La Chronique Agora

Re-krach sur l’or… et plongeon à Wall Street

▪ Entamée en hausse de 0,4% en Europe, la journée d’hier s’est achevée sur un plongeon sans précédent des indices américains en 2013, un krach sur l’or et l’argent-métal et un attentat à Boston en début de soirée qui a mis tous les médias du pays en émoi.

Une fois n’est pas coutume, de façon assez inattendue, Wall Street doublait ses pertes un quart d’heure après la clôture des places européennes. Cela ne nous a pas complètement étonné dans la mesure où l’effondrement des matières premières et le krach sur les métaux précieux ont dû contraindre certains opérateurs à liquider tout ou partie de leur portefeuille de valeurs mobilières.

La chute des indices américains s’est ensuite accélérée avec les deux explosions qui ont retenti à quelques secondes d’intervalle peu après l’arrivée du marathon de Boston. Les scores de clôture sont devenus quelque peu secondaires vu l’émotion suscitée par l’attentat du jour. Cependant, nous avions le sentiment dès la fin de la matinée que la pression vendeuse venait de ressurgir avec une certaine intensité, comme en témoignait une brutale remontée de 15% du VIX.

Un nouveau coup de boutoir à la baisse est survenu à deux minutes de la clôture. Une perte additionnelle de 0,35% a porté le repli du S&P 500 à -2,3% et celui du Dow Jones de -1,4% vers -1,8% (juste en-dessous des 14 600 points), tous les indices US clôturant au plus bas du jour.

Nous avons cependant l’impression que la chute du Dow Jones a été freinée autant que le contexte technique le permettait. En effet, d’autres indices bien moins médiatisés comme le Russell 2000 ou le Dow Transport ont dévissé de 3,8% — des écarts à la baisse d’une ampleur inconnue cette année.

Tout ceci s’est accompagné d’une spectaculaire envolée de l’indice VIX (+43% à 17,3), la plus forte de l’année… Cela à 48 heures d’un changement d’échéance mensuelle qui donne lieu d’habitude à un écrasement de la volatilité.

▪ Plus fort chute de l’or depuis 30 ans
Mais les variations — même spectaculaires — de certains indices boursiers passent au second plan en regard du krach de l’or et de l’argent : -10,5% sur l’once d’or à 1 345 $, -12% sur l’argent à 22,65 $ en clôture. Il s’agit de la plus spectaculaire chute en une seule séance depuis 1983, de la plus forte chute mensuelle depuis les -16,5% d’octobre 2008.

Le plus remarquable, c’est que pas un des spécialistes des matières premières ou des métaux précieux ne s’est montré capable d’expliquer un tel sell off qui affecte l’ensemble du secteur. Aucune annonce, aucune statistique, aucun évènement géopolitique majeur survenu durant le week-end, aucun relèvement des marges sur les marchés à terme n’apporte d’éclairage technique ou fondamental probant.

« C’est arrivé »… Voilà un peu le sentiment dominant puisque le « pourquoi » reste mystérieux. Le « comment » lui est évident : la cassure des 1 530 $ a déclenché un signal de vente… qui s’est transformé en vent de panique pour tous les opérateurs trop exposés sur les dérivés (avec effet de levier) et rapidement contraints de solder leurs positions « à tout prix ».

Il n’est donc pas exagéré de parler de Lundi noir ou de plongeon du siècle sur les métaux précieux (le platine dévisse également de 6%). Le tableau est franchement apocalyptique, cela surpasse même le Vendredi noir du 10 octobre 2008, lorsque l’once d’or avait chuté de 7,5% dans un contexte de liquidation générale de tous les types d’actifs négociables.

A l’époque, le catalyseur était connu de longue date, la tendance de fond était sévèrement baissière depuis des semaines, l’incertitude sur l’avenir économique total : qu’y a-t-il de commun avec le krach du lundi 15 avril ?

▪ Pétrole et ralentissement économique
Le pétrole n’a pas été épargné. Il chutait de 3,3% sur le NYMEX, sous les 88 $ en clôture. Le Brent a également décroché de 3% pour en terminer sous le seuil psychologique des 100 $. Toutes les valeurs liées aux produits de base et à l’énergie (mines et parapétrolières) ont littéralement envoyé Wall Street par le fond.

Anecdote technique hors norme (elles ont été étonnamment nombreuses ce lundi), seuls sept titres du S&P sur 500 ont fini dans le vert, dont deux hausses liées à des offres de rachat lancées antérieurement à la séance de lundi… Cela fait donc cinq sur 500 : un tout petit 1%.

S’agissant de l’or noir, le phénomène de contagion associé au krach des métaux précieux n’est pas le seul en cause car il y a également du fondamental. En effet, les signaux de ralentissement économiques se multiplient en Asie (PIB chinois) comme aux Etats-Unis, où l’indice Empire State a chuté de 9,2 mi-mars vers 3,1 mi-avril.

Ce chiffre a été publié quelques heures seulement après des statistiques officielles chinoises qui font état d’une contraction du rythme de la croissance à 7,7% au premier trimestre 2013 contre 8% anticipé. Cela est dû à une faiblesse inattendue de la production industrielle pour un mois de mars — souvent très solide après les festivités du Nouvel an chinois qui freinent l’activité fin janvier ou début février.

Les marchés dans leur infinie prescience avaient déjà envoyé le pétrole tester les 90 $ avant même que les chiffres publiés par Pékin démentent les anticipations de hausse des importations d’énergie chinoises… scénario auquel nous n’avons jamais cru.

Pas plus que nous ne croyons à l’effondrement de l’once d’or suite à la panique créée par la rumeur de liquidation du stock d’or chypriote… Rappelons que ce dernier représente 10 tonnes, soit l’équivalent de 1,5 jour de production mondiale, ou encore 12 jours de la production d’or de la Chine sur son propre sol (dans la région de Shandong principalement).

▪ La Chine premier producteur de métal jaune
Car l’Empire du Milieu est désormais le premier producteur mondial d’or — devant l’Australie avec ses 250 tonnes, l’Afrique du Sud avec ses 220 tonnes et les Etats-Unis avec 200 tonnes. Les quantités produites diffèrent selon les sources (nous avons fait une moyenne) mais la hiérarchie est bien celle que nous mentionnons.

Nous osons à peine imaginer la Chine, qui rêve de quintupler ses réserves de métal précieux (évaluées à 1 200 tonnes aujourd’hui), laisser passer l’occasion de ramasser l’équivalent de 1% de son stock, au risque de voir le prix de l’or chuter de 10% ou plus en quelques jours.

Et que dire des Etats-Unis, qui détiendraient un stock de 8 000 tonnes ? Avec le krach des deux derniers jours, c’est comme si la valeur de 1 250 tonnes était partie en fumée.

A raison de 40 millions d’euros la tonne, c’est comme si 50 milliards s’étaient évaporés des coffres de la Federal reserve en 48 heures… l’équivalent de ce que la banque du Japon compte injecter dans l’économie chaque mois jusqu’en fin avril 2015.

Mais il n’est question que de gains virtuels disparaissant en même temps qu’apparaît une quantité égale d’argent virtuel… Sauf que l’or est bien concret tandis les yens et les dollars imprimés tous les mois par la Fed et la BoJ ne sont que de la fausse monnaie.

D’où cette question angoissante : est-ce que cette fausse monnaie ne va pas s’auto-détruire sous la forme d’une implosion de toutes les bulles qu’elle a contribué à gonfler ?

Les prochaines bulles sont celles des bons du Trésor US et des actions. Les T-Bonds n’ont pas bronché lundi, Wall Street a perdu de 2,3% à 3,8%, Tokyo chutait de 2% dès l’ouverture… Devinez quelle classe d’actifs sera emportée par la prochaine tourmente ?

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