La Chronique Agora

Inflation : le miracle n’a pas eu lieu

La planche à billets n’a pas produit les hausses de prix espérées ; l’argent reste dans la sphère financière sans irriguer l’économie réelle. Cela signe le retour des politiques accommodantes… et des déficits.

Je commence à changer d‘avis sur la question de l’inflation. Je dis bien « je commence ».

Je crois donc utile de vous en parler, approfondissant mon article de lundi. Il ne s’agit que d‘une ébauche ; rien n’est sûr à ce stade, mais les indices méritent que l’on s’y attarde.

Le miracle monétaire façon Bernanke ne s’est pas produit. La planche à billets, tout en multipliant les signes monétaires, n’a pas produit les hausses de prix souhaitées. Il n’y a pas eu « transmission », ce qui veut dire que l’argent est resté cantonné dans la sphère financière : il est resté mort, zombie, il n’a habité que le monde des ombres financières.

Par ailleurs, même s’il y avait eu un début de transmission, je ne suis pas sûr que la hausse des prix aurait pu se développer car la Fed continue de gérer selon les principes mis en place dans le milieu des années 60 ; elle gère de façon proactive ou préemptive.

Elle a pour doctrine de monter les taux dès qu’il y a un début de hausse des prix et des salaires – ce qu’elle a d’ailleurs fait ces dernières années quand elle s’est trompée et qu’elle a cru, à tort, que la reprise mondiale synchronisée en 2017 était là.

Erreurs et rechutes

Cette doctrine repose sur l’idée que les hausses de prix mettent 12 à 18 mois pour se développer et qu’il ne faut pas commettre l’erreur de laisser les anticipations inflationnistes s’enraciner.

C’est en raison de cette doctrine que la Fed s’est trompée en décidant de remonter ses taux et de réduire la taille de son bilan, ce qui a provoqué la rechute déflationniste en 2018.

Je pressens que la Fed a tiré les conclusions de son erreur de 2017 et qu’elle veut éviter de la reproduire à l’avenir.

C’est ainsi que nous interprétons les récentes déclarations concordantes des responsables de la conduite monétaire. Ces déclarations veulent persuader les marchés que la Fed sera plus tolérante sur l’inflation et qu’elle raisonnera sur des moyennes longues – sous-entendu « nous ne monterons plus les taux aussi vite ».

Ce changement est en discussion. Il se complète par l’idée de porter l’inflation cible à un niveau plus élevé, comme 2,5% à 3%.

Ceci est le premier point de notre argumentation ; il y en a un deuxième.

Pas de ruissellement

Notre doctrine personnelle est que la création monétaire en période d’humeur déflationniste/frileuse ne produit aucune hausse des prix des biens et services, parce que dans ces périodes, les gens ont peur.

Or quand on a peur, on préfère le cash ou le quasi-cash aux biens et services. La préférence pour la liquidité et la quasi-liquidité est forte. Donc l’argent ne ruisselle pas.

Pour qu’il ruisselle, il y a deux solutions.

La première est d’augmenter les dépenses du gouvernement et de gonfler le déficit ; la seconde est le fameux « helicopter money » – c’est-à-dire donner directement l’argent aux gens.

Les élites ne sont pas encore prêtes à donner l’argent directement aux populations mais elles discutent en ce moment d’un revirement dans la gestion des finances publiques. Elles veulent abandonner l’austérité : le FMI, l’OCDE, la BCE de Lagarde, le Financial Times (FT), les gens de Davos – tous plaident en ce sens. L’idée fait son chemin.

Incitation à la vigilance

Lisez notre article sur la campagne du FT en faveur de l’augmentation des déficits, publié il y a quelques jours. Je crois qu’il est probable qu’elle sera mise application.

Si elle l’est, si on réaugmente les déficits, il se passera ce qui s’est passé aux Etats-Unis avec la politique dépensière de Trump : il y aura un effet sur la demande et un effet reflationniste quasi-certain.

Politiques monétaires très accommodantes + déficits accrus = un peu plus d’inflation.

Dans cette hypothèse, les taux longs auraient tendance à remonter – puisque les anticipations d’inflation augmenteraient. Ce serait mauvais pour les fonds d’Etat à long terme mais ce serait bon pour le secteur bancaire.

Déjà, les indices boursiers du secteur bancaire ont meilleure allure. C’est peut-être une coïncidence, mais il convient de ne pas négliger ce signal.

Par ailleurs il convient de surveiller les rotations à l’intérieur du marché des actions et les changements de leadership.

Ceci est plutôt positif pour l’or.

Prenez ce texte non comme une prévision mais comme une alerte qui incite à la vigilance.

[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]

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