Une récession mondiale synchronisée se profile alors que les finances publiques de nombreux pays sont loin d’être normalisées.
A la dernière minute, Donald Trump a volé à la rescousse de ses alliés dans sa guerre commerciale. Il a prolongé de 30 jours l’exemption des droits de douane sur les importations d’acier et d’aluminium. Cela n’a pas suffi pour empêcher les actions américaines du secteur de la métallurgie de reculer de près de 5%.
Les lobbyistes de l’industrie américaine de la bière sont également mécontents. Les canettes qu’ils utilisent sont fabriquées en aluminium. Les droits de douane imposés par Trump pèsent sur leurs coûts plus que les sanctions à l’encontre de la Russie. Des centaines de millions de dollars sont en jeu.
[NDLR : Découvrez une autre guerre commerciale peu couverte par les grands médias : celle qui concerne le pillage de la propriété intellectuelle occidentale par la Chine et qui va déclencher des représailles américaines. Notre spécialiste vous montre ici comment mettre à profit les mouvements de marchés qui en résulteront.]
A l’Australie, l’Argentine et le Brésil seront accordées des exemptions permanentes des droits de douane en échange de concessions et de renégociations des accords commerciaux. La délégation commerciale pour la Chine s’oriente sur une approche similaire. Seule l’Union européenne reste réfractaire.
Tout cela détourne l’attention du véritable problème car les rapports de force sont en train de changer.
La fin de la croissance mondiale synchronisée
Le cycle économique ascendant dans lequel se trouvait le monde est terminé. Un nombre suffisant d’indicateurs sont dans le rouge. C’est l’aboutissement de tout ce que vous pouvez lire depuis des mois dans nos Chroniques.
Le nombre de pays en récession à travers le monde n’a jamais été aussi faible. La dernière fois que ce niveau de croissance synchronisée a été enregistré, il a été suivi par la crise de 2008.
Source: TheoTrade
L’expansion économique américaine atteint également des niveaux records. Il n’y a que dans les années 1990 que les Américains ont connu une période plus longue de croissance continue sans récession. Sa durée aux Etat-Unis est pratiquement le triple des périodes de reprise classiques.
Source: Zero Hedge
Une reprise qui dure longtemps permet l’accumulation de mauvais investissements. Lorsqu’arrive la récession, les problèmes sont plus importants que d’habitude.
Tout cela ressemble à un pic, selon moi.
La croissance du PIB ralentit déjà en Europe. Au dernier trimestre, l’économie britannique n’a gagné qu’un minuscule 0,1%. La Zone euro a perdu un tiers de son taux de croissance depuis le quatrième trimestre 2017.
Au Canada et en Australie, la bulle immobilière semble enfin éclater. Les analystes prévoient une chute de 5% des prix immobiliers en Australie, ce qu’on considérait comme impossible il y a encore un an.
Les fusions et acquisitions ont atteint au niveau mondial le chiffre record de 1 200 milliards de dollars au premier trimestre 2018. C’est bien plus que le pic enregistré en 2007.
La liste des pics atteints, des points de retournement et des signaux d’alertes se poursuit. Les mauvaises nouvelles pleuvent. Une récession mondiale arrive.
Le trésor de guerre n’est que de la dette
Qu’en est-il de la capacité des gouvernements à réagir en cas de récession ?
Lors de cette reprise, les budgets des gouvernements ont eu du mal à remonter la pente. On espérait une chute du ratio dette/PIB dans certains pays grâce à une forte croissance économique ; elle n’a pas eu lieu. Lorsque la trajectoire de la dette sera ajustée, il y aura de nouvelles crises budgétaires. Il faut s’attendre au retour de la crise de la dette souveraine européenne.
Il ne s’agit pas seulement de la dette publique. Il y a aussi l’endettement personnel, qui pose un plus gros problème encore qu’en 2008.
Ensemble, dettes publiques et privées représentaient 225% du PIB mondial en 2016 selon les derniers chiffres du Fonds monétaire international et 237 000 milliards de dollars selon les chiffres plus récents du Global Debt Monitor de l’Institute of International Finance.
Les taux d’intérêt directeurs étant encore ridiculement bas, ils ne peuvent pas être abaissés plus. L’assouplissement quantitatif continue dans plusieurs pays du monde, malgré la prétendue reprise.
Si la crise financière qui arrive est liée à la dette – ce qui est une quasi-certitude – alors une hausse des taux d’intérêt anéantira sans difficulté les sinistrés. Les banques centrales et les Etats ont déjà atteint leurs limites, ils ne peuvent rien faire de plus.
Cette année, la plus grande faillite de l’histoire éclatera dans le monde financier. Une récession mondiale, voilà ce qui déclenchera la prochaine débâcle.
La vraie question est : qui est le maillon faible ? Qui tombera en premier ?
L’Italie est-elle vraiment un risque ?
Si une récession mondiale suffit à provoquer une crise financière, il faut trouver le maillon le plus faible pour découvrir ce qui craquera en premier. On peut penser à un pays – et à côté, la Grèce, c’est de la gnognotte.
Depuis les élections du 4 mars, des négociations ont eu lieu tous azimuts. Quelques élections locales se sont également tenues. Le consensus est que l’ancien parti dominant perd du terrain tandis que les partis de droite montent rapidement en force.
Personnellement, je ne vois pas de problème à avoir un parlement sans majorité. Si les gens votent pour l’enlisement, pourquoi ne pas rester ainsi jusqu’aux élections suivantes ? En 2010, la Belgique s’est bien sortie de ses 589 jours sans gouvernement. Les Belges ont bien dû commencer à se rendre compte qu’ils n’ont pas besoin de politiciens qui changent constamment les lois.
Ce n’est certainement pas le cas en Italie. Le pays se dirige vers une faillite épique. De quelque manière qu’on l’aborde, partout règne une pagaille dramatique.
La dette publique est hors de contrôle. Le ratio dette/PIB est en deuxième position derrière celui du Japon. Les économistes, en particulier les économistes allemands, sont convaincus que le gouvernement du pays ne survit que par la volonté de la Banque centrale européenne (BCE) – par volonté, je veux dire qu’elle finance le déficit via la monétisation.
Les créances douteuses de l’Italie sont de la taille du problème des crédits subprime américains.
Beaucoup de pays à travers le monde ont une dette publique lourde, de nombreuses créances douteuses privées et se trouvent dans une impasse politique.
Mais l’appartenance de l’Italie à la Zone euro la rend plus vulnérable.
Un passe-droit européen pour les déficits italiens
La situation politique en Italie est la clé. Les marchés financiers ne font que faire pression.
Auparavant, les partis politiques dominants en Italie plaidaient pour l’abandon, dans une certaine mesure, de l’euro. Certains préconisaient également le défaut de la dette. Aujourd’hui, avec des leaders plus sophistiqués au pouvoir, le nouveau plan est de renégocier avec l’UE. Les Italiens veulent par exemple qu’on les autorise à augmenter les déficits publics.
Des déficits plus importants alors que la dette est le problème, voilà une idée qui peut sembler étrange. Mais cela a toujours fonctionné en Italie. C’est d’ailleurs pour cela que le pays est si endetté. Et c’est pour cela que la BCE achète autant de dette italienne.
Mais la BCE a des limites légales. Et les Italiens ne réduisent pas la valeur de leur propre monnaie mais celle de tous les Européens.
Contrairement au Japon avec le yen, l’Italie ne peut faire imprimer des euros indéfiniment.
Tout cela ressemble à une poudrière. La récession mondiale qui se profile a allumé la mèche.