La Chronique Agora

Irak, Libye, Nigeria : les exportations de pétrole sont mises à mal

Matt Insley

▪ « Miser sur les infrastructures pétrolières est le meilleur moyen de répondre aux demandes », explique Amrita Sen, analyste pétrolier chez Energy Aspects.

Infrastructures… Moyen-Orient… Exportations de pétrole perturbées…

Tous ces éléments font partie d’une histoire plus vaste, une histoire qui a été reléguée au second plan par les médias, en particulier avec l’explosion de violence en Irak depuis la semaine dernière.

Je veux parler de la Libye.

Au cours des trois dernières années, les capacités de production et d’exportation de ce pays, autrefois grand exportateur de pétrole, ont chuté à un niveau bien bas. Actuellement, la Libye exporte 220 000 barils de pétrole par jour — cela représente à peine un cinquième de la capacité d’exportation totale du pays, d’environ 1,2 millions de barils par jour. Et aucun signe d’amélioration ne se profile à l’horizon.

Les affrontements entre les forces gouvernementales et les rebelles se cristallisent sur les actifs pétroliers très convoités du pays

Depuis le début de l’insurrection libyenne en 2011, les affrontements entre les forces gouvernementales et les rebelles se cristallisent sur les actifs pétroliers très convoités du pays.

Celui qui contrôle ces actifs a gagné. Naturellement, c’est plus facile à dire qu’à faire dans un pays qui n’a pas encore réussi à redémarrer depuis la chute de Mouammar Kadhafi.

Il ne faut pas oublier non plus une autre conséquence, qui apparaît peu à peu. Si le conflit perdure, les violences pourraient entraîner une destruction irréversible des infrastructures pétrolières du pays (du moins sur le court terme).

Les rebelles ayant mis la main sur les terminaux d’exportation du pétrole, très convoités, il y a une forte « prime de risque liée aux rebelles ».

▪ Arrêt total des exportations ?
Autrement dit, si la situation tourne mal (et, soyons honnêtes, cela semble se confirmer), les exportations pourraient s’arrêter complètement et les infrastructures pétrolières pourraient être totalement détruites. Il suffit de quelques grenades autopropulsées ou d’explosifs improvisés pour réduire en cendres des millions de dollars d’infrastructures pétrolières — usines de traitement, installations de chargement, pipelines, etc. Ce sont là des infrastructures qu’on ne reconstruit pas en un jour.

Devenir trader sur le marché des devises ?
Difficile… long… coûteux…
… Sauf si vous pouvez répliquer à l’identique les trades d’un spécialiste qui vit du Forex depuis des années !

Comment ça ? Eh bien… tout est là. N’attendez plus !

 

Les perspectives ne sont pas bonnes et les enjeux sont élevés. Il pourrait en effet falloir des dizaines d’années pour retrouver les capacités de production et d’exportation. Tout ceci nous amène à notre point suivant…

Si l’on utilise le prix du pétrole comme baromètre du conflit, le marché semble miser sur un conflit long et une perte totale potentielle du pétrole libyen. C’est pourquoi les prix restent obstinément élevés — atteignant actuellement les 105 $.

Ce ne sont pas uniquement les tensions que traverse le pétrole libyen qui affectent le marché. Lorsqu’on y additionne la situation en Irak, au Nigeria et en Iran, ce sont près de trois millions de barils par jour qui sont concernés par les « perturbations » de production de pétrole — un gros manque sur le marché mondial.

▪ Le cas de l’Irak… et les autres
L’Irak est un autre bon exemple. L’année dernière, le pays était encore le grand espoir du Moyen-Orient. La production commençait à grimper en flèche (sur le point d’atteindre 10 millions de barils par jour) et les exportations allaient concurrencer celles de l’Arabie Saoudite. Toutefois, ce scénario s’est délité.

Mais le rythme n’est pas assez rapide pour avoir un effet sur les prix du pétrole avant que le pays ne tombe dans la guerre civile

Avant que l’EIIL (Etat islamique en Irak et au Levant) ne se fasse connaître des Etats-Unis, on avait appris au cours de ces douze derniers mois que sa production ne serait pas aussi rapide qu’escomptée. Je ne sais pas combien de temps il faudra pour que la production irakienne actuelle passe de 3,6 millions de barils par jour à 10 millions de barils par jour, mais le rythme n’est pas assez rapide pour avoir un effet sur les prix du pétrole avant que le pays ne tombe dans la guerre civile. Aujourd’hui, avec les rebelles de l’EIIL qui se rapprochent de Bagdad, cela semble encore moins probable.

Même chose en Iran. Les sanctions entravent encore la croissance de la production de la République Islamique mais ce n’est pas le seul facteur limitant. Le pays a besoin d’infrastructures et d’investissements colossaux pour pouvoir augmenter sa production. Ceci étant, les sanctions actuelles pourraient n’être que le début des problèmes économiques de l’Iran.

Quant au Nigeria, selon le Financial Times, le pays fait face à sa « pire crise pétrolière depuis cinq ans ». La production a chuté en dessous du seuil des deux millions de barils par jour.

Si l’on additionne tout cela, le Moyen-Orient ne connaît pas la croissance pétrolière qu’il devrait avoir. En fait, à mesure que le temps passe, il y a de plus en plus de raisons de s’attendre à des conflits en Libye, en Irak, en Iran et au Nigeria.

▪ Vous voyez probablement où je veux en venir…
Oui. Tandis que les conflits prennent peu à peu de l’ampleur au Moyen-Orient, les Etats-Unis enregistrent une croissance de leur production atteignant près de trois millions de barils par jour. Cela a permis de compenser au mieux les contrecoups sur la production mondiale de pétrole dus aux tensions au Moyen-Orient.

Et j’irai plus loin.

Le principal acteur que nous n’avons pas cité est l’Arabie Saoudite.

En ce moment, tout va bien pour le plus grand producteur de l’OPEP avec huit à 10 millions de barils par jour. Bon an mal an, ce producteur « d’appoint » a été capable de maintenir des rentrées d’argent régulières.

L’épidémie de tensions pourrait-elle toucher l’Arabie Saoudite ?

Cela soulève toutefois une question : l’épidémie de tensions pourrait-elle toucher l’Arabie Saoudite ?

Le verdict n’a pas encore été rendu. Mais dans un monde où nous en sommes arrivés à attendre l’inattendu, le numéro 1 de l’OPEP reste bien seul. Or la moindre perturbation ferait grimper les prix du pétrole en flèche… bien au-delà du récent plus haut atteint par l’or noir, à 147 dollars le baril.

Concrètement, qu’est-ce que cela signifie pour vous et moi ?

Eh bien, si Bagdad tombe, il faut s’attendre à voir le prix moyen de l’essence atteindre les 4 $ très rapidement aux Etats-Unis. Si les tensions commencent à se propager vers le sud de l’Irak, là où se trouvent les principaux champs pétrolifères d’exportation, nous pourrions arriver à une moyenne de 4,50 $. Et si l’incendie atteint l’Arabie Saoudite ? Nous serons à plus de 5 $…

Pour le plus grand désarroi des acheteurs de pétrole du monde entier… et de tous ceux qui possèdent une voiture. Mais pour le grand bonheur de producteurs de pétrole et raffineurs américains comme Valero et Tesoro. Si vous possédez des actions de ces quelques entreprises, vous serez parés.

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