La Chronique Agora

John Templeton, In Memoriam

** John Templeton, âgé de 95 ans, est mort avant-hier. Il va manquer à beaucoup de monde. Templeton était un investisseur contrarien de légende et un philanthrope infatigable.

– En février 1987, le fonds Templeton Emerging Market Fund a fait son entrée à la Bourse de New York. A cette époque, très peu d’investisseurs s’intéressaient aux actions de marchés émergents. Et après la chute de la bourse en octobre de cette même année, les investisseurs prêts à s’intéresser aux actions de marchés émergents se sont faits encore plus rares. Le Templeton Emerging Market Fund qui se vendait autour des 14 $ à l’issue de sa première journée en bourse, a chuté à 6 $ avant la fin de l’année.

– Sir John Templeton n’aurait pas voulu qu’il en soit autrement. Cet hyper contrarien semblait adorer l’adversité. Il s’est construit une carrière — et une fortune — en investissant pendant ce qu’il appelait les instants de "pessimisme maximal". Le père de votre chroniqueur a adopté la même philosophie avec autant de passion. Dans les derniers jours tendus de 1987, il a acheté quelques centaines d’actions du Emerging Market Fund et les a données à son fils, votre correspondant.

– Bien que ravi de recevoir de l’argent en cadeau, quelle qu’en soit la forme, nous n’étions pas certain de vouloir conserver cette action bizarre et un peu ennuyeuse. Nous l’avons donc conservée suffisamment longtemps pour faire quelques milliers de dollars, puis nous l’avons vendue pour acheter les parts d’une petite entreprise pharmaceutique qui a finalement fait faillite. C’est ainsi qu’a commencé une éducation très onéreuse dans l’art, la science, la déception et le bonheur de l’investissement.

** Fort heureusement, cette éducation a commencé avec John Templeton. Votre chroniqueur a peut-être abandonné le Emerging Market Fund un peu tôt, mais il n’a pas abandonné les principes de John Templeton, du moins pas volontairement. En réalité, il a même essayé de travailler pour ce monsieur…

– Dans les années 1980, votre chroniqueur étudiait la théologie à l’Université Pepperdine, mais il investissait aussi beaucoup en bourse, "pour s’amuser". Ne sachant pas encore si nous voulions consacrer notre avenir au Seigneur ou au dieu de l’argent, nous avons tenté de faire les deux à la fois. Nous avons donc envoyé une lettre étrangement tournée à John Templeton, lui demandant un poste dans son organisation, que ce soit du côté des œuvres de bienfaisance ou du côté des investissements.

– Quelques jours plus tard, une lettre manuscrite, de la main de Sir John Templeton, est arrivée. Je ne me souviens pas précisément de ce que disait la lettre. Mais je me souviens qu’elle contenait de vraies paroles d’encouragement, même s’il n’y figurait pas l’expression "vous êtes engagé".  Je me souviens surtout d’avoir été sous le choc de recevoir une lettre manuscrite de la main de l’investisseur le plus talentueux du monde.

– Sir John ne se sera jamais douté de l’influence qu’aura eue cette petite lettre manuscrite sur celui qui l’a reçue. Cette simple lettre m’a poussé à tenter d’atteindre un avenir qui pourrait ressembler à celui de John Templeton. Je ne dis pas que j’ai réussi. Mais j’ai réussi à acheter une poignée d’actions étrangères exotiques pendant ces vingt dernières années et j’ai appris quelques petites choses sur l’achat d’actions dont personne ne veut. Quant au côté "milliardaire philanthrope" de l’histoire de John Templeton… j’y travaille.

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