La Chronique Agora

L’immobilier aux Etats-Unis en vaut-il la peine ?

▪ Vous en avez assez des actions, vous ne faites pas confiance aux obligations : que faire alors ?

La pierre bien sûr ! La terra firma !

Certes, l’immobilier comporte des problèmes. Tuyaux qui gouttent et fenêtres qui fuient en sont des exemples. Mais au moins peut-on les comprendre. On peut les voir de ses propres yeux. Nous en avons d’ailleurs vu beaucoup le week-end dernier, lorsque nous avons visité un bien situé à deux rues de notre bureau à Baltimore — un immeuble de 13 appartements, proposé aux enchères.

Il y a quelques années, il n’y aurait eu qu’une ou deux personnes lors de la visite. La semaine dernière, il y en avait au moins 15, peut-être plus. Nous avons constaté que nous connaissions certains d’entre eux… des investisseurs immobiliers expérimentés de la région de Baltimore. D’autres étaient nouveaux. Un couple venait d’Inde. Un homme, qui parlait peu l’anglais, était Chinois.

Comment des appartements de Baltimore qui ont presque tout du taudis attirent-ils des investisseurs mondiaux ? Nous n’en savons rien. Peut-être est-ce la proximité de l’Université Johns Hopkins ou du Conservatoire de musique Peabody. Peut-être que les investisseurs recherchent simplement une meilleure affaire que ce qu’ils peuvent trouver dans de grandes villes.

▪ Montres de marque… villes de marque
Il y a quelques années, nous avons inventé le terme "ville de marque". L’idée était simple. De plus en plus de gens sont sans attaches… surtout des gens riches. Souvent, ils sont en semi-retraite, gérant leurs entreprises ou leurs investissements par téléphone et par internet. Ils peuvent vivre où ils veulent.

Ces gens — nombre d’entre eux étant de "nouveaux riches" — conduisent des automobiles de marques, portent des vêtements et des montres de marque. Il semble raisonnable de penser qu’ils voudraient également vivre dans des villes de marque — celles qui attirent l’élite internationale. Ensuite, dans les cocktails chics, ils disent simplement vivre à Londres ou à New York, et ont ainsi quelque chose en commun avec de nombreux autres invités. S’ils n’y ont pas un appartement, ils connaissent quelqu’un qui en a un.

Au sommet de la liste des villes de marque se trouvent Londres, Hong Kong et Singapour. Paris, New York, Vancouver et de nombreuses autres les talonnent.

A Paris, quasiment tous les appartements chers qui changent de main sont achetés par des étrangers. Au centre de Londres, c’est à peu près la même chose. Peu de "locaux" peuvent se permettre de vivre dans les zones les plus chics. Les acheteurs étrangers font grimper les prix et changent l’atmosphère du quartier.

Nous avons vécu dans un immeuble à Londres, par exemple, où quasiment tous nos voisins étaient russes, japonais, chinois ou brésiliens. Dans la mesure où la plupart des propriétaires avaient d’autres résidences, parfois plusieurs, l’immeuble était aussi calme qu’une bibliothèque. Nous y croisions rarement des gens.

Baltimore, en revanche, doit encore se faire sa place dans la catégorie des "villes de marque". Personne n’achète d’immobilier à Baltimore pour des raisons de prestige. Personne ne se vante d’avoir "un petit pied à terre" à Baltimore. Les prix reflètent cet état de fait.

Ici, les investisseurs ont un stylo affûté et peu de tolérance pour les grosses dépenses. L’immeuble que j’ai visité la semaine dernière avait été "amélioré" par les précédents propriétaires… de manière très sommaire. Des boiseries qui auraient dû être démontées et réparées avaient été refaites au mastic puis peintes. Des tuyaux qui auraient dû être remplacés étaient restés à leur place le long des murs et des plafonds. Un échafaudage de bois brut maintenait les escaliers pour les empêcher de tomber. Du linoléum imitation parquet couvrait le sol.

▪ Faut-il investir ?
Un professionnel de l’immobilier nous a donné quelques explications : "les prix ont radicalement grimpé. Il faut donc être prudent. Il y a beaucoup d’argent qui arrive. Les propriétaires vont devoir se faire concurrence pour les locataires. Cela mettra les marges sous pression".

"Est-ce que ça signifie que ce n’est plus un bon endroit où investir ?" avons-nous demandé.

"Eh bien, je ne pense pas que nous reverrons le genre de rendement constaté il y a quelques années. On obtenait entre 10% et 12% sur certains projets. On investissait un million de dollars, et le rendement annuel net était de 100 000 $. A présent, les prix sont en hausse. Les taux immobiliers aussi. De sorte que nous ne pourrons obtenir qu’un taux de 7%, peut-être… ou 6%. Ce n’est pas génial, mais ce n’est pas non plus affreux. Et c’est mieux que de jouer en Bourse".

En attendant, un autre pro de l’immobilier, en Floride cette fois-ci, nous a expliqué ce qui semble être encore plus avantageux :

"Je n’arrive pas à dénicher de bonnes affaires sur les marchés les plus cotés, "a-t-il dit. "Mais il y a encore de l’argent à faire si on est prêt à aller un peu plus loin et à travailler un peu plus dur. J’ai l’oeil sur un immeuble de 55 appartements. Je pense pouvoir l’obtenir pour environ 1 800 000 $. Le budget total, comprenant les coûts de fermeture, les travaux et les réserves pourrait se monter à 2 200 000 $ environ. Nous faisons les travaux. Nous trouvons de bons locataires. Nous irons ensuite probablement solliciter un refinancement auprès de Fannie Mae — ce qui nous redonnerait probablement entre 60% et 75% de notre capital. On a là un rendement quasiment garanti de 7,5%… probablement un peu plus".

Oui. Mieux que de jouer en Bourse.

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