La Chronique Agora

Innover ou mourir : les biotechs sont le seul relais de croissance des pharmaceutiques

▪ Les grandes sociétés pharmaceutiques telles que Pfizer, Sanofi ou Merck sont confrontées à l’expiration de brevets sur leurs best-sellers (blockbusters). La seule issue pour renouveler leur gamme de produits est donc d’inventer de nouveaux médicaments, développés par de petites structures : les sociétés de biotechnologie.

Que se passerait-il si les pharmas ne rachetaient pas des sociétés de biotechnologie ? Pour y répondre, l’analyste Timothy Anderson de chez Sanford C. Bernstein a modélisé l’évolution des ventes de chaque grande société pharmaceutique après les expirations de brevets puis en tenant compte de médicaments en cours de développement, pour voir les incidences sur la courbe des ventes.

▪ Innover ou mourir
Timothy Anderson a tenu compte de deux scénarios pour modéliser les ventes des 10 prochaines années :

– Un scénario de base tenant compte seulement des ventes des produits pharmaceutiques, si aucun nouveau médicament n’est mis sur le marché dans les 10 prochaines années et que les tendances actuelles se poursuivent.


NB : les valeurs sur l’axe Y sont décimalisées : il s’agit de la proportion des ventes du scénario de base comparé à 2010 ; E = Estimations.

En clair, il s’agit avec ce scénario de voir quelle serait l’évolution des ventes si les grandes sociétés pharmaceutiques se reposent sur leurs lauriers et bénéficient de leurs rentes. Ce scénario improbable prend en compte le statu quo (la panne) de l’innovation.

Dans ce type de scénarios, il n’y aurait pas de surprise : chaque grande société pharmaceutique verrait ses ventes décliner. Alors que GlaxoSmithKline et Novartis résisteraient bien (baisse de moins de 10% de leur chiffre d’affaires), Astra Zeneca et Eli Lilly perdraient respectivement 40% et plus de 50% de leurs ventes de produits pharmaceutiques : elles ne disposent pas, à l’heure actuelle, de traitements permettant de tenir face à la perte de leurs brevets. Quant à Bristol-Myers Squibb, sa survie dépendrait de son pipeline de médicaments expérimentaux en développement.

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Faillite de la Grèce, possibilités d’éclatement de la Zone euro, reprise de la récession…
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Maintenant, Moody’s menace de dégrader l’Union européenne dans son ensemble : que va-t-il se passer ensuite — et surtout comment vous y préparer ?

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– Un scénario de référence où les compagnies pharmaceutiques continueront de mettre de nouveaux médicaments développés en interne sur le marché. Dans ce modèle, les deux tiers des sociétés pharmaceutiques seraient quand même en perte de vitesse en raison de la fin de l’exclusivité de certains gros médicaments, du manque de renouvellement en interne et de retards pris dans l’acquisition de sociétés innovantes.

Dans ce scénario, seul GlaxoSmithKline augmenterait ses ventes de près de 20% au cours de la prochaine décennie. Il s’agirait alors du grand gagnant de la prochaine décennie. Quelle en est la raison ? Le rachat de Human Genome Sciences, qui compte le traitement Benlysta (un traitement révolutionnaire du lupus), et un médicament contre l’asthme en cours d’élaboration. Un autre gagnant serait Bristol-Myers Squibb (+10%). Novartis serait stable. Toutes les autres grosses sociétés verraient leurs ventes diminuer…

▪ Les Big Pharmas disposent d’une trésorerie pléthorique pour racheter des biotechs
Les grosses sociétés pharmaceutiques sont donc condamnées à créer de nouveaux médicaments. Le principal problème vient du fait qu’elles ont de plus en plus de mal à le faire en interne. L’autre problème est que les pertes de brevets sont une pression supplémentaire qui ne leur laisse guerre de temps pour se renouveler (un générique est vendu à un prix inférieur de 75%).

L’innovation passe maintenant par les sociétés de biotechnologie qui seront capables de relever les défis auxquels sont confrontées les Big Pharmas. Dans ces conditions, la tendance sur les rachats de biotechs n’est pas près de s’inverser : après 179 rachats en 2009 et 184 en 2010, les pharmas se sont porté acquéreurs de quelques 227 sociétés spécialisées dans la santé en 2011. D’après IMAP, 75% des pharmaceutiques européennes et même 100% des pharmas US s’attendent à racheter plus ou autant de sociétés spécialisées en 2012 qu’en 2011.

Avec une trésorerie cumulée de 141 milliards de dollars et une forte capacité d’endettement, les 12 plus importantes Big Pharmas mondiales auront les moyens de relever ce défi. Pour le plus grand bien des actionnaires des sociétés de biotechnologie.

En cette année 2012, le domaine le plus actif a sans aucun doute été celui des traitements de l’hépatite C. Sur les 12 derniers mois, pas moins de quatre rachats ont eu lieu dans ce domaine : Anadys, Inhibitex et Pharmasset dont les primes par rapport à leur dernier cours ont été très significatives (entre +90% et +250%). Voire pour des montants astronomiques : Pharmasset s’est faite racheter pour plus de 10 milliards de dollars alors que cette société ne dispose d’aucun traitement sur le marché et qu’elle n’a réalisé aucun chiffre d’affaires !

▪ Quelles sociétés de biotechnologie faut-il privilégier ?
– Les entreprises de biotechnologie qui sont dans les essais cliniques de stade avancé : les sociétés qui disposent d’un portefeuille diversifié, principalement en Phase II ou en Phase III sont à privilégier. D’une part, cela permet d’optimiser un partenariat. D’autre part, c’est uniquement à partir d’une Phase II que les analystes comptabilisent les produits en développement (il y a trop de taux d’échec avant une Phase II).

– Les entreprises de biotechnologie qui bénéficient d’actualités favorables : la règle d’or en biotechnologie est d’investir sur une société qui s’apprête à publier des résultats cliniques ou bien à demander l’approbation d’un traitement sur le marché. Dans ce cas, une phase de spéculation commence ce qui a pour effet de faire progresser le cours.

– Les entreprises de biotechnologie pourvues d’une position de trésorerie importante : le cash est absolument primordial pour mener les dépenses de R&D. Une autonomie financière de quatre ou cinq trimestres est une bonne manière de sécuriser davantage son investissement, en évitant une augmentation de capital qui serait dilutive pour les actionnaires. On calcule l’autonomie financière en divisant le cash par les dépenses totales.

– Les entreprises de biotechnologie qui visent des maladies rares : on a trop tendance à penser que les maladies dites orphelines ne concernent pas les grands labos. C’est faux, la preuve : la société Sarepta a vu son cours multiplié par 4,8 en 30 séances (entre le 23/07/2012 et le 31/08/2012). Motif de cette hausse : de très bons résultats de Phase II ont été publiés dans le traitement de la dystrophie musculaire de Duchenne, une maladie de dégénérescence musculaire touchant les jeunes enfants, presque exclusivement des garçons, qui conduit à la paralysie et à la mort prématurée chez les jeunes adultes. Seules 250 000 personnes dans le monde sont atteintes de cette maladie. Mais les prix de ventes se trouveraient à des prix très importants, permettant des ventes substantielles, une faible concurrence et de grosses marges.

– Les entreprises de biotechnologie qui développent un ou plusieurs blockbusters (avec un chiffre d’affaires potentiel de plus d’un milliard de dollars par an) : il s’agit ici de maximiser un partenariat lucratif et une valorisation importante. Mais attention, en cas d’échec le marché ne pardonnera rien (voir l’échec de Nicox).

Voilà autant de pistes à explorer !

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