« J’ai lu que les jeunes d’aujourd’hui passent près de huit heures par jour sur leurs téléphones portables et ordinateurs », nous a dit Elizabeth hier. « Je me demande quel effet ça a sur leur cerveau ».
« Une petite minute… Je passe généralement plus de huit heures par jour sur mon ordinateur. Tu vois bien quel effet ça a eu sur moi ».
« Oui, quel dommage. Tu étais si intelligent autrefois ».
Au ranch, tout est important. Hier, au réveil, nous avons trouvé un cheval sous la fenêtre de notre chambre.
« C’est El Bayo », a dit Elizabeth ; elle connaît tous les chevaux. « Comment est-il sorti ? »
Après avoir mené l’enquête, nous avons trouvé tout le troupeau bambochant dans notre parterre de fleurs — huit chevaux broutant aussi vite qu’ils ne pouvaient.
Pas de quoi fouetter un chat. Mais quand on oublie de fermer le portail, il faut s’attendre à des problèmes.
Sens moral
Il faisait très froid ce matin-là. Le ciel état obscurci par les nuages. Il neigeait dans les montagnes.
Nous nous sommes brossé les dents à la lueur des chandelles — notre système électrique solaire continue d’avoir des problèmes. Suite à quoi nous avons enfilé nos bottes et avons chassé les chevaux, les ramenant à leur pâturage.
Les chevaux doivent avoir un sens moral |
Les chevaux doivent avoir un sens moral. Ils savaient qu’ils étaient en train de commettre une mauvaise action. Lorsqu’ils nous ont vu arriver, ils se sont enfui des parterres. Puis ils ont descendu la colline, tête basse, jusqu’à l’endroit qui leur est normalement assigné.
Aujourd’hui, ils peuvent continuer à paître. Ils vont faire de l’exercice demain. Plusieurs ouvriers du ranch sont partis avant l’aube pour les hautes prairies, à quatre heures de cheval. Ils feront redescendre les quelques animaux qui y restent encore (nous avons emmené la plupart d’entre eux à cause de la sécheresse) vers l’enclos.
Demain, nous nous mettrons tous tôt en selle pour rejoindre la grande vallée. Il nous faudra environ trois heures pour y parvenir. Ensuite, nous nous séparerons, poussant le bétail devant nous… criant et hululant… jusqu’à ce que toutes les bêtes soient dans l’enclos.
Un monde imaginaire
« C’est une chose que tu passes ton temps à travailler sur un ordinateur, a continué Elizabeth, mais c’en est une autre pour un jeune.
Ils ne travaillent pas. Ils ne savent pas ce qu’est le travail… ou comment le monde fonctionne… ou quoi que ce soit d’autre. Comment vont-ils apprendre le monde réel s’ils n’y mettent pas les pieds ?
Quand la majeure partie de leur journée se passe dans un monde imaginaire… avec des jeux, des distractions et des discussions parfaitement vides… qu’apprennent-ils ? Comment savent-ils ce qui est réel et ce qui ne l’est pas ?
C’est peut-être pour ça que quand ils vont à l’université, ils se mettent dans tous leurs états au sujet des toilettes unisexes. Ils ne savent pas ce qui compte vraiment.
En fin de compte, tout ce qu’on a, c’est du temps. Si on l’utilise à faire des choses idiotes, à quoi bon ? |
Les gens sont très flexibles et très résistants. Mais en fin de compte, tout ce qu’on a, c’est du temps. Si on l’utilise à faire des choses idiotes, à quoi bon ? Je ne sais pas… mais je suis heureuse d’être ici [au ranch]. Il y a tant de choses à faire… tant de choses à apprendre ».
Elizabeth a raison.
Hier, par exemple, nous avons demandé à Carlos de nous montrer comment plâtrer un mur à la mode locale. Il a extrait de la terre rose près de la casita, qu’il a ensuite tamisée pour en éliminer les graviers… avant de la mélanger à un tiers environ de sable fin… puis de l’eau… et c’est tout.
Il a utilisé le mélange pour couvrir le fil de fer que nous avions inséré entre les pierres des murs de la petite maison. L’effet : un mur lisse, à la couleur riche.
Bien entendu, nous aurions aussi pu apprendre cette technique sur internet.
C’est peut-être ça que font les jeunes — ils apprennent comment faire les choses en regardant des vidéos YouTube. Peut-être que lorsque nous reviendrons aux Etats-Unis, nous trouverons la moitié du pays entièrement replâtrée.