▪ Wall Street semble avoir retrouvé le sourire. L’or grimpe aussi. Mais les investisseurs en bons du Trésor US ont subi une perte. Le marché obligataire semble penser que son plus gros acheteur est sur le point de quitter la scène.
"Etes-vous un banquier central sensé, et si non, quand le deviendrez-vous ?" |
La cause de tout cela, ce sont les nouvelles en provenance de Washington. D’abord, le Congrès US a voté pour suspendre le plafond de la dette, sans conditions ni querelles, jusqu’à l’année prochaine. La dette américaine n’a donc plus de limites… pas plus que les cours boursiers.
Deuxièmement, Janet Yellen a fait ses débuts à Washington avec cette question du républicain Jeb Hensarling, de l’état du Texas :
"Etes-vous un banquier central sensé, et si non, quand le deviendrez-vous ?"
C’était un défi codé, rappelant la déclaration de Mme Yellen en 1995, selon laquelle une banque centrale sensée suit des formules, des règles… plutôt que de prendre des décisions ad hoc.
▪ La transparence oui… mais uniquement quand ça arrange la Fed !
Mme Yellen a répondu que oui, elle était raisonnable, et que oui, une banque centrale devait suivre des règles transparentes…
… mais qu’elle continuerait à inventer sa politique au fil des jours. Le CS Monitor en dit plus :
"Depuis plus d’un an, le comité de politique de la Fed déclare qu’il n’envisagerait pas de hausse des taux d’intérêt à court terme tant que le chômage ne serait pas passé sous les 6,5% et du moment que l’inflation ne dépassait pas les 2%. Aujourd’hui, avec le taux de chômage déjà à 6,6%, les autorités de la Fed — dont Yellen — déclarent que le taux de 6,5% n’est pas un ‘déclencheur’ de hausse des taux.
Dans la pratique, a déclaré Yellen aux législateurs mardi, elle examinera toute une gamme de données concernant le marché de l’emploi et l’inflation pour évaluer le moment d’augmenter les taux. Il est probable que la Fed maintiendra des taux d’intérêt ultra-bas ‘bien au-delà du moment où le taux de chômage passera sous les 6,5%’, a-t-elle dit dans le témoignage écrit préparé pour l’audience de mardi".
Le QE pourrait donc se poursuivre…
On dirait que Richard Duncan avait raison. Selon le macro-stratégiste, la Fed fournit un financement "excessif" par rapport aux besoins de crédit des Etats-Unis, et que ce financement nourrit le marché boursier. Il devrait y avoir assez pour maintenir les actions en hausse durant le premier semestre 2014, a-t-il dit. Ensuite, si la Fed tient ses promesses de tapering… prudence.
Cette source de financement ressemble à une manne divine. Aucune main calleuse ne l’a gagnée. Aucune goutte de sueur ne la macule. Aucun front ridé n’a réfléchi aux moyens de l’obtenir.
▪ Tokyo-Buenos Aires : où en sommes-nous du parcours ?
Il y a cinq ans, nous aurions su avec certitude que la Fed ne pouvait pas ajouter 3 000 milliards de dollars de ce financement à la base monétaire sans des conséquences graves et terrifiantes. Mais les mois passent l’un après l’autre sans que nous voyions les conséquences en question… ni même le sommet de leur mât visible à l’horizon… Que devons-nous en penser ?
Lorsque la crise de 2008-2009 est arrivée, notre prédiction ressemblait à un itinéraire touristique : d’abord Tokyo… puis Buenos Aires.
Le remboursement, le défaut et le passage en perte et profits de la dette seraient longs et difficiles, pensions-nous |
Nous voulions dire par là que l’économie américaine entrait dans une période de désendettement ressemblant fortement à celle du Japon. Le remboursement, le défaut et le passage en perte et profits de la dette seraient longs et difficiles, pensions-nous. Ensuite, lorsque ce serait terminé… nous nous retrouverions dans une période d’inflation, voire d’hyperinflation. Cela pourrait se produire de deux manières différentes.
Une fois le désendettement terminé, les gens commenceraient à emprunter et dépenser à nouveau. Cela augmenterait la masse monétaire — surtout avec une base monétaire plus grande dans laquelle puiser — et ferait grimper les prix.
Ou bien, désespérée et impatiente de revoir les beaux jours d’avant la crise, la Fed pourrait avoir recours à un stimulus monétaire direct (une sorte de largage par hélicoptère). La Fed a sûrement un plan d’urgence sur le sujet. Un banquier central sensé ne penserait même pas à faire une telle chose. Mais nous vivons une époque d’improvisation, en termes d’expérimentations monétaires. Il ne faut rien écarter.
Les prix à la consommation américains — selon les chiffres officiels — augmentent d’un peu moins de 2% par an. Les économistes ne s’inquiètent pas de l’inflation, mais de son absence. Nous sommes encore largement à Tokyo, non Buenos Aires.