La Chronique Agora

Information = richesse ?

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▪ "Le train s’arrêtera 20 minutes pour faire le plein d’eau", a déclaré une voix dans le haut-parleur.

Cela faisait un jour et demi que nous roulions. Il serait agréable de nous dégourdir les jambes. Nous sommes donc descendu et avons flâné en ville. En 10 minutes, nous avions vu tout ce qu’il y avait à voir — quelques maisonnettes, une épicerie, un bureau de poste et un endroit baptisé "Le Château du Nord" — une maison bleue délabrée, en bois, qui disait servir "des burgers et des milkshakes". C’était fermé. Tout était fermé.

Nous sommes remonté dans le train et nous sommes dirigé vers le wagon restaurant.

Un long voyage en train ressemble sans doute à une croisière au long cours. La différence, c’est qu’on regarde la terre, non l’eau. Une fois quittée la gare de Toronto, le voyage est devenu très agréable. L’équipage est aimable et compétent. Les aménagements sont confortables.

Le Grand nord canadien est incroyablement vide. Ce que nous voyons en majeure partie, ce sont des arbres

Nous lisons. Nous écrivons. Nous mangeons. Nous buvons. Nous nous installons pour des heures de réflexion paisible — souvent hors de portée du réseau internet. Lorsque nous regardons par la fenêtre, nous voyons des arbres et des rochers. Des collines. Des rivières. Des lacs. Et quelques maisons en mauvais état. Le Grand nord canadien est incroyablement vide. Ce que nous voyons en majeure partie, ce sont des arbres. Erables. Bouleaux. Sapins. Les forêts de l’Ontario du nord semblent sans fin.

▪ L’art de voyager en train
Prenant la direction du nord/nord-ouest, le train a contourné le Lac Huron avant de mettre le cap à l’ouest. Depuis, il chemine cahin-caha, se rangeant de temps à autre sur une voie de garage pour laisser passer un train de marchandises.

Nos covoyageurs sont divers. Un groupe — qui inclut une femme chinoise — parle espagnol. L’un des hispanophones — originaire de Lima, au Pérou — a éludé lorsque nous lui avons demandé ce qu’il faisait dans la vie. Mais il nous a demandé notre avis sur la reprise américaine.

"Quelle reprise ?" avons-nous répondu.

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Plusieurs familles — apparemment en vacances — parlent québécois. Il y a une grande femme africaine, élégante et mystérieuse. Il y a quelques âmes perdues. Un vieil homme est un vrai moulin à paroles ; les autres passagers ont appris à l’éviter.

Tout à l’arrière du train se trouvent quelques couples de retraités américains. La moitié de ces prestigieux passagers vient de la région de Washington DC ; ils ont fait fortune grâce au Pentagone. La plupart ont une raison de se rendre à Vancouver, comme nous, et ont pensé que le train était une manière intéressante de voyager.

Hier, nous les avons rejoints pour fêter un 80ème anniversaire. Ils forment un groupe enjoué — plaisantant et riant. Généralement, nos covoyageurs semblent apprécier la compagnie et passent une bonne partie de leur temps ensemble dans la voiture club.

▪ L’information bat-elle la matière ?
L’un des livres que nous avons amené pour y réfléchir est Knowledge and Power ["Connaissance et Pouvoir", ndlr.] de George Gilder. Nous nous sommes moqué de Gilder il y a des années de ça dans l’un de nos livres. Il s’était un peu emballé sur le boom des dot.com à la fin des années 90. Comme bon nombre de personnes de l’époque, il en était venu à croire que l’information compte plus que la matière. C’est peut-être vrai d’une certaine manière, mais nous ne nous sommes jamais tordu la cheville en butant sur une idée. Et quand six heures du soir arrivent, nous ne nous asseyons pas pour déboucher une pensée.

A la fin des années 90, on pensait que de l’information plus abondante et moins chère était la clé d’une croissance plus rapide. Gilder pense que l’information bat la physique, éliminant les contraintes ancestrales — le temps, l’énergie, les ressources — qui freinent le progrès.

"Au début était le verbe", écrit-il, faisant écho à un autre best-seller. Le verbe est ce qui fait la chair, non l’inverse, souligne-t-il.

Mais quel verbe ? La plupart des mots que nous entendons sont du bruit

Mais quel verbe ? La plupart des mots que nous entendons sont du bruit. La plupart des idées qu’ils véhiculent ne sont que des fadaises. Ils ne créent ni richesse ni beauté. Ils se mettent en travers du chemin ; ils embrouillent ; ils remplissent les placards et les poubelles de l’esprit… après quoi ils doivent être jetés, salissant notre paysage mental, comme les terrils de l’Age industriel, pendant de nombreuses années.

Plus d’un demi-siècle s’est écoulé depuis que Claude Shannon a découvert les principes de la théorie de l’information… et plus de 20 ans depuis les débuts de la révolution internet. Nous regardons autour de nous et nous nous demandons : pourquoi tout ce tapage ?

▪ Des mots, des mots, des mots
On peut obtenir tous les mots qu’on veut sur internet — gratuitement. Mais nous ne voyons pas en quoi cela améliore notre sort. Nous ne voyons ni richesse ni prospérité — sinon dans les secteurs possédant les tuyaux par lesquels ces mots sont transmis. Google, Apple et Facebook construisent de nouveaux sites méga-luxueux pour célébrer leur succès… mais le citoyen moyen a vu son revenu décliner à partir des années 70. Il peut oublier son triste sort grâce à des distractions bon marché provenant de la Silicon Valley. Mais il ne peut pas subvenir aux besoins d’une famille.

Tout ce que nous voyons, ce sont des "gâche-temps". La plupart des gens utilisent ces nouveaux appareils pour se distraire ; ils deviennent moins productifs à cause du temps qu’ils passent à surfer sur des sites de rencontre ou à parler à leur réfrigérateur.

Les médias électroniques — avec tant d’idées et tant d’informations si aisément disponibles — nous ont transformé en mineur du temps de la ruée vers l’or

Nous travaillons avec les mots et les idées. Les médias électroniques — avec tant d’idées et tant d’informations si aisément disponibles — nous ont transformé en mineur du temps de la ruée vers l’or. Nous devons creuser toutes les collines, briser tous les rochers et faire passer chaque grain de sable dans notre tamis. Nous ne savons pas où est l’or ; il pourrait être partout.

L’iPhone rapporte de plus en plus d’argent à Apple. Pour nous, il apporte plus d’informations — qu’il faut traiter, étudier, mettre dans un dossier mental… puis oublier… introuvable à jamais. Pendant qu’on fait la queue… dans l’ascenseur… dans le taxi… en attendant le dîner — pas une minute n’est épargnée… ni pour penser ni pour réfléchir. Au lieu de ça, chaque message demande de l’attention… immédiatement ! Oui ? Non ? Qu’en pensez-vous ? Que devriez-vous en penser ? Est-ce important ou bien ne sont-ce que des sottises ? Pourquoi ne pas simplement éteindre ce satané iPhone ? Pourquoi ne pas se passer d’informations additionnelles ? Pourquoi ne pas "juste dire non" à plus d’idées ?

La réponse est simple et évidente : nous sommes désormais des prisonniers de l’Age de l’Information. Nous ne pouvons pas dire "non" parce que nous ne savons pas à quoi nous disons non. Disons-nous "non" à plus de bruit ? Ou bien au Verbe ?

Eh oui, c’est là que nous en sommes. Maintenant que l’information est disponible, nous ne pouvons pas y résister. Et pourtant, si l’on en juge par le PIB, les salaires ou notre propre expérience, c’est un flop.

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