La Chronique Agora

Le marché des junk bonds est en pleine forme : merci la Fed !

Nous parlions hier de records battus. En voici un nouveau…

Au début des années 80, Michael Milken soulignait que les junk bonds pouvaient être plus profitables que les obligations présentant une note AAA. Le marché des obligations de pacotille était minuscule… les émissions totales ne se montant qu’à 30 milliards de dollars environ au milieu des années 80. Milken avait fondamentalement raison, comme le prouvèrent les événements par la suite. Ce qui n’a pas empêché les autorités de le mettre en prison en 1990.

Le marché des junk bonds a continué de se développer. A la fin des années 90, les émissions atteignaient des records — aux environs des 150 milliards de dollars. A ce moment-là, les émissions obligataires se sont effondrées en même temps que la bulle des technologiques. Mais contrairement aux technos, les obligations à haut rendement n’ont pas tardé à retrouver des sommets. Durant la période 2000-2007, l’émission annuelle de junk bonds a dépassé le seuil des 150 milliards de dollars. Puis, en 2013, la pacotille a vraiment franchi toutes les limites, avec environ 330 milliards de dollars de nouvelles obligations émises.

Pourquoi une telle quantité ?

▪ Merci la Fed !
Ah… pour ça — comme pour tant d’autres choses — il faut remercier la banque centrale. La baisse des rendements a poussé les prêteurs à sortir de leur "zone de confort" pour atteindre des rendements plus élevés grâce à des émissions de moins bonne qualité. En 2007, ils écumaient les bas quartiers pour obtenir ce qu’ils recherchaient. En en 2013, ils en étaient réduits à fouiller les poubelles pour un misérable 5%.

Une entreprise zombie mal gérée n’avait pas besoin de cesser de payer ses coupons ; elle devait simplement emprunter plus d’argent.

Peut-on les en blâmer ? A mesure qu’une quantité croissante de liquidités (des rachats de la Fed) devenait disponible, il y avait de moins en moins de raisons pour quiconque de faire défaut. Une entreprise zombie mal gérée n’avait pas besoin de cesser de payer ses coupons ; elle devait simplement emprunter plus d’argent. Les emprunteurs et les prêteurs ont tous été trompés. Les premiers ont trouvé les prêteurs inhabituellement motivés ; les seconds croyaient que les emprunteurs était plus solvables qu’à l’accoutumée.

Tout ça ne sert qu’à mettre en valeur notre dernière idée : le bilan de 4 100 milliards de dollars de la Fed ouvre la porte à tous les problèmes.

M. Problèmes sort de chez lui tous les matins et va à une fête tous les soirs. Mais c’est un maître du déguisement. Un jour, il arrive avec la mine épanouie d’un marché de la dette solide, aux rendements élevés. Le lendemain, il est écroulé dans un coin, comme déprimé par une inflation des prix à la consommation inhabituellement basse. Puis le revoilà le week-end, un flambeur de Wall Street avec les marges les plus élevées de ces 60 dernières années.

Oui, cher lecteur, M. Problèmes a de nombreux visages. Une économie honnête et fonctionnant correctement le repère immédiatement, bien entendu, et lui montre rapidement la porte. Mais une économie gonflée à bloc, ultra-manipulée et combinarde ressemble à un défilé de carnaval. On peut y trouver tout ce qu’on veut… mais personne n’est exactement ce qu’il semble être.

▪ Le carnaval économique
Les économistes appellent ça un problème de "distorsion". Le coût réel du capital est généralement indiqué par les taux d’intérêt en vigueur. Lorsqu’on laisse M. le Marché fonctionner normalement, les investisseurs peuvent prendre les chiffres pour ce qu’ils sont.

Lorsque les banques centrales interviennent, en revanche, ça a pour effet de déformer l’économie et les marchés. En manipulant les taux à la baisse, on fait en sorte que le capital semble trop bon marché. Il est emprunté trop facilement et dépensé trop largement. Ce qui provoque sur-spéculation… et sur-investissement.

Voilà pourquoi nous avons une émission record de junk bonds. Ce phénomène n’est que l’un des rois et reines de carnaval qui ont été corrompus par les interventions cousues de fil blanc de la Fed sur les marchés.

Jamais encore une récession aussi forte n’avait été suivie par un rebond aussi mou.

On peut aussi voir défiler la "reprise" elle-même — c’est la plus faible de l’histoire ! Jamais encore une récession aussi forte n’avait été suivie par un rebond aussi mou. Trimestre après trimestre, la croissance de l’emploi, du PIB et des prix à la consommation sous-performe notablement toutes les reprises depuis la Deuxième guerre mondiale.

Un autre record ! Et seulement un parmi les joyeux fêtards qui ouvrent la porte à M. Problèmes lorsqu’il arrive.

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