La Chronique Agora

Incroyable, baroque, inimaginable

▪ Avez-vous remarqué le phénomène extraordinairement intéressant qui se produit sur les marchés actuellement ?

Oui, ça baisse, le CAC 40 en baisse de plus de 12% depuis le début de l’année, etc. — mais ça, c’est secondaire.

Non, ce qui m’intéresse… c’est une chose qu’on n’avait plus vue depuis 2008 — voire avant. Soudain, les marchés — attention, tenez-vous bien, cher lecteur, car c’est absolument incroyable, baroque, inimaginable — réagissent à l’économie réelle.

Après des années passées à ronronner derrière les assouplissements quantitatifs et autres mesures "non-conventionnelles", les marchés se réveillent… et s’aperçoivent que tout ne va pas si bien — notamment dans le secteur bancaire, comme l’expliquait Simone cette semaine :

"Barclays, Crédit Suisse, BNP Paribas, Société générale… toutes massacrées. M. le Marché ne les aime plus. Les banques européennes couvent probablement des pertes dans le domaine des produits dérivés, réfléchit-il.

Les banques grecques, les banques italiennes fraîchement restructurées car bourrées de créances douteuses ? M. le Marché ne les trouve pas saines non plus. Les déséquilibres s’accumulent dans l’Union européenne : l’Espagne, l’Italie, la France, le Portugal, la Grèce doivent de l’argent aux Pays-Bas, au Luxembourg, l’Allemagne. 750 milliards d’euros sont en jeu. Le marché interbancaire se fige, les banquiers ne se font plus confiance entre eux et qui connaît mieux qu’eux leurs vulnérabilités ?"

▪ Le problème semble même être plus profond : c’est la confiance même dans les banques centrales qui semble être affectée. Le Dr Eberhardt Unger :

"Les marchés boursiers ont réagi par une volatilité sans précédent aux nouvelles données négatives sur les fondamentaux et à la persistance de la stimulation de l’économie via la politique monétaire ultra-expansive.

La croyance dans la toute-puissance des banques centrales semble s’estomper peu à peu. Le QE et la ZIRP ne sont plus considérés comme une panacée pour les problèmes économiques mais seulement comme des pompes à faire des bulles financières.

[…] Malgré une politique monétaire ultra-expansive, les marchés boursiers vont probablement continuer à être très volatils. La boite de Pandore a peut-être été déjà ouverte… et de brusques baisses sont devenues possibles".

Bill Bonner va encore plus loin, quant à lui :

"Comme nous le disons depuis le début de l’année, ce pourrait être le début d’un sérieux marché baissier. Et plus !

Des études montrent qu’une chute boursière de 10% a environ 50% de chances de présager une récession… 100% du temps.

Nous espérons que c’est clair"…

Surtout, précise Bill :

"Un plongeon boursier ne fait pas que prédire des problèmes dans l’économie : il les cause également.

L’’effet richesse’ bien-aimé de la Fed — grâce auquel les investisseurs, voyant la valeur de leur portefeuille grimper, se sentent plus riches et se mettent à dépenser sans compter — fonctionne dans les deux sens.

Lorsque les cours des actions chutent, les investisseurs réduisent leurs dépenses et l’économie s’enlise. Plus les cours chutent… plus il y a de probabilités de voir l’économie suivre le mouvement".

▪ Graham Summers, rédacteur au sein de la lettre Crise, Or & Opportunités, faisait la même constatation jeudi :

"[…] la politique des taux d’intérêts négatifs mise en oeuvre par la Banque du Japon [n’a] provoqué qu’un bref rally des actions japonaises, lequel a été anéanti, depuis, par l’effondrement de près de 8% de ces mêmes actions.

Cet effondrement a enfin conduit les principaux médias financiers à s’interroger sur cette politique des taux d’intérêt négatifs. Il est regrettable que personne n’ait pris la peine de s’interroger sur ces politiques des taux négatifs (NIRP), des taux à zéro (ZIRP) et de l’assouplissement quantitatif (QE) lorsque les marchés étaient encore en plein rally !

Je le souligne car c’est un signe que nous nous trouvons à un tournant crucial. Entre 2009 et la semaine dernière, les médias financiers ont rarement, voire jamais, remis en question la politique des Banques centrales".

Le fait que de nombreux articles critiques à l’égard de la politique des taux d’intérêts négatifs et des Banques centrales soient publiés nous indique qu’il s’est produit un changement qui devrait s’accompagner de critiques croissantes à l’égard des Banques centrales, ainsi que d’un sentiment baissier, également croissant, au sein des investisseurs".

Bref, il semble qu’actuellement, en plus de la bulle du crédit, une autre bulle soit en train de se dégonfler : celle dans laquelle les marchés s’abritaient, construite sur le sentiment que les banques centrales seraient toujours là pour protéger la finance… et gonflée à coups de discours accommodants et de politique de taux zéro.

Aujourd’hui, d’inconfortables courants d’air se font sentir dans le petit univers feutré des places boursières internationales : assurez-vous d’avoir un édredon à portée de main !

Meilleures salutations,

Françoise Garteiser
La Chronique Agora

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