La Chronique Agora

Janet Yellen ne fera pas ce que Ben Bernanke aurait dû faire à la Fed

▪ La semaine s’est bien terminée sur les marchés actions. Les valeurs américaines ont grimpé alors que l’actualité tournait au vinaigre. Dans le monde magique de l’économie moderne, de la politique monétaire et de la politique, les mauvaises nouvelles sont de bonnes nouvelles. La bouffonnerie est de la sagesse. Et la lâcheté est du courage.

"Qui est-ce, ce Donald Trump ?" nous a demandé un ami français lors d’un dîner.

"Je ne sais pas", avons-nous répondu. "Mais il vit dans le monde réel… ou du moins dans sa version du monde réel. Pas dans le monde ‘pour de semblant’ de la majeure partie des politiciens. Il a vraiment gagné de l’argent, dans une vraie entreprise. Il a embauché des gens, il a licencié des gens. Il a des factures à payer. Il a assez d’argent pour pouvoir dire ce qu’il pense. Et il n’est pas dans la politique depuis assez longtemps pour avoir appris à se taire.

Qu’est-ce que Donald Trump pense du marché boursier ?

Les investisseurs "sont contraints d’investir dans un marché boursier gonflé, et à un moment ou à un autre, ils vont se faire rétamer", a-t-il dit au site internet The Hill.

"Nous sommes dans une bulle en ce moment".

Pour autant que nous puissions en juger, ce commentaire est aussi franc et exact que tout ce qui s’est dit jusqu’à présent dans la course présidentielle.

Personne ne connaît mieux les grenades que l’homme qui en a vu une lui exploser à la figure

Personne ne connaît mieux les grenades que l’homme qui en a vu une lui exploser à la figure. Donald reconnaît une bulle quand il en voit une. Et il sait ce qui se passe quand ladite bulle rencontre un objet pointu. Durant l’explosion de 2009, il a été projeté à terre par les débris. Couché sur le dos, brièvement, il a peut-être été l’homme le plus pauvre du monde, ses dettes écrasant sa valeur nette. Aujourd’hui, il a de nouveau les poches pleines. Les valeurs américaines ont grimpé d’environ 20% depuis 2007.

L’immobilier commercial est également environ 20% plus élevé. Dans l’immobilier, le tableau est un peu plus compliqué. La maison moyenne vaut peut-être légèrement moins, mais les prix dans certaines régions sont plus hauts que jamais. C’est en partie parce que les riches et les initiés utilisent leurs gains mal acquis pour acheter les meilleures propriétés… et en partie parce que les acheteurs étrangers entrent sur le marché — et pas qu’un peu. Les Chinois, en particulier, sont devenus de gros acheteurs d’immobilier américain. (Un rapport souvent cité sur internet dit que les Chinois achètent 80% des nouvelles maisons à Irvine, en Californie. Difficile à croire).

Les détentions des banques centrales ont augmenté de 10 000 milliards de dollars. Le total de la dette et des valeurs basées aux US est 25 000 milliards supérieur à son niveau de 2008. Et le monde est plus endetté de 57 000 milliards de dollars.

▪ Prêts à tout pour éviter le naufrage
Dans son univers mystérieux et magique, du haut du quartier général de la Fed, Janet Yellen surveille tout cela. Elle n’a jamais géré une entreprise. Elle n’a même pas travaillé dans une organisation à but non-lucratif. Elle ne peut pas admettre qu’il y a une bulle — ni de la dette, ni des actions, ni de l’immobilier. Si l’on en juge par ses commentaires en 2008, elle ne pourrait probablement pas reconnaître une bulle si elle en avait une sous le nez.

Mais au moins a-t-elle — comme son prédécesseur Ben Bernanke — la lâcheté de ses convictions ! Ben Bernanke, dans son livre Le courage d’agir, nous dit qu’il "ne voulait pas qu’on se souvienne de [lui] comme la personne dont les décisions avaient mené à la destruction de la Fed". Vous avez bien lu : la Fed rencontre son plus gros défi en 80 ans et M. Bernanke s’inquiète de sa propre réputation !

Il aurait dû tenir bon. Il aurait dû laisser le système se débarrasser des pommes pourries. Au lieu de ça, il a paniqué. Il a dit "au président […] que nous ne pensions pas que le système — et, plus important encore, l’économie — pouvait supporter" la faillite de la grande compagnie d’assurance AIG.

 (Il n’a pas mentionné qu’AIG devait beaucoup d’argent à Goldman Sachs, et que l’ancien PDG de Goldman était désormais aux commandes du Trésor US !)

L’économie réelle avait supporté le krach de 29… la Grande dépression… La Deuxième guerre mondiale… et ainsi de suite. Elle ne risquait rien d’une compagnie d’assurance surendettée. L’économie réelle aurait applaudi et mieux respiré si AIG avait eu ce qu’elle méritait. Mais "le système" dont parlait M. Bernanke n’était pas le capitalisme, l’industrie et le commerce réels… Ce dont il s’inquiétait, c’était le monde de fantaisie nourri à la dette que lui et son espèce, à la Fed, avaient bricolé. Sous son oeil vigilant, il était allé trop loin. Il était entré en ébullition de dette.

Tentant désespérément de le renflouer, Bernanke a fourni de fausses informations au président. Et aujourd’hui, nous avons le même "système" — avec plus ou moins les même parasites et compères entretenant les mêmes escroqueries avec plus de dette que jamais.

A présent, la pauvre Janet Louise Yellen est dans le fauteuil du capitaine. Elle doit ressentir la même angoisse… la même crainte. Aucun banquier central ne veut être à la barre quand leur vaisseau de bulle s’échoue sur les écueils. Elle met donc cap vers le large.

"Les actions remontent, une hausse des taux en 2015 semblant s’éloigner", déclare le site TheStreet.

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