▪ Les places européennes peuvent dire un grand merci à James Bullard, président de la Fed de Saint Louis. Hier, il a retourné la tendance à la hausse à Wall Street, qui consolidait de 0,1% vers 17h28, en apportant son soutien à la poursuite du QE3 à « pleine vapeur ».
Le CAC 40 qui était quasi-stable à 17h29 a explosé de +12 points (+0,3%) durant le fixing. Il a ainsi inscrit un record annuel à 4 036 points en clôture, un seuil jamais approché durant toute la séance — et toujours sans volumes, avec 2,6 milliards d’euros échangés.
L’indice phare avait testé 3 995 points mardi matin avant de grimper vers 4 030 points un peu après 15h30. Il est ensuite revenu à l’équilibre vers 4 020 points entre 17h15 et 17h30.
Cela équivaut à crier « achat fort » en distribuant quatre milliards de dollars (plus quelques sachets de poudre blanche) aux opérateurs présents à Wall Street ! Mais comme la Fed achète elle-même des actions au travers d’instruments dérivés, comment s’étonner qu’elle fasse tout son possible pour faire grimper les cours, sans même prendre la peine de dissimuler les grosses ficelles qui maintiennent les actions en lévitation ?
Il faut dire que la situation devenait limite « intolérable » : à 17h25, les places européennes reculaient en moyenne de 0,5%, et le S&P 500 stagnait depuis 16h30.
Pas question de laisser s’interrompre bêtement une série de 18 mardis de hausse, sur le Dow Jones notamment. « M. Bullard est appelé au micro pour une déclaration haussière avant 17h30… Prière de se présenter au stand de la Fed dans les plus brefs délais, je répète… M. Bullard est appelé au micro pour la déclaration haussière du mardi ».
▪ Et ça marche…
Nous rappelons à nos lecteurs que le Dow Jones a progressé à l’issue de chacun des 18 mardis qui ont précédé. La hausse était bien au rendez-vous pour ce 19ème mardi, avec un Dow Jones qui pulvérisait dès 15h45 un nouveau record absolu à 15 401 points. Il repassait également devant le Nikkei, qui s’était hissé jusque vers 15 388 points mardi matin à Tokyo.
Nouveau record absolu également pour le S&P 500 à 1 672 points, tandis que le Russell 2000 renouait avec les 1 000 points (contre 870 lors du précédent record absolu de juillet 2008).
Notons au passage que le S&P se dirige vers un score de 65 séances de hausse sur 100, plus 23 séances de stagnation entre -0,1% et -0,4%). Cela avec seulement 12 séances de correction supérieures à -0,5% depuis le 1er janvier… en regard de 18 records absolus battus depuis le 10 avril dernier.
Il n’y avait hier aucun facteur positif, aucune statistique, aucune actualité des entreprises pour soutenir la tendance. C’est donc le POMO de la Fed (nom technique de l’injection hebdomadaire de liquidités) qui était censé faire la différence et effacer le souvenir d’une première séance du terme de juin gâchée par un repli inopiné des indices.
Manifestement, il aura fallu coup de pouce de M. Bullard au moment de la clôture des places européennes pour remettre les marchés sur de bons rails.
C’est donc une hausse totalement mécaniste (logique de flux) qui est entretenue à Wall Street. La Fed achète les poids lourds de la cote via les ETF, d’où l’inexistence de l’activité sur les petites et moyennes valeurs.
▪ Goldman Sachs à l’oeuvre
Les particuliers ne se ruent toujours pas sur les actions — ce qui est un comble puisque « ça gagne à tous les coups » et que c’est orchestré de façon tellement évidente que cela en devient grotesque. La propagande haussière se remet donc en marche… et c’est Goldman Sachs qui s’y collait mardi matin : le S&P 500 testera 1 900 d’ici fin 2014 et 2 100 d’ici fin 2015.
Ne vous fatiguez pas, Goldman Sachs (GS) nous sert le ratio habituel des +10% par an, soit +25% à un horizon de 30 mois : cela fait juste 30 ans que la stratège en chef de GS, Abby J. Cohen, fait la même prévision tous les 1er janvier, que Wall Street gagne ou perde 30% au cours des mois qui ont précédé.
Abby Cohen est une permabull. Son avis est que les actions montent éternellement, que les cycles économiques n’existent pas ou ne devraient pas exister : après des décennies de frustration, elle est enfin exaucée.
Ben Bernanke s’est juré de faire apparaître de la croissance là où les forces de la récession sont à l’oeuvre… et de faire disparaître les créances douteuses que la Fed stocke par milliers de milliards de dollars avec la même aisance que les Men in Black. Il use de la hausse des cours de bourse comme d’un « flasher » — vous savez, cet espèce de gros stylo chromé qui est censé provoquer l’oubli immédiat de tout ce qui a précédé, comme le krach de 2008… les 700 milliards de dollars du TARP qui n’ont pas été remboursés… les millions de citoyens américains sans emploi et sans ressources qui ont disparu des statistiques officielles…
Avec ou sans flasher, avec ou sans 1 000 milliards de dollars injectés à grande seringuées dans les veines de Wall Street, les « foules imbéciles » ne prennent toujours pas le relais de l’acheteur unique et de sa poignée de complices qui recyclent dans les marchés quatre milliards de faux billets par jour.
Heureusement qu’il y a les suiveurs systématiques — majoritairement des mathématiciens de haut vol et des physiciens recyclés dans la finance — pour remplacer les idiots qui viennent toujours payer le marché au plus haut et débarrasser les initiés de ce qu’ils ont acheté au plus bas.
Mais comme ce sont aujourd’hui les initiés et les « cerveaux supérieurs » qui achètent au plus haut… il est tout naturel que les idiots utiles, les moutons de Panurge, les marionnettes (l’autre nom du client lambda chez GS) se reposent et les laissent agir… d’autant plus volontiers qu’ils n’ont plus un rond et que le revenu médian des Américains baisse régulièrement depuis 2009.