La Chronique Agora

Immobilier : votre liberté de vendre et de louer en direct menacée ?

Anne Michel

Est-on encore libre de vendre — seul et sans intermédiaire — sa chemise, son grille-pain, et pourquoi pas sa maison ?

La question se pose alors qu’il y a quelques semaines, deux députés socialistes, ont dénoncé la concurrence déloyale de sites comme leboncoin.fr, vis-à-vis des agents immobiliers. N’est pas dénoncée la présence d’intermédiaires non réglementés, mais tout simplement le fait que certaines transactions se fassent en direct, de particuliers à particuliers. Cette menace de notre autonomie et de notre liberté individuelle nous laisse perplexe…

Ceci d’autant plus que….

▪ … cette attaque n’a pas de fondement
Les audiences de sites immobiliers augmentent. Certes, près de 30% des transactions se feraient via des sites comme leboncoin.fr, Seloger.com, PAP, etc. Mais attention, beaucoup des annonces déposées sur ces sites, le sont aussi par des agents immobiliers.

Les deux députés que sont Sylviane Bulteau et Jacques Crest mettent en avant le fait que ces ventes en direct dépouillent l’Etat ; celui-ci, en absence d’honoraires, serait en effet privé de TVA. Or est-il préférable pour l’Etat de toucher une TVA calculée sur les honoraires ou des droits d’enregistrement calculés sur le prix de vente ? Les droits d’enregistrements sont évidemment plus intéressants. Vive donc la liberté de vendre aussi en direct.

Enfin, prétendre que déposer une annonce immobilière sur un site constitue un acte de concurrence vis-à-vis des agents immobiliers est faux. Le travail de ce dernier, lorsqu’il est bien fait, va bien au-delà du simple dépôt de l’annonce. Il est un excellent négociateur. Je n’ai jamais fait de meilleures affaires en immobilier qu’en passant par ces professionnels.

le particulier peut avoir un intérêt économique à gérer ses biens immobiliers en direct
Les frais en matière de vente sont fixés librement par l’agence. Ils sont d’autant plus élevés que le prix est faible ou avantageux. J’ai vu certaines agences prélever 13% du prix de vente, arnaquant alors la pauvre vendeuse. En général, le taux est de 5%. Même plus honnête, cette commission constitue une coquette somme d’argent. Il est donc tentant de l’esquiver.

… les frais d’agence en matière de location explosent depuis septembre
Sur les locations, le problème est au moins équivalent. Depuis le 15 septembre dernier, avec l’application de la loi Alur, les honoraires des agences sont plafonnés pour les locataires.
Certes, ces derniers ne devront plus, comme avant, débourser des sommes exorbitantes pour louer un bien.

En zone dite très tendue (Paris et région parisienne), les frais d’agence sont plafonnés à 12 euros/mètre carré, à 10 euros en zone tendue et à 8 euros ailleurs. Peuvent s’ajouter à cela, 3 euros pour l’état des lieux. Ainsi, pour un studio de 20 mètres carrés, un locataire parisien paiera au maximum 300 euros de frais d’agence contre près de 600 euros avant l’entrée en vigueur de cette loi.

Nous n’aurions rien à redire si cette loi, qui favorise les locataires, n’incitait pas les agences immobilières à compenser le manque à gagner en augmentant la contribution du bailleur. Le texte indique que les frais acquittés par le locataire ne doivent pas excéder ceux du bailleur.

En revanche, il ne plafonne pas, comme pour le locataire, les tarifs de l’agence. Sur le terrain, cela donne des résultats absolument ahurissants, surtout lorsqu’il s’agit de logements situés en zone non tendue.

Un de nos lecteurs nous précise que pour la location d’une maison de 90 mètres carrés située au fin fond de la Bretagne et louée 650 euros par mois, une agence lui a demandé 1 000 euros ! Et l’agent immobilier de justifier ces tarifs par la mise en place de la loi Alur…

▪ Des précautions à prendre
Bien évidemment, dans de telles conditions, le propriétaire a tout intérêt à négocier en direct. Et il n’est pas étonnant que les sites précités fonctionnent non seulement pour les achats-ventes, mais aussi pour les locations.

Attention cependant : agir seul oblige à suivre certaines règles de prudence. Vous n’êtes pas professionnel. De ce fait, vous ne bénéficiez des assurances adéquates (responsabilité civile professionnelle) en cas d’erreur. Vous n’êtes pas non plus averti de tous les risques possibles.

Rappelez-vous notamment qu’en cas de vente, les attaques pour vices cachés (cf notre lettre du 21 juillet 2014) existent bel et bien.

A défaut de passer par une agence, demandez les services d’un notaire. Et restez informé.

Meilleures salutations,

Anne Michel
Libre d’Agir

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