Si vous détenez des biens à usage locatif, ce début d’année pourrait être l’occasion d’arbitrer vos investissements en faveur d’actifs moins exposés à la gourmandise de Bercy…
La France n’a jamais été un pays libéral, mais les dernières années ont poussé l’interventionnisme étatique vers des sommets jamais atteints. Les mesures de « quoi qu’il en coûte » sanitaire à peine terminées, le gouvernement a mis en place une nouvelle salve d’aides censées nous protéger de la crise énergétique.
Au total, la dette publique a gonflé jusqu’à dépasser 113% du PIB à la fin du troisième trimestre 2022. Même si les chiffres annuels de l’Insee ne sont pas encore disponibles, elle a probablement dépassé les 3 000 Mds€ durant les fêtes de fin d’année – un bien triste record. Et ce n’est pas la modeste croissance de 0,5% attendue par la banque de France en 2023 qui peut faire espérer une baisse honorable de l’endettement public.
C’est désormais un secret de polichinelle : pour éviter un emballement irrémédiable de la dette publique, Bercy ne pourra compter que sur la spoliation des épargnants par l’inflation et le matraquage fiscal des quelques contribuables solvables restants.
Mais dans un pays où l’impôt sur le revenu n’est même plus payé par la moitié des foyers fiscaux (seuls 44% des foyers paient l’IRPP), et où même la taxe d’habitation, dernière contribution visible de bien des ménages à la dépense publique, a été supprimée, les opportunités d’augmenter les prélèvements obligatoires se font rares.
Fort heureusement pour nos grands argentiers, il est une catégorie de contribuables qui répond toujours présent lorsqu’il s’agit de financer la dépense publique : les propriétaires immobiliers.
Déjà matraqués par la hausse de la taxe foncière qui a atteint en moyenne 4,7% dans les 200 plus grandes villes de France en 2022, ils seront obligés de financer sur leurs propres deniers le verdissement du parc immobilier avec des normes de performance énergétique de plus en plus contraignantes.
Comme si ces dépenses imposées n’étaient pas suffisantes, les pouvoirs publics ont décidé ces derniers mois de limiter les recettes des propriétaires qui ont l’outrecuidance de proposer leurs biens à la location – au risque de provoquer une véritable disparition de l’offre locative.
Vers de nouveaux plafonnements de loyers
Les propriétaires bailleurs ont été saignés en 2022. Le bouclier tarifaire immobilier a plafonné, malgré une inflation à deux chiffres (et même jusqu’à 18% pour le coût des matériaux de construction en début d’année), à 3,5% la revalorisation annuelle des loyers.
Dans le même temps, la valeur locative des biens retenue dans le calcul de la taxe foncière a augmenté de 3,4% en 2022, et devrait encore augmenter de 7% en 2023, taxant les propriétaires sur des hausses de loyers inexistantes.
La situation pourrait empirer l’année prochaine avec de nouvelles mesures qui viendront grever les revenus des propriétaires bailleurs. Selon le ministère de la Ville et du Logement, au moins six communes ou agglomérations ont demandé à intégrer le dispositif expérimental d’encadrement de loyers, inauguré à Paris en 2015.
Les villes de Marseille, Annemasse, Cergy, Grenoble, ainsi que deux regroupements de communes – situées dans le Pays basque et dans le sud de l’Ile-de-France – se sont manifestés auprès du ministère. Ils rejoindraient ainsi Paris, Lille, Bordeaux, Lyon, Villeurbanne et Montpellier.
Déjà, le ministère a fait savoir son « ouverture de principe » pour Marseille, tout en avouant avoir identifié des « risques juridiques ».
Bercy veut-il un krach immobilier ?
Cette mesure vient s’ajouter à toutes les taxations punitives mises en place au fil des ans et à l’épée de Damoclès de la rénovation énergétique qui pèse sur 40% du parc locatif.
Le parc locatif privé n’existe que parce que les propriétaires peuvent espérer des revenus de leurs investissements. En plafonnant les loyers tout en augmentant les dépenses contraintes, qu’il s’agisse de normes qui s’empilent ou de fiscalité qui s’alourdit, les pouvoirs publics prennent le risque de faire plonger les projets dans le rouge.
Or, chaque bien immobilier peut être considéré comme une entreprise en miniature. Il a ses recettes, ses dépenses, et génère à la fin de l’année des profits… ou des pertes. Si l’espérance de gain est durablement négative, la valeur de cet investissement est nulle : aucun investisseur ne payerait pour perdre, année après année, de l’argent en toute connaissance de cause.
Rendre la moitié du parc immobilier non-rentable pour les propriétaires bailleurs, c’est prendre le risque de voir le parc privé disparaître totalement.
Vers un scénario à la Ayn Rand ?
Déjà, les contraintes asymétriques entre biens destinés à être occupés par leur propriétaires et ceux offerts en locations vont inciter les bailleurs à se séparer de leur parc. Le législateur a en effet prévu que les biens à faible performance énergétique seront progressivement frappés d’indécence, donc impropres à la location… mais pas à l’occupation par leur propriétaire.
Certains hommes politiques et journalistes se satisfont de l’idée d’un effondrement du prix des appartements. En fin d’année, des journaux titraient sur les prix de l’immobilier qui « commencent enfin à baisser ». Ils oublient que la propriété immobilière n’est pas une panacée et que de nombreuses situations de vie (faibles revenus, mobilité géographique, arrivée ou départ des enfants) rendent la location plus intéressante que la détention immobilière. Pour des millions de Français, la disparition du parc locatif serait un drame, car acheter est pour eux une mauvaise solution – quand ce n’est pas purement et simplement impossible.
Dans son roman La Grève (Atlas Shrugged), Ayn Rand décrivait une société où les entrepreneurs et scientifiques baissent les bras face au poids devenu ingérable de l’Etat.
En France, un tel scénario relève de moins en moins de la fiction pour l’immobilier locatif. A mesure que l’activité locative deviendra non-rentable, les propriétaires tenteront de s’en séparer. Mais, comme lors des périodes de paniques boursières où les acheteurs sont aux abonnés absents, les propriétaires actuels seront bien en mal de revendre leurs biens si personne ne souhaite les acheter.
Un scénario du pire où le parc locatif disparaît sans être revendu pourrait alors se matérialiser. Pour les bailleurs, ce serait la ruine, car ils continueraient à payer des taxes sur des biens inoccupés. Pour les anciens locataires incapables d’acheter les biens même fortement décotés, la pénurie de logement disponibles serait plus sévère que jamais.
A trop taxer et règlementer l’activité locative, Bercy risque de tuer la poule aux œufs d’or. Une contraction du marché locatif pénaliserait les bailleurs, les candidats-locataires incapables de trouver un logement, et même les recettes de l’Etat qui verrait sa base taxable s’évaporer.
Déjà, 18 des 35 plus grandes villes de France ont enregistré une baisse des prix immobiliers au cours des trois derniers mois, selon le site MeilleursAgents. Selon Les Echos, qui reprennent des chiffres de la plate-forme immobilière Bien’ici, la demande de logements à louer a augmenté de 54% sur l’année 2022 tandis que l’offre s’est contractée de 10%… alors même que le marché immobilier est bien moins dynamique que la Bourse et réagit lentement aux changements de contexte.
Si vous détenez des biens à usage locatif dont le rendement net s’est effondré en 2022, ce début d’année pourrait être l’occasion d’arbitrer vos investissements en faveur d’actifs plus liquides et moins exposés à la gourmandise de Bercy, comme les actions ou obligations.