La Chronique Agora

Inflation, tokens et baballes

L’inflation semble bien vouloir s’installer – et pendant ce temps, on vend des chiens… par petits morceaux… sur la blockchain… pour des milliards de dollars ?!

Tiens… que voyons-nous là ? Qu’est-il arrivé à l’inflation « transitoire » ? Elle a dû manquer le bus, parce qu’elle est toujours là.

Selon les données du département du Travail US, les prix facturés par les entreprises ont augmenté plus que prévu en août. Quant à l’indice des prix à la production publié par le Bureau américain des statistiques de l’emploi, il a augmenté de 0,7% entre juillet et août. Par rapport à 2020, l’indice a augmenté de 8,3%, soit son rythme le plus rapide depuis 2010.

Notez que ce sont là les prix à la production. Généralement, ces hausses se répercutent sur les prix à la consommation dans les mois qui suivent.

Notez aussi qu’ils sont quatre fois plus élevés que le niveau reconnu, adoubé et béni par la Réserve fédérale.

Ce qui suggère qu’il y aura de nouvelles déclarations au sujet du tapering… jusqu’à ce que le marché boursier coule… et que toutes ces discussions s’éteignent.

Tokenisation !

Parallèlement, les 120 Mds$ par mois d’impression monétaire produisent le chaos et la confusion inévitables. On assiste par exemple à la naissance d’un mouvement visant à tout « tokeniser », c’est-à-dire transformer en jetons [« token » signifie « jeton » en anglais, NDLR].

Nous avons lu plusieurs articles sur cette tendance. Pour autant que nous puissions en juger, lorsque les choses sont « tokenisées », les jetons peuvent être achetés et vendus, sur internet, sans passer par des courtiers ou des détaillants. C’est du moins ce que vantent les entrepreneurs ès tokens.

Disons que vous possédez une station de lavage à Mahwah, dans le New Jersey. Elle est bien trop petite pour entrer en Bourse, mais vous aimeriez quand même en retirer du cash.

Vous la mettez donc « sur la blockchain », d’une manière ou d’une autre. Non pas les jets d’eau et les bulles de savon, mais l’entreprise. En tant que jeton.

A présent, vous pouvez « fractionner » ce token, le diviser en plein de petits morceaux – des millions, pourquoi pas. Et toutes les personnes qui attendent depuis des années de posséder un petit morceau d’une station de lavage tokenisée et fractionnée peuvent réaliser leur rêve.

Sens de l’humour

Nous n’avons pas la moindre idée de la manière dont tout cela fonctionne. Mais pour les gens qui ont plus d’imagination, ou en tout cas un plus grand sens de l’humour, la richesse tokenisée est irrésistible.

Au cas où vous auriez manqué l’information, la semaine dernière, le monde a découvert l’œuvre d’art la plus chère de l’Histoire. Oui, c’était l’image d’un chien. Pour être plus précis, c’était l’image tokenisée du chien shiba figurant sur le dogecoin.

Le jeton s’est vendu quatre millions de dollars il y a trois mois. Mais la semaine dernière… vous êtes bien assis ?… le propriétaire l’a fractionné en 17 milliards de morceaux et en a vendu 20% aux enchères.

Si la chose valait quatre millions de dollars et que vous en vendiez 20%, vous n’auriez même pas besoin d’une calculatrice pour voir que la vente aurait dû rapporter 800 000 $.

A la place, le prix a grimpé à 10 000 ethers… soit une valeur d’environ 225 M$.

Ou peut-être était-ce 17 000 ethers et 11 milliards de morceaux de chien fractionné. A moins que ça n’ait été un chat ? Ou un pigeon. Nous n’en savons rien. La tête nous tourne.

Toute cette histoire est complètement insensée. L’image tokenisée du shiba pourrait aussi bien valoir un million de dollars que rien du tout. Vous ne pouvez pas l’accrocher à un mur. Vous ne pouvez pas la tenir en main. Elle ne gagne pas d’argent, elle ne remue pas la queue, elle ne rapporte pas la baballe.

Quant à l’histoire, rapportée comme vraie par les grands médias, elle pourrait aussi bien être une fantaisie totale.

Elle a plus de sens en tant que fantaisie… mais il en va de même pour la majeure partie de l’actualité.

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