La Chronique Agora

Janet Yellen a parlé…

Janet Yellen ENA

Janet Yellen, présidente de la Fed, s’est enfin exprimée… mais les marchés sont déçus. Ils sont injustes : Mme Yellen avait-elle vraiment le choix ?

Tournons-nous vers de lointaines montagnes, et plus précisément vers Jackson Hole, dans le Wyoming.

Là-bas, en fin de semaine dernière, se sont réunis les hommes et femmes qui déterminent la politique monétaire mondiale et supervisent le système bancaire.

Les représentants de la presse financière étaient également là-bas, agrippant le bord de leur siège, attendant les paroles de Janet Yellen, la présidente de la Fed.

Elle ne s’était pas exprimée publiquement depuis ces deux derniers mois.

Il fut un temps où Mme Yellen avait devant elle un avenir brillant. Ce fut une élève sensationnelle à la Fort Hamilton High School de Brooklyn puis à l’université — d’abord à Brown, et ensuite à Yale.

Elle a toujours eu les meilleures notes et reçu les plus grands honneurs. Son avenir était si prometteur. Tout le monde le disait.

L’occasion était si belle, aussi.

Considérant les plus de 13 000 milliards de dollars d’obligations rapportant désormais presque rien (chose impensable pendant 5 000 ans)…

considérant que l’économie se débat pour essayer d’avancer – malgré un stimulus mondial homérique (vendredi, on a appris que le PIB américain affichait un taux de croissance annualisée de 1,1% au deuxième trimestre)…

considérant que le revenu moyen des ménages a baissé de près de 20% (corrigé de l’inflation, comme il se doit) depuis que Mme Yellen a intégré le Council of Economic Advisors du président Clinton, et commencé à contribuer à l’élaboration des politiques économiques.

… et considérant que Donald Trump, candidat des républicains à l’élection présidentielle, s’adresse directement au peuple américain pour l’informer que le système est truqué en sa défaveur !

… Mme Yellen n’a pas dit publiquement pour qui elle allait voter en novembre prochain, mais je parierais volontiers un plat de lentilles que ce sera pour une certaine HRC. La dernière chose qu’elle souhaite, c’est de voir débarquer un franc-tireur à la Maison Blanche.

Qui sait ce que Donald Trump pourrait faire subir à la Fed, s’il était élu ?

Au minimum, il leur demanderait ce qu’ils fichent, dans ce bâtiment, l’Eccles Building… et ce qu’ils font avec notre argent.

La Fed fait peur

Ron Paul est célèbre pour avoir lancé un appel « à auditer » la Fed, au sein du Congrès US. Mais il n’y est jamais parvenu, ni de près, ni de loin.

La plupart des membres du Congrès étaient trop impressionnés… ou effrayés… par la matière grise des gens de la Fed pour le soutenir.

Mais quid de Trump?

Dieu tout puissant !

Mme Yellen a dû sentir la pression monter. Elle a dû sentir qu’il y avait là une opportunité. Toute la presse financière internationale était suspendue à ses lèvres.

Ne devrait-elle pas dire quelque chose ? Ne devrait-elle pas expliquer, au moins, comment les choses en sont arrivées là ?

Ne devrait-elle pas blâmer Milton Friedman, l’économiste ? Après tout c’est Friedman – le grand prêtre du monétarisme – qui a conseillé au président Nixon que les Etats-Unis abandonnent l’étalon-or.

Ou Alan Greenspan : c’est lui qui a commencé à assurer les arrières du marché actions.
Ou Ben Bernanke, avec sa théorie idiote de la « Grande Modération », sortie quelques mois à peine avant que n’éclate la plus grande crise financière enregistrée en 75 ans ?

Et ne devrait-elle pas proposer une solution ?

Le bonnet d’âne

Mais attendez…

Elle n’avait pas de solution. Et elle ne savait pas pourquoi les choses étaient détraquées à ce point.

Que pouvait-elle faire ?

C’est certain, elle ne pouvait pas annoncer un retour “à la normale”. Cela déclencherait sûrement un effondrement des actions et une dépression… et cela lui vaudrait le bonnet d’âne.

Non.

Tout ce qu’elle pouvait faire, c’est ce qu’elle a fait : un peu plus de blablabla.

Janet Yellen a dit que le contexte d’un relèvement des taux s’était « encore renforcé au cours des derniers mois ». Elle a indiqué que « la solidité et la constance des performances du marché de l’emploi » motivaient un certain optimisme. Elle n’a pas précisé que le « paysage du marché de l’emploi » qu’elle observe s’appuie sur les propres chiffres du gouvernement, largement remaniés, qui gomment le chômage de longue durée et ajoutent des emplois fictifs en se fondant sur différents modèles et théories.

Et que se passe-t-il pour ces jolis chiffres de l’emploi (bien qu’ils soient essentiellement fictifs), après un relèvement des taux ?

Ce n’est pas celui-là, le véritable problème ?

Maintenant que l’on a créé un monde où les entreprises et les consommateurs ont à peine la tête hors de l’eau… même avec les coûts d’emprunt les moins chers de toute l’histoire, que leur arrivera-t-il, lorsque les taux seront relevés ?

Elle n’allait tout de même pas évoquer ce sujet !

Que pouvait-elle faire d’autre ?

Pauvre Janet Yellen. Mais regardez-la : elle dit n’importe quoi.

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