La Chronique Agora

Une journée de panique pour le CAC 40 et le secteur bancaire

▪ Quand j’affirmais que les marchés avaient du mal à tenir le rebond, je ne croyais pas si bien dire. Après une journée de trêve mercredi, la séance de jeudi s’est déroulée dans le sang et les larmes. La baisse a été unanime des deux côtés de l’Atlantique… et ne donne pas signe de s’apaiser aujourd’hui, avec un CAC 40 passé sous les 3 000 à l’heure où j’écris ces lignes.

Faisons le décompte de l’étendue des dégâts sur l’ensemble de la journée de jeudi : le CAC 40 a plongé de 5,48%, clôturant à 3 076,04 points. Les autres clôtures européennes constituent une véritable litanie de panique : -4,49% à Londres… -5,82% à Francfort… -4,70% à Madrid… -6,15% pour l’Italie…

Aux Etats-Unis, même combat : le Dow Jones a reculé de 3,68% hier, pour atteindre les 10 990,58 points. Le S&P 500 perdait quant à lui 4,46%, à 1 140,65 points… et le Nasdaq remportait la palme avec une dégringolade de 5,22% à 2 380,43 points.

Le pétrole a baissé lui aussi, avec un WTI perdant 4 $ pour atteindre les 83,54 $ le baril.

Le VIX, l’indice CBOE de la volatilité… et de la peur… était bien le seul à terminer dans le vert, avec un bond phénoménal de 37,62%. (Avec l’or, bien entendu : la valeur refuge ultime a enregistré un nouveau record à 1 824 $ l’once)

▪ Il y a de quoi avoir peur, ceci dit. Les chiffres sur la conjoncture américaine publiés hier — très attendus par les investisseurs — n’avaient rien de rassurant. L’activité ralentit, comme l’indique l’indice Philly Fed, mesurant l’activité manufacturière : attendu à 3,7, il est ressorti à moins 30,7 points en août, son plus bas niveau depuis mars 2009.

Plus généralement, les indicateurs avancés du Conference Board ont grimpé de 0,5% en juillet, signalant une croissance modeste — le consensus s’attendait à +0,2%. Fut un temps où ce dernier chiffre aurait permis de motiver un rebond… mais ce genre de phénomène semble bel et bien terminé.

Les marchés se concentrent désormais sur les mauvaises nouvelles pour alimenter la baisse — et ils n’en manquent pas. Les inscriptions hebdomadaires au chômage US ont augmenté, notamment, à 408 000, contre 399 000 la semaine précédente (et 400 000 attendues). Quant à l’immobilier, si essentiel à l’économie américaine, il ne va pas mieux : les ventes de logements anciens ont chuté de 3,5% le mois dernier… alors que le consensus espérait une hausse de 3,8%.

La principale source de refinancement des ménages américains se porte mal… ils ont de plus en plus de mal à trouver un emploi… et en plus, les prix à la consommation grimpent : +0,5% en juillet. Comment voulez-vous enregistrer une croissance digne de ce nom dans de telles conditions ?

En relisant ce paragraphe, cher lecteur, je m’étonne une fois de plus de la réaction des marchés. Ces faits sont connus depuis longtemps. La lenteur de l’économie, la baisse de l’immobilier, la hausse de l’emploi ne sont pas nouveaux. Comment se fait-il que les investisseurs semblent aujourd’hui les découvrir avec une surprise aussi dévastatrice ?

Comment les marchés peuvent-ils être aussi choqués par l’annonce de Morgan Stanley, qui a abaissé ses prévisions de croissance mondiale pour 2011 et 2012 ? N’auraient-ils pas dû « pricer » tout ça de longue date, eux qui sont si célèbres pour leurs facultés d’anticipation ?

▪ Idem pour l’autre « grande nouvelle » qui a provoqué la déroute dans le compartiment bancaire hier : « le Wall Street Journal a rapporté que la Réserve fédérale de New York accentuait ses investigations sur les filiales aux Etats-Unis des principales banques européennes », écrivait Investir, « craignant que la crise de la dette en Europe ne se transmette à l’économie américaine par leur intermédiaire ».

« Et les propos du patron de la Fed de New York William Dudley, qui a réagi en affirmant que la Banque centrale traitait ‘exactement de la même manière’ les banques américaines et européennes, n’ont semble-t-il pas suffi à rassurer les investisseurs ».

Là aussi, est-ce que personne — à par nous — n’avait eu la puce à l’oreille dès le début de la crise grecque ? L’Irlande, la Grèce, l’Espagne, l’Italie, le Portugal… Est-ce que, à chacune de ces étapes, personne, personne, dans aucune banque ou institution américaine ne s’est dit que peut-être, il faudrait regarder un peu ce que contiennent les comptes ?

Il y a des cas où l’aveuglement paie, me répondra-t-on. Certes. Jusqu’au jour où il se retourne contre vous.

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