La Chronique Agora

Keynes contre Richebächer : les économistes ne connaissent rien à la croissance…

▪ Nous avons lu dans le Telegraph que 172 grands économistes ont signé une lettre ouverte pour dire qu' »Angela Merkel a tort ».

Cela nous rappelle une campagne parue dans les journaux américains au début des années 80 : des centaines d’économistes y protestaient contre les tentatives de Paul Volcker de juguler l’inflation.

Si vous avez un pneu crevé, mieux vaut ne pas demander à un économiste de le réparer. S’il est seul, il peut à la rigueur y parvenir, si toutefois il n’y a pas de bars dans les environs pour le détourner de sa tâche. Mettez-en deux ou plus au travail, vous ne reprendrez plus jamais la route. Ils discuteront entre eux pour savoir ce qui a causé la déflation du pneu… théoriseront sur la manière de le regonfler… et d’une manière générale le mettront encore plus à plat.

Et si vous regardez avec attention, vous apercevrez plusieurs d’entre eux en train de semer des clous sur la chaussée.

Alors chaque fois qu’on voit un groupe d’économistes signer une pétition, quelle qu’elle soit, on peut supposer que c’est une menace pour l’économie, la république, voire toute la vie humaine de la planète.

Il se pourrait cependant que ces 172 économistes soient l’exception. Pourquoi ? Parce qu’ils se plaignent du fait que Mme Merkel fait n’importe quoi :

« Les économistes, qui comprennent Hans-Werner Sinn, le directeur de l’IFO, un think tank influent, avancent que la chancelière allemande a fait un pas dangereux vers une ‘union bancaire’. »

« La décision des dirigeants, lors du derniers sommet, de permettre au Fonds européen de stabilité financière (FESF) et au Mécanisme européen de stabilité (MES) de financer directement les banques en difficulté — plutôt que par le biais des gouvernements — a été considéré comme une avancée essentielle ».

« Les banques espagnoles, qui ont mis la quatrième plus grande économie de l’Eurozone au bord du gouffre, devraient entamer les fonds de renflouage jusqu’à 100 milliards de dollars ».

« Mais dans la lettre, publiée par le quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung, les économistes ont déclaré : ‘les dettes des banques sont près de trois fois plus élevées que les dettes gouvernementales… les contribuables, retraités et épargnants des pays d’Europe restés solides jusqu’à maintenant ne doivent pas être chargés du soutien de ces dettes, surtout que de gigantesques pertes sont à prévoir suite au financement des bulles économiques inflationnistes des pays du sud’. »

L’autre raison pour laquelle ces 172 économistes pourraient être exceptionnels est qu’ils ne sont pas « anglo-saxons ».

▪ Et les économistes fantômes, alors ?
Nous nous rappelons avec plaisir de notre vieil ami le Dr Kurt Richebächer :

« Ja… Je ne sais pas ce qui a mal tourné chez les Anglo-Saxons », avait-il l’habitude de dire en tapant le sol avec sa canne à pommeau d’argent. « On dirait qu’ils sont devenus fous, tous autant qu’ils sont. Ils semblent avoir oublié tout ce qu’on appris sur l’économie — sur le besoin de devises stables, l’importance de la formation de capital et la folie de la planification centrale. Maintenant les voilà prêts à croire n’importe quoi ».

Lorsque Kurt est décédé il y a quelques années, nous avons hérité de son fauteuil préféré. Il est en cuir sombre, avec un siège incurvé, de la forme des transatlantiques sur les paquebots. Une fois qu’on s’y est installé, il est difficile d’en sortir.

Nous nous y sommes assis le week-end dernier et avons tenté d’entrer en contact avec Kurt. Qu’aurait-il fait de tout ceci — le krach… les renflouages… les assouplissements quantitatifs… les twists ?… Nous nous sommes posé la question… nous avons bu… Et, de nulle part, nous avons entendu sa voix teutonique :

« Ja… c’est tout à fait ce que je pensais. Ils font exactement ce que je pensais qu’ils feraient. C’est incroyable. C’est comme s’ils ne savaient rien… comme s’ils n’avaient jamais ouvert un vrai livre d’économie ou réfléchi deux minutes à la manière dont une économie fonctionne réellement ».

« C’est le problème avec vous autres Anglo-Saxons. Vos cerveaux ont été envahis par ces sottises keynésiennes. C’était des sottises… des absurdités… des absurdités sur échasses… quand c’est sorti dans les années 30. Ce sont toujours des sottises. Mais vous les Anglo-Saxons, vous suivez le mouvement ».

« Euh… Kurt », avons-nous protesté. Nous n’aimons pas corriger un fantôme, mais il nous semblait important de rétablir les faits : « nous ne sommes pas anglo-saxon. Nous sommes irlandais ».

« D’accord… Je ne vous visais pas personnellement, je voulais parler du monde anglophone. Le monde des économistes anglophones. Ce sont tous des charlatans. Des imposteurs. Des escrocs ».

« Ne voient-ils pas qu’on ne peut pas corriger une déflation de la dette en ajoutant plus de dette ? Bien sûr que si. Mais l’admettre signifierait jeter leur réputation… leurs prix Nobel… et leurs postes universitaires et gouvernementaux aux égouts. Et ce Ben Bernanke ! Il a le culot de se prétendre économiste ! Il n’est rien de plus qu’un arnaqueur… du genre de ceux qui organisent des jeux de bonneteau dans les foires ».

« C’est si évident, ce qui ne va pas. La solution aussi est évidente. Pourquoi ne la voient-ils pas ? Il y a trop de dettes. Trop d’actifs… trop d’entreprises… et trop de carrières et de budgets familiaux dépendent à présent de ces mauvaises dettes. Il ne sert à rien de donner plus d’argent aux débiteurs en prétendant que la dette est saine. Il n’y a rien d’autre à faire que de s’en débarrasser… le plus tôt sera le mieux. C’est ce que sont censés accomplir les marchés baissiers et les corrections. Alors qu’on les laisse se produire. Les gens font faillite. Et alors ? Ils sont déjà ruinés. Simplement, ils ne le savent pas ».

« Ensuite, si l’on veut une vraie reprise, il faut mettre plus de vraie devise entre les mains des gens qui peuvent la provoquer — les ménages, les entrepreneurs et les hommes d’affaires. Pas le gouvernement ! Seigneur, le gouvernement consomme de la richesse, il n’en produit pas. Si l’on veut une authentique reprise… non une reprise bidon produite par le gouvernement… il faut laisser les gens garder leur argent pour pouvoir payer leurs factures, épargner, investir et dépenser — tout ce qu’ils veulent faire. On ne continue pas de leur prendre leur argent… pour le gaspiller en usines à gaz gouvernementales ».

« Le pire qu’on puisse faire, c’est augmenter les impôts… et laisser le gouvernement dépenser plus d’argent. On est alors plus pauvre. N’est-ce pas évident ? Soit on crée de la richesse… par la formation de capital, l’investissement et la production. Soit on la consomme. Le gouvernement est toujours un consommateur, pas un producteur. Ce qu’il faut faire, c’est baisser les impôts… et réduire plus encore les dépenses gouvernementales — y compris les renflouages, les contrats et les subventions au secteur privé. On a alors des budgets gouvernementaux équilibrés et plus d’argent entre les mains du privé. C’est la vraie solution. Mais aucun de vous autres économistes anglo-saxons n’en fera même mention… Au lieu de ça, vous avez votre ‘croissance’ fictive — qui signifie en fait plus de dépenses gouvernementales. Et votre ‘austérité’ bidon, qui signifie des augmentations d’impôts et moins de dépenses privées ».

Ja, c’est incroyable.

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