La Chronique Agora

Investisseurs : attention danger !

▪ Pourquoi cet avertissement ? Parce que les investisseurs sont pris au piège. Après 12 ans sans véritable gain, ils ne peuvent se permettre de manquer un rebond majeur. Ils ont donc tendance à prendre des risques. Mais ce rally en vaut-il la peine ?

Non. Pas de notre point de vue.

Les actions ne vont nulle part depuis 12 ans. Mais ce n’est pas "nulle part" qu’elles doivent aller. Elles doivent baisser. Elles doivent se rendre à leur rendez-vous historique avec le plancher.

Actuellement, le S&P s’échange à environ 17 fois les bénéfices. On achète une action pour un dollar. On récolte des bénéfices d’environ cinq cents par an et par action. Mais lorsqu’on est vraiment au plus bas des cours, un dollar d’action devrait acheter 20 cents de bénéfices. Durant une période, dans les années 30, de très grandes entreprises se vendaient à peine trois fois les bénéfices… si bien qu’un dollar d’action gagnait 33 cents.

Il reste beaucoup de chemin à parcourir. Ce ne sera guère amusant pour ceux qui détiennent des actions et espèrent qu’elles vont grimper. Plus probablement, le plancher n’arrivera pas avant quelques années. Et lorsqu’il sera là, les gens seront choqués, ruinés et déçus.

Il est également très probable que les revenus américains baissent. Une bonne partie des gains économiques engrangés ces 20 dernières années étaient bidon. Ils étaient basés sur l’achat de choses avec de l’argent qui n’avait pas encore été gagné. Peu de gens pouvaient se permettre le niveau de vie américain en 2007… pas même les Américains eux-mêmes.

Bien entendu, les entreprises et les investisseurs ont calculé leurs futurs revenus en se basant sur les mêmes illusions. Ils ont acheté des maisons en comptant sur une hausse des revenus. Ils ont construit des centres commerciaux en comptant sur une hausse des dépenses. Ils ont élaborés leurs plans de retraite en partant d’estimations datant de l’ère de la bulle.

"Pauvre Johnny" — un de nos amis nous donnait des nouvelles d’un autre ami. "Il est ruiné. Rappelle-toi, il était promoteur immobilier en Floride. Mais à quoi pensent-ils, ces gens ? Ils ne ramassent jamais leurs billes. Il avait gagné une fortune. Mais il continuait à faire jouer l’effet de levier. Il utilisait ses immeubles comme nantissement pour acheter d’autres immeubles. Et vers la fin, il achetait des propriétés plutôt chères près de Miami, sécurisées grâce à d’autres biens valorisés selon des estimations très optimistes".

"Je lui ai dit qu’il ferait mieux de prendre sa retraite. Il avait 62 ans. Il était au top. Que voulait-il de plus ? Pourquoi prendre des risques ?"

"Puis, lorsque les choses ont mal tourné, tout s’est effondré. La dernière fois que j’ai eu de ses nouvelles, il cherchait un emploi".

Nous avons déjà vu le sommet ; ce qui nous attend, c’est la vallée. Au cours des prochaines années — peut-être cinq… peut-être quinze — nous verrons sans doute une baisse du niveau de vie aux Etats-Unis, ainsi qu’un déclin des actions et des prix de l’immobilier. On apprenait par exemple cette semaine qu’un million d’Américains pourraient voir leur maison saisie cette année.

Et si vous vouliez de nouvelles preuves que l’économie ne se remet pas, en voilà une :

"Les ventes de détail chutent pour le deuxième mois consécutif", titre Bloomberg.

Les ménages se débarrassent de la dette. Ils apurent leur bilan en augmentant leur taux d’épargne. Plus d’économies, moins de dette. Nous ne voyons aucun inconvénient à ce processus. C’est ainsi que le marché corrige les erreurs et remet les choses en ordre.

Si nous étions dans une reprise, on pourrait s’attendre à voir les ventes grimper… c’est-à-dire se remettre. Si l’économie retraçait le chemin parcouru pendant la bulle, les ventes grimperaient et grimperaient. Au lieu de ça, elles chutent et chutent — la raison pour laquelle ce n’est pas une reprise. C’est une Grande Contraction.

Combien de temps durera-t-elle ?

▪ "La Chine peut donner une leçon à l’Argentine", disent les nouvelles. La Chine est sur le point d’investir 10 milliards de dollars dans les chemins de fer argentins. De toute évidence, si l’Argentine voulait des trains, elle pourrait les financer elle-même — si elle avait de l’argent, ce qui n’est pas le cas. Les Chinois sont donc venus à la rescousse. L’Argentine est une bonne source de matières premières et de nourriture. Le rail facilitera la tâche des Argentins lorsqu’ils voudront mettre leurs produits sur le marché, et celle des Chinois qui viendront les acheter.

Selon l’article de Breakingviews, l’Argentine apprendra la valeur des investissements de long terme dans ses infrastructures.

Mais les gauchos ne sont pas nés d’hier. Ils savent comment manipuler les investisseurs. Ils les font venir à Buenos Aires. On leur fait déguster du boeuf argentin. On les arrose de riche vin de malbec. On les emmène à un spectacle de tango et à un match de polo. Après quelques jours, ils sont prêts à ouvrir leur carnet de chèques.

Les Argentins prennent alors l’argent… et font défaut sur leurs obligations de paiement un peu plus tard. La Chine va probablement apprendre une leçon elle aussi.

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