La Chronique Agora

Interdiction d’augmenter les prix

inflation, Biélorussie, Fed

Règles d’antan, stupidités fatales et folie des « économies de commandement » …

Récemment, un article amusant est passé dans le fil d’actualité de Reuters :

« Le président biélorusse Alexandre Loukachenko a déclaré qu’il imposait une interdiction de la hausse des prix à la consommation en réponse à une inflation ‘exorbitante’ touchant l’ensemble de l’économie, selon les propos des médias de l’Etat.

‘À partir d’aujourd’hui, toute augmentation de prix est interdite. Interdite !’ Tels furent les mots prononcés par Loukachenko lors d’une réunion des ministres du gouvernement et repris par l’agence de presse d’Etat Belta.

‘Cela commence aujourd’hui – pas demain, mais aujourd’hui, afin que les prix ne puissent pas être revus à la hausse au cours de la journée’, a déclaré Loukachenko. »

« Eh bien, voilà le problème résolu ! », ont plaisanté deux de nos collègues.

« Comment ces personnes peuvent-elles être aussi stupides » est une question que nous nous posons fréquemment, à La Chronique Agora. Nous cherchons à mesurer la profondeur de la bêtise avec un fil à plomb… mais notre ficelle ne semble jamais assez longue pour atteindre le fonds de cette caverne.

Tout le monde sait que le gel des prix est inutile. Toujours et partout, cela se traduit par des pénuries… et finalement des prix plus élevés. Mais, après tout, c’est une Nouvelle ère, non ?

Règles d’antan

Dans les années 1990, nous avons été invités en Biélorussie pour conseiller le gouvernement, après l’effondrement de l’Union soviétique. Nous nous sommes assis autour d’une immense table de réunion avec d’immenses Biélorusses, que nous avons pris pour les dirigeants du nouveau pays. Après quelques verres de vodka, il était cependant évident pour les deux côtés de la table que nous n’avions rien à faire là. De notre côté, nous n’avions rien à leur dire. Du leur, ils n’auraient pas été en mesure de suivre nos conseils, même si ceux-ci avaient été bons.

Les modèles et règles d’antan s’appliquaient toujours. Il était toujours impossible d’obtenir quelque chose contre rien… un retour à la moyenne demeurait un bon pari… et, plus le gouvernement tentait d’améliorer les choses, plus elles s’aggravaient.

« Pourquoi ne protégez-vous pas tout simplement la propriété privée… adossez votre monnaie avec de l’or… emprisonnez les meurtriers et les voleurs… et en dehors de cela laissez les gens tranquilles… » avons-nous suggéré.

Mais le contexte – un empire communiste en ruine – était si différent… c’est sûr, il n’y avait pas de précédent. Nos conseils n’ont servi à rien. Et le taux d’inflation en Biélorussie est désormais de 19%.

Beaucoup de choses dans la vie – même si elles se sont déjà produites par le passé – nous paraissent certainement nouvelles… On ne meurt qu’une fois, par exemple. Vous n’avez pas l’opportunité de vous entraîner. Ni d’apprendre de vos erreurs. Beaucoup de gens l’ont fait avant, mais, pour vous… c’est votre première fois. Vous devez simplement faire de votre mieux…

Les marchés d’aujourd’hui sont aussi marqués par un « tout nouveau » contexte. Totalement nouveau pour toute personne de moins de 60 ans. Il fallait être adulte en 1980 pour avoir vécu quelque chose de similaire.

Aujourd’hui, la Fed ne peut plus soutenir l’économie ou le marché boursier ; toute tentative visant à les stimuler ne fera qu’augmenter l’inflation.

Faisons le point.

Stupidités fatales

Nous avons vécu la majorité de notre vie durant un âge d’abondance. Après la Seconde Guerre mondiale, les choses semblaient s’améliorer pour toujours. La croissance, la prospérité et le progrès semblaient régner à l’époque.

C’était aussi une période de grande vanité. Les Américains en sont venus à imaginer qu’ils étaient un peuple spécial. « Nous voyons plus loin », disait la secrétaire d’Etat Madeleine Albright. Nous sommes la « nation indispensable ».

La vanité est née du pouvoir… entraînant l’apparition de pensées fantasques, de la corruption et de la dette. Nous pensions pouvoir gagner toutes les guerres, bien que nous n’en ayons gagné aucune. Sur le plan international, nous avons revendiqué le droit, pour nous et pour nous seuls, d’envahir, d’assassiner et d’exécuter – sans aucun besoin de juge ou de jury. Et, sur le plan national, nous avions pour objectif d’abolir la pauvreté et d’interdire l’usage de médicaments qui n’étaient pas approuvés par la FDA.

L’élite prétendait œuvrer en faveur de « l’équité » et de la « diversité », même si elle s’éloignait de plus en plus du petit peuple, qu’elle considérait comme déplorable. Elle visait à transformer l’Irak en une démocratie basée sur le modèle américain, avec des guichets automatiques à chaque coin de rue et un match de football le dimanche soir.

Bien que toutes leurs précédentes croisades se soient soldées par un échec malheureux, les membres de l’élite croyaient toujours qu’ils étaient capables des exploits les plus remarquables.

Mais c’est l’argent qui les a piégés. Leurs programmes synonymes de gâchis, illusions et idioties coutaient chers. En 1971, l’administration Nixon a adopté un système de non-convertibilité (sans rien pour limiter la quantité d’argent ou protéger sa valeur) et le piège était alors en place.

Une nouvelle ère ancienne

La Fed et ses banques membres ont financé le gouvernement américain en augmentant la masse monétaire et en prêtant des dollars nouvellement créés – en particulier au gouvernement américain. La croissance du PIB a ralenti. Mais la croissance de la dette s’est accélérée. En 1980, la dette américaine était encore inférieure à 1 000Mds$. Maintenant, c’est 31 000 Mds$… et toujours en croissance rapide.

Au début du XXIe siècle, toute l’économie était tellement aux prises avec la dette et l’illusion que la productivité diminuait. Les salaires réels ont baissé. La Fed a gonflé les actifs financiers… tandis que la « mondialisation » a amené la Chine à prendre part à l’économie mondiale pour aider à maintenir les prix à la consommation bas.

En 2021, les dieux semblaient se retourner contre les Etats-Unis. Les prix à la consommation ont augmenté au rythme le plus rapide en 40 ans. La Fed a dû éteindre sa planche à billets, au moins pour un temps. Et, plus tard, alors que l’inflation persistait, elle a dû « serrer la vis » – inversant les politiques et les dépenses immodérées à l’origine de la Bulle époque. Plus de sauvetages financiers. Plus de stimulations. Plus de prêt à taux zéro. Et plus de marché haussier.

Nous sommes entrés dans une « nouvelle ère ». Tout cela est nouveau pour la plupart des Américains. Mais c’est en fait une ère très ancienne. Chaque fausse reprise est suivie d’un fiasco. Et chaque tentative visant à « s’en sortir » est suivie d’une inflation plus forte.

La meilleure solution est de suivre les conseils que nous avons donnés aux Biélorusses. Ils ne l’ont pas suivi. Les Etats-Unis non plus.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile