La Chronique Agora

L’Inde va-t-elle renouer avec la croissance ?

▪ Nous avons passé la semaine dernière en Inde.

"Je n’investirais pas un sou en Inde", a dit notre vieil ami Jim Rogers. Peut-être sait-il quelque chose que nous ignorons. D’un autre côté, nos connaissances sont si maigres que n’importe qui peut faire mieux.

L’Inde était riche il y a 500 ans, avec un PIB per capita parmi les plus élevés au monde (selon des estimations qui sont probablement peu fiables). Désormais, elle est pauvre. Pourrait-elle être à nouveau riche… ou au minimum plus riche qu’actuellement ?

Nous n’en savons rien. Mais nous sommes allé à Bombay via Zurich. Difficile de trouver contraste plus prononcé. Zurich est immaculée. Organisée. Efficace et sûre. Bombay est sale. Désorganisée — voire chaotique. Zurich est l’une des villes les plus riches au monde. Bombay est l’une des plus pauvres. Qu’est-ce qui fait la différence ? La population ? La culture ? Le climat ? Ce qui suit est une discussion sur le sujet, sans véritable conclusion.

Les théories sont nombreuses. Le racisme était populaire avant la Deuxième guerre mondiale. Avant cette période et après, le climatisme était une explication bien pratique. Mais ni l’une ni l’autre ne peuvent expliquer la pauvreté en Inde. Regardez les Indiens aux Etats-Unis, en Afrique ou en Angleterre. Sortis de leur terre natale, ils font partie des populations les plus prospères. Dans tous les secteurs — l’art, l’ingénierie, les affaires, les universités — ils sortent du lot. Le PDG de Microsoft, par exemple, vient d’Inde.

En ce qui concerne le climat, la théorie change avec l’époque. Lorsque l’Egypte, la Grèce et Rome étaient les grandes puissances mondiales, les intellectuels affirmaient qu’un climat froid était mal adapté à la civilisation. Ensuite, quand le centre du progrès s’est déplacé vers le nord, il en a été de même pour la théorie. Aujourd’hui, ce cliché est répandu chez les habitants de climats froids : la chaleur rend les gens paresseux.

La chaleur pourrait avoir influé sur la productivité avant l’invention de l’air conditionné. Le Congrès US s’arrêtait autrefois tout l’été — pour échapper à la chaleur du Potomac. Mais nous avons grandi sans climatisation à 60 km du Capitole américain : nous ne nous rappelons pas que cela nous ait beaucoup ralenti. Nous travaillions durant les mois d’été les plus chauds, faisant de durs travaux dans les champs de tabac.

Aujourd’hui, Miami et Singapour, deux villes chaudes, prospèrent tandis que Detroit fait faillite et que Vladivostok est à la traîne. D’une manière générale, la Russie est un endroit froid… mais pas franchement riche. Par contraste, l’Australie est plutôt chaude… et relativement aisée.

▪ Il y a une autre explication…
Le gouvernement est l’une des causes évidentes de retard économique. Plus il est ambitieux et agressif, plus la production sera lente. Les Chinois, juste après la Deuxième guerre mondiale, faisaient partie des populations les plus pauvres au monde. On aurait pu en blâmer leur race ou leur culture. Ce n’était ni l’un ni l’autre. Des millions d’entre eux ont fui à Hong Kong, qui n’était guère plus qu’un rocher stérile, cherchant la protection du gouvernement britannique contre celui de Mao Tsé Toung. Ils ont amené leur culture avec eux.

John Cowperthwaite était l’administrateur britannique chargé de veiller sur Hong Kong entre 1961 et 1971. Il a mis un point d’honneur à ne pas interférer. Il n’a même pas permis la collecte de statistiques sur le chômage ou les revenus. Il ne voulait pas fournir aux empêcheurs de tourner en rond des instruments pour "améliorer" les choses. Sur le continent, aucun moineau ne pouvait tomber sans être enregistré par la bureaucratie communiste, et chaque problème avait son propre programme gouvernemental. Il y avait de Grands Bonds en Avant, des Révolutions Culturelles et des Plans Quinquennaux. La Chine continentale est devenue de plus en plus pauvre, tandis que les Chinois de Hong Kong s’enrichissaient. En 1996, les Hongkongais avaient un PIB per capita qui se montait à 137% de celui de leurs protecteurs anglais.

Le gouvernement atteint très rapidement le point de déclin de l’utilité marginale. Un peu de gouvernement — pour protéger les droits de propriété, assurer les contrats et protéger les gens de la violence — semble fructueux. Beaucoup, et c’est généralement le désastre. L’Inde a un gouvernement très lourd — une relique de la stalinisation du pays sous Indira Gandhi. Après la Deuxième guerre mondiale, l’Inde a envoyé les jeunes de l’élite nationale — dont Mme Gandhi — étudier en Angleterre. Là-bas, ils ont appris les idées et les politiques qui ont retardé la croissance britannique pendant toute une génération ou presque. De retour en Inde, ils ont rapporté Keynes et Marx dans leurs bagages.

Mme Gandhi a pris la succession de son père, Jawaharlal Nehru. Elle a ensuite élaboré six plans quinquennaux séquentiels. Un plan quinquennal suffit généralement à tuer une économie. L’économie indienne a avalé les six traitements… et a réussi à survivre malgré tout.

Il reste tout de même des traces de cette médecine charlatanesque. On en subira un peu avant même d’arriver en Inde. Il faut demander un visa. Pour ce faire, il faut remplir des papiers. Les papiers, ça prend du temps. Et les bureaucrates indiens sont très sérieux en ce qui concerne les papiers. Notre demande de visa a été rejetée au motif que notre signature dépassait du cadre. Nous avons dû renvoyer une nouvelle demande !

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