La Chronique Agora

La BCE n’a pas d’autre choix que la fuite en avant

La politique monétaire ne sera jamais normalisée : des taux normaux sont impossibles en raison du poids des intérêts sur la dette.

Mario Draghi veut quitter la BCE en pouvant dire qu’il a fait le boulot, quitte à ce qu’après lui ce soit le déluge. D’ailleurs, la BCE sera-t-elle réellement en mesure de normaliser sa politique monétaire ?

La normalisation monétaire est une promesse faite dans la mesure où les prochaines données économiques « confirment les perspectives d’inflation à moyen terme ».

Mais la fin de la « morphine monétaire »annoncée par la BCE le 14 juin est-elle crédible ?

Natixis (1) a traité le sujet en juillet dernier et cerne quatre risques majeurs :

Le deuxième point est évidemment le plus important, comme le souligne Bruno Bertez :

« L’objectif d’inflation est un subterfuge qui est utilisé pour masquer les vraies raisons de l’absence de normalisation de la politique monétaire. […] si les taux d’intérêt étaient libres et remontaient à leur niveau historique, c’est-à-dire à 3% au-dessus des taux actuels, la construction monétaire exploserait à nouveau. Ni les budgets ni les valeurs relatives des dettes souveraines ne pourraient résister. Les marchés ne pourraient rester ordonnés. L’hypothèse de l’éclatement de l’euro referait surface. »

D’ailleurs, la BCE n’a plus toutes les cartes en main, comme le souligne Natixis :

Prenons l’exemple d’un pays qui aurait une dette publique excessive et qui aurait perdu sa solvabilité budgétaire, au hasard l’Italie, dont la Commission européenne a rejeté le budget le 23 octobre.

Si d’aventure la situation sur le 10 ans italien venait à dégénérer et que le gouvernement italien menaçait de faire défaut, de quels moyens disposeraient la Commission et la BCE pour l’en empêcher ? Aucun.

Par conséquent, la BCE serait « contrainte de mener une politique monétaire expansionniste jusqu’au point où ce pays redevient solvable budgétairement », sans quoi « la crédibilité globale de l’euro sera[it] atteinte, ce que la BCE ne peut pas accepter », comme l’explique Natixis.

Les autres membres de la Zone euro auraient-il plus de poids vis-à-vis de l’Italie ? Pas vraiment,puisqu’en cas de défaut, « des pertes très importantes pour les pays créditeurs de la Zone euro (Allemagne, Pays-Bas…) apparaissent, ce qui contraint ces pays à accepter la politique monétaire très expansionniste qui évite le défaut ».

Dit autrement, lorsque vous devez 100 000 € à votre banquier et que vous dépensez plus que vous ne gagnez, vous avez un problème. Mais lorsque vous lui devez 500 milliards d’euros (montant de la dette TARGET-2 de l’Italie), c’est votre banquier qui a un problème

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Normalisation : »la BCE va craquer »

La reculade, c’est le pari que fait Natixis dans un Flash Economie en date du 27 septembre.

Le raisonnement est le suivant :

« Au second semestre 2019, quand se posera pour la BCE la question de la hausse des taux d’intérêt, la BCE observera probablement :

La réaction normale de la BCE à cet environnement devrait être de renoncer à accroître ses taux d’intérêt à partir du deuxième semestre 2019, de renoncer à la normalisation, envisagée trop tardivement, de sa politique monétaire ».

Ce sera le point de départ d’une nouvelle fuite en avant, cette fois-ci sur le mode japonais

La BCE a vendu son âme au diable en refusant d’user de sa prétendue indépendance vis-à-vis du pouvoir politique pour permettre aux économies manifestement défaillantes de se réformer, et cela afin de jouir à crédit de quelques années de croissance supplémentaires.

Le prix à payer pour ce renoncement pourrait être que l’imprimante de la BCE ne cessera jamais détourner. C’est le scénario qu’envisageait très sérieusement Natixis le 26 juin.

Voici de quoi il retourne :

« Le Japon, la Zone euro probablement dans le futur sont caractérisés par l’impossibilité pour la banque centrale de remonter ses taux d’intérêt. Le mécanisme est le suivant :

Quel est alors le danger ? Si des chocs apparaissent qui devraient normalement conduire à une hausse des taux d’intérêt à long terme (chocs inflationnistes, hausse des taux dans les autres pays…), la banque centrale est obligée d’intervenir pour empêcher cette hausse des taux d’intérêt. Il en résulte une hausse sans limite de la taille du bilan de la banque centrale, la perte de contrôle de l’offre de monnaie,un excès chronique de liquidité. »

A défaut de conserver sa prééminence économique sur l’Asie, l’Europe finira peut-être par dépasser le Japon au niveau de la taille du bilan de sa banque centrale…

Et pour ce qui est de Mario Draghi, comme le dit Bruno Bertez: 

[il] sera plus tard considéré comme le fossoyeur de la monnaie européenne. Powell a tressé les louanges du fameux ‘coûte que coûte’ de Draghi, lequel ‘coûte que coûte’ apparaîtra dans l’Histoire comme la décision qui a empêché l’Europe de se réformer pour devenir viable… On en reparlera d’ici quelques années !

D’ici-là, on aura peut-être eu droit à de nouvelles images du trading floor de la BCE, qui n’a sans doute pas fini de s’activer.

En octobre, le bilan de la BCE se montait à 4 632 Md€, soit 41% du PIB de la Zone euro.

Les Etats-Unis n’en sont qu’à 22% de leur PIB, et le Japon à 101%.

Si la perspective d’une fuite en avant vous laisse sceptique, sachez qu’après les résultats des derniers stress tests sur le secteur bancaire européen, la BCE envisage déjà de ressortir sa planche à billets, comme nous le verrons prochainement.

(1) https://www.research.natixis.com/GlobalResearchWeb/main/globalresearch/ViewDocument/7MApxTy3ONKZUieVp5PSxA==

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