La Chronique Agora

L’inflation… après tout, pourquoi pas ?

▪ Oh là là. La situation s’échauffe. Des sujets autrefois calfeutrés derrière des portes fermées… dont on ne discutait qu’en chuchotant… et seulement parmi les renégats et les canailles… sont désormais exposés en plein jour.

Au rayon politique, nous avons l’administration Obama qui affirme avoir le droit de tuer des Américains sans les accuser d’aucun crime. Autrefois, on appelait ça un meurtre. A présent, selon les avocats du gouvernement… c’est complètement légal !

Lorsqu’on lui a demandé si ça leur permettait de tuer un citoyen américain sur le sol américain sans autre forme de procès, le nouveau directeur de la CIA n’a pas voulu répondre. Il a marmonné. Mais quelle différence ferait une réponse, honnête ou fausse ? Les autorités ont échappé à tout contrôle… et personne n’a assez de volonté ou de pouvoir pour les calmer.

Financièrement aussi, les autorités et la Fed sont hors de contrôle — et pas uniquement aux Etats-Unis. Partout dans le monde, les banques centrales chargent leurs drones de liquidités…

Et voilà que les grands brasseurs d’opinions défendent ouvertement des choses qui étaient autrefois une plaisanterie… ou un crime.

▪ Vive l’argent par hélicoptère !
Pour commencer, la semaine dernière, Adair Turner, directeur de l’équivalent britannique de l’AMF française, s’est prononcé pour « l’argent par hélicoptère ». Le site Centralbanking.com nous en dit plus :

« Le ‘financement monétaire ostensible’ — imprimer de l’argent pour payer les factures du gouvernement — ne devrait pas être considéré comme un sujet tabou et est dans de nombreux cas une option de relance viable, selon Adair Turner, président de l’Autorité des services financiers britannique ».

« Lors d’un discours à la Cass Business School de Londres, Turner — qui était candidat à la succession de Mervyn King en tant que gouverneur de la Banque d’Angleterre avant la nomination de Mark Carney — s’est concentré sur le thème controversé de ‘l’argent par hélicoptère’, un terme inventé par l’économiste Milton Friedman, qui avait suggéré que les gouvernements pourraient lutter contre la déflation en larguant par hélicoptère des billets fraîchement imprimés ».

« Même si Turner a pris soin d’assortir ses remarques de considérations sur les divers risques entourant le financement monétaire, il a clairement montré son soutien. ‘Je pense qu’il y a des circonstances — qui peuvent être des circonstances extrêmes — dans lesquelles on devrait utiliser de l’argent par hélicoptère’, a-t-il dit ».

▪ Il faut utiliser la boîte à outils…
Puis, mardi, Martin Wolf, économiste du Financial Times et l’une des « 100 personnes les plus influentes » de la planète est lui aussi lourdement intervenu :

« D’abord, il est impossible de justifier le point de vue conventionnel qui veut qu’une devise fiduciaire devrait fonctionner quasi-exclusivement via le système actuel d’emprunts et de prêts privés. Pourquoi une devise créée par l’Etat devrait-elle être employée principalement au soutien de l’argent créé par les banques comme sous-produit de prêts souvent irresponsables ? Pourquoi est-ce bien de soutenir l’effet de levier sur la propriété privée mais non l’offre de l’infrastructure publique ? Je ne vois aucune force morale derrière l’idée que la monnaie fiduciaire devrait promouvoir uniquement les dépenses privées et non publiques ».

« Deuxièmement, dans les circonstances exceptionnelles actuelles, alors qu’il est si difficile, voire dangereux, d’étendre le crédit et les dépenses privées, les arguments en faveur de l’utilisation du pouvoir de l’Etat pour créer du crédit et de la monnaie pour soutenir des dépenses publiques sont solides. La quantité d’argent requise de la part de la banque centrale serait sûrement plus limitée que celle nécessaire pour les actuels quantitative easing à répétition ».

« Pourquoi ne pas employer le financement monétaire pour recapitaliser les banques commerciales, construire des infrastructures ou réduire les impôts ? »

« Les personnes atteintes d’un cancer doivent subir des traitements dangereux. Mais le résultat peut malgré tout être un remède. Comme le note Lord Turner, ‘le Japon aurait dû mettre le financement monétaire en place sur les 20 dernières années ; s’il l’avait fait, il aurait désormais un PIB nominal plus important, des niveaux de production réelle plus élevés et un ratio dette/PIB plus bas’. La politique conventionnelle s’est révélée dangereuse. Est-ce vrai aussi des économies en difficulté aujourd’hui ? C’est discutable. Mais le point de vue selon lequel il n’est jamais bon de réagir à une crise financière avec le financement monétaire d’un déficit budgétaire consciemment étendu — de l’argent par hélicoptère, en deux mots — est erroné. Cela doit absolument figurer dans la boîte à outils ».

Nous y voilà. Il pense que l’économie est une machine. Il prend sa trousse à outils et qu’y trouve-t-il ? Un drone ! Alors comme ça les banques ne veulent pas prêter ? Les gens ne veulent pas emprunter ? La demande de consommation n’augmente pas ? On ne créée pas d’emploi ? Pas de souci… on va sortir les drones… les charger de cash et le larguer partout dans le monde. Dépensons, dépensons, dépensons, jusqu’à ce que le problème économique disparaisse.

Est-ce un traitement dangereux ? Oui, bien sûr… mais « les personnes atteintes d’un cancer doivent subir des traitements dangereux », dit-il, alors pourquoi pas toute une économie ?

Et pensez aux avantages ! L’argent va directement à des projets dignes de ce nom… et dans les poches des consommateurs. Les gens ont des emplois. On construit des ponts. Les déficits fédéraux disparaissent. Les autorités n’empruntent pas à la Fed : elles dépensent juste l’argent.

▪ Tout ça vous dit quelque chose ?
Vous reconnaîtrez là, cher lecteur, la politique de M. Gideon Gono, de la Banque centrale du Zimbabwe. Vous vous rappellerez aussi que ladite politique était désastreuse. Mais M. Wolf doit imaginer que lui et les autres ronds-de-cuir sont bien plus intelligents et disciplinés que M. Gono.

Les drones monétaires de M. Gono ont décollé d’Harare pour se diriger directement vers les casernes de l’armée. Ensuite, lorsque l’inflation a échappé à tout contrôle, il en est allé de même pour sa politique monétaire. Il ne pouvait pas cesser de payer l’armée !

En quoi est-ce que ce sera différent à Londres ou Washington ? M. Wolf ne le dit pas. Nous avons tendance à penser que l’argent par hélicoptère va arriver. Les drones aussi. Les politiques monétaires sérieuses et les gens honnêtes, quant à eux, se feront descendre.

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