La Chronique Agora

Janet Yellen, Don Kohn, Larry Summers : qui présidera la Fed après Bernanke ?

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▪ Quand vient l’heure, vient l’homme. Ou la femme.

Les autorités américaines recherchent un nouveau président pour la Réserve fédérale. Trois candidats ont la bouche ouverte, espérant mordre à l’hameçon : Janet Yellen, Larry Summers et Don Kohn.

L’heure, c’est le moment où Ben Bernanke devra se traîner vers un emploi où il fera moins de dégâts. L’homme, c’est la personne (homme ou femme) qui le remplacera dans son fauteuil rembourré.

En ce qui concerne Yellen, Summers et Kohn, nous les refuserions tous les trois. De toute évidence, aucun d’entre eux n’a la moindre idée de ce qui l’attend — sinon, il ne voudrait pas du poste. Mais c’est un point de vue minoritaire… alors gardons l’esprit ouvert et examinons chacun de ces poissons séparément.

▪ Janet Yellen ?…
Janet Yellen a trois arguments en sa faveur, selon l’article d’Alain Blinder dans le Wall Street Journal : 1) c’est une femme, 2) elle est bonne diplomate et, plus important, 3) elle est à la Fed depuis 1990 environ et rien d’épouvantable ne s’est produit.

Nous avons un trio de réponses à offrir : 1) il y a approximativement 120 millions de femmes adultes aux Etats-Unis : leur sexe n’est pas une qualification, c’est une catégorie. 2) La diplomatie n’a rien à voir à l’affaire et 3) le fait qu’elle soit à la Fed depuis 1990 est en fait un argument rédhibitoire ; elle était là alors que la dette totale des Etats-Unis passait d’environ 230% du PIB à plus de 350%. Si elle avait une tête solide sur les épaules, elle aurait réalisé que la Fed était en train de permettre une gigantesque bulle de crédit… qui éclaterait un jour. Yellen devrait être disqualifiée.

▪ … Ou bien Don Kohn ?…
Le troisième argument fonctionne aussi pour écarter Don Kohn, insider de la Fed depuis 40 ans.

Voici ce qu’en dit le WonkBlog du Washington Post :

"C’est un vétéran consommé de la Fed, et il était le bras droit d’Alan Greenspan".

Eh bien, voilà qui l’élimine lui aussi de la liste. Quand Alan Greenspan a pris son poste de président de la Fed, les Etats-Unis avaient une limite de dette fixée à 2 800 milliards de dollars. Aujourd’hui, il y a plus de 16 800 milliards de dollars de dette gouvernementale aux Etats-Unis, accumulés en grande partie durant les 19 années où Alan Greenspan était dans le fauteuil de président, avec Don Kohn à sa droite. Lorsque Greenspan a pris son poste à la Fed, un total de 250 milliards de dollars de dette américaine était entre des mains étrangères ; aujourd’hui, on en est à 5 600 milliards de dollars. Greenspan, avec Kohn comme complice, a fait gonfler la dette qui a plus tard fait éclater l’économie américaine.

Ensuite, quand Greenspan est parti en 2006, Kohn a continué. WonkBlog :

"Il était le numéro deux de Bernanke durant la crise financière".

Comme le traduisent clairement ses commentaires en public, souvent repris, Bernanke n’avait pas idée de ce qui était en train de se passer. De toute évidence, Kohn non plus.

Le WonkBlog affirme toutefois qu’il a aussi "des qualifications en tant que gestionnaire de crise". Sauf que la Fed a réagi à la crise comme une foule dans un incendie de boîte de nuit : elle a paniqué. Au lieu de permettre à la crise du crédit de faire sortir les débiteurs les plus faibles, elle s’est précipitée pour tous les sauver — leur offrant à tous plus de dettes avec de meilleurs termes. Les banquiers qui avaient fait les plus grosses erreurs n’ont pas été punis. Au contraire, on les a récompensés avec des taux d’emprunt plus bas et garantis par la Fed.

"Vous vous êtes attiré quelques ennuis, les garçons", a dit le flic de service à la Fed. "Mais voici une nouvelle Corvette… et une bouteille de whisky. Allez vous amuser".

▪ … Larry Summers, alors ?
Quant à Lawrence Summers, que pouvons-nous dire qui ne soit pas déjà de notoriété publique ? Il a coulé le fonds de l’université de Harvard, c’est bien connu. Il est "brillant", voilà qui est aussi indiscutable. C’est bien le problème, en fait : même Summers en est convaincu.

La "brillance" est définie dans une description de Summers, également sur le WonkBlog :

"On peut le mettre au courant de n’importe quel sujet en 15 minutes. Et si l’on peut être assez intéressant pour conserver son attention pendant une demi-heure, il commencera à lancer des hypothèses et des ‘et si…’, à suggérer des liens auxquels on n’aurait jamais pensé".

En d’autres termes, l’homme brillant a un cerveau qui détecte les "liens". Ces derniers mènent à des "hypothèses" — des visions de l’avenir tel qu’il pourrait être. A mesure qu’il devient plus brillant, Dieu lui-même en est ébloui. Mais contrairement à la divinité, Larry Summers a un désavantage existentiel : il n’a pas la moindre idée de ce qui va arriver.

L’homme sage a un avantage sur l’homme brillant. Socrate lui-même l’a expliqué. Les hommes brillants pensent savoir quelque chose. Socrate connaissait ses limites : il ne savait rien.

Larry Summers n’est pas Socrate.

A suivre… avec notamment notre propre nominé surprise pour le poste principal à la Fed !

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