street, pas plus que l’indice ADP des créations d’emploi dans le secteur privé aux Etats-Unis au mois d’avril. La dernière enquête traduit un net coup de frein sur les embauches avec seulement 119 000 nouveaux postes contre 150 000 à 170 000 anticipés (après 219 000 en mars… soit une contraction de presque 50% !).

Malgré cette toile de fond macro-économique qui nous rappelle des heures sombres de l’été 2011, le Nasdaq évoluait vers 20h en territoire positif. Le Dow Jones, quant à lui, se maintenait au contact de ses meilleurs niveaux du 31 décembre 2007 (à 0,2% près).

Les investisseurs américains auront, tout comme leurs homologues européens, les yeux rivés sur la réunion du conseil des gouverneurs de la BCE qui se tient (hasard du calendrier) à Barcelone ce jeudi. Ils décortiqueront le contenu de la conférence de presse de son président Mario Draghi.

Ils guetteront la moindre allusion à un biais monétaire plus accommodant que les 1% actuellement en vigueur ou à une intervention visant à soutenir plus ouvertement l’Espagne en espérant la promesse implicite d’initiatives en faveur de la croissance… avec juste deux années de retard par rapport à la Chine ou les Etats-Unis.

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