La Chronique Agora

Japon : quelles répercussions pour les bons du Trésor US ?

▪ Les actions baissent… l’or baisse… les rendements obligataires stagnent… les marchés mondiaux sont perturbés…

Pourtant tout cela n’est rien comparé aux terribles événements qui ont lieu en ce moment même dans un petit archipel de l’océan Pacifique. Des dizaines de milliers de personnes vivant dans l’une des économies parmi les plus développées au monde n’ont pas accès à l’eau potable ce soir, ni à l’électricité, alors que les températures sont négatives. Des familles se regroupent, ne sachant quand la prochaine catastrophe leur tombera dessus.

Dans le monde entier, des millions de personnes assistent avec peine, horreur et peut-être même culpabilité aux événements qui frappent le Japon. Certains accuseront la défaillance humaine… d’autres le mystère d’un dieu… alors que d’autres ne pourront que s’asseoir, perplexes…

« Pour quelle raison ? »… « Qu’est-ce que ça signifie ? »… « Pourquoi ici et maintenant ? »

Avant de commencer à évaluer les répercussions financières du terrible séisme qui a secoué le Japon, nous voulons d’abord présenter nos plus sincères condoléances à ceux qui souffrent de cette toute dernière expression de la colère aveugle de la nature.

Aussi insensible que cela puisse paraître, parfois la seule chose à faire dans ce genre de situation est de continuer à avancer. Les charpentiers continuent à construire… les ingénieurs continuent à concevoir… les scientifiques continuent à chercher des remèdes… les médecins continuent à les administrer…

▪ Et les chroniqueurs ? Eh bien, ceux d’entre nous à pouvoir offrir un peu mieux que des réflexions et des mots… nous continuons à évaluer… aussi crus et pénétrants que nos mots puissent apparaître en ces moments difficiles.

Nous revenons donc à nos notes ; aux actions, à l’or et aux obligations. Pour aller où, maintenant ?

Pour être honnête, il est probablement trop tôt pour saisir avec certitude l’étendue des dégâts engendrés par la catastrophe. Nous devrons également voir ce qu’il ressortira de tout cela dans les semaines et les mois à venir.

Toutefois, il n’est sans doute pas trop tôt pour commencer à essayer de comprendre ce que la crise japonaise pourrait signifier pour les rendements des obligations américaines long terme. Dan Denning, rédacteur de la version australienne de la Chronique Agora, a médité sur cette question.

« Les Japonais sont l’un des principaux détenteurs de bons du Trésor US et ils continuent à les acheter », observe Dan, avant d’ajouter : « ce capital pourrait être beaucoup mieux utilisé dans les prochaines années pour reconstruire les dégâts provoqués par le séisme et le tsunami ».

Dan soulève là un point très important. Nous assistons en ce moment même à une ruée vers la « sécurité », cela ne fait aucun doute. Les bons du Trésor US ont fortement monté hier, plus ou moins en synchronisation avec les images atroces en provenance de Fukushima et de Sendai. Le rendement sur le bon à 10 ans de référence a brièvement atteint 3,2%, son plus bas niveau cette année, reflétant ainsi l’attrait des obligations vers « des cieux plus cléments ». (Les prix et les rendements des obligations suivent des directions opposées).

Mais qu’arrive-t-il lorsque la poussière retombe un peu et que l’Oncle Sam se réveille et constate que l’un des principaux acheteurs de sa dette toujours plus grande a fait défection ?

Autrement dit, qu’arrive-t-il lorsque le deuxième plus grand détenteur de la dette américaine découvre qu’il doit résoudre son propre problème lié à un séisme de magnitude 9 ? Selon des données publiées par le ministère des Finances américain mardi, le Japon détenait 886 milliards de dollars en bons du Trésor US fin janvier. Le pays est le deuxième plus grand détenteur étranger après la Chine. Cela fait beaucoup à combler … même par petits bouts.

« Naturellement, sur le court terme, les marchés ‘sans risque’ sont haussiers concernant les bons du Trésor et le dollar américain », continue Dan. « Les gens empochent leurs placements et conservent leur argent. Mais sur le plus long terme, les Etats-Unis pourraient trouver beaucoup plus difficile de financer des déficits sans l’aide d’au moins un grand acheteur étranger. Cela mettra plus de pression sur la Fed pour monétiser la dette tout de suite ».

Que fera donc la Fed ? Eh bien, exactement ce qu’elle fait toujours, bien sûr, c’est-à-dire précisément ce qu’elle ne devrait pas faire. Comme l’indique Dan, la Fed continuera d’essayer de « monétiser » (traduire : imprimer) sa dette.

Il va sans dire que cette stratégie est totalement vouée à l’échec, dans la mesure où aucune once de logique n’entre en compte. Les universitaires aiment à dire qu’une monnaie plus faible et/ou plus de liquidités sont d’excellents moyens de redémarrer des économies défaillantes. A les en croire, une monnaie faible donne un avantage aux exportateurs à l’étranger et un envoi massif de papier monnaie stimule les dépenses en retour dans le pays. En réalité, tout cela ne fait que pérenniser une confiance chancelante dans cette monnaie en tant que réserve de valeur et, par conséquent, décourage ceux avec qui le gouvernement incriminé pourrait souhaiter commencer d’en acheter. Après tout, qui voudrait une chambre forte pleine de dollars zimbabwéens, de pengős hongrois ou de dollars américains ?

 
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