La Chronique Agora

L’immobilier, une bonne idée ?

Les gens ont peur. Alors ils retrouvent les réflexes d’antan. Lorsque les temps devenaient difficiles, on allait se réfugier dans la pierre. Est-ce une si bonne idée que cela ?

En préambule, il faut savoir de quoi on parle car il y a à peu près autant de marchés immobiliers qu’il y a d’immeubles. Les problématiques ne sont pas les mêmes selon que l’on parle des grandes agglomérations ou des petites, de la capitale ou des autres villes, de l’immobilier locatif ou résidentiel, du professionnel ou du particulier, du très haut de gamme ou d’un bien courant.

L’investissement immobilier peut se faire sous forme pierre ou papier. Les problématiques ne sont pas les mêmes entre ces deux formes. Mais toutes les deux voient leurs prix s’envoler depuis 2000.

Jusqu’à une période très récente, les revenus des ménages étaient corrélés au prix de l’immobilier, surtout dans les grandes agglomérations, puis les prix se sont envolés tandis que les revenus, défalqués de l’inflation « officielle », au mieux stagnaient. Nous allons nous intéresser principalement à l’immobilier d’habitation.

C’est à partir de 2000 que le prix des logements par rapport au revenu moyen des ménages sort du tunnel dans lequel il évoluait depuis 35 ans et s’envole. Etonnant, c’est à partir de ce moment-là que les banques centrales interviennent avec leurs politiques de taux zéro et d’inondation de liquidités, et leurs relais, les banques commerciales et leur modèle économique.

Pourquoi cette bulle immobilière ?

Cette envolée des prix depuis 2000 n’a d’autres causes que financières :

Succession d’erreurs aux Etats-Unis…

En revanche, les politiques économiques et l’action des banques centrales ont eu un effet inflationniste massif.

Tout commence par une succession d’erreurs aux Etats-Unis :

Pourquoi vous parler des Etats-Unis alors que mon propos est plutôt l’immobilier en France ? Parce qu’au niveau des taux, les Etats-Unis sont le marché directeur et que les capitaux circulent sans notion de frontières (cf. graphique ci-dessous).

La crise de 2008 donne le coup d’envoi, pour toutes les banques centrales, d’une impression monétaire débridée et l’indice global repart de plus belle.

Notez l’écart des taux qui se creuse entre la France (et l’Europe) et les Etats-Unis ces dernières années. Il faudra bien que cet écart se comble dans un sens ou dans l’autre à moins de faire sauter la mondialisation. Et comme les taux ne peuvent pas remonter…

… et conséquences sur le marché immobilier français

L’emprunt finance une grande partie des achats immobiliers d’autant que les revenus ne suivent pas la hausse des prix. Les taux d’intérêt baissant, la charge est allégée. La durée des emprunts s’allonge, diminuant le poids des mensualités. Les banques financent jusqu’à la totalité de l’achat, y compris parfois les frais de notaire.

Les banques préfèrent jouer sur les marchés financiers plutôt que de prêter à l’économie réelle car elles utilisent beaucoup de levier ce qui leur permet de gagner énormément d’argent tout en prenant très peu de risques. En effet, l’essentiel de leurs opérations sont collatéralisées par des obligations d’Etats parfaitement liquides et peu risquées (du moins le croient-elles).

Prêter pour l’achat d’un bien immobilier est moins intéressant car moins rémunérateur même s’il est peu risqué car, en cas de non-remboursement, la banque peut saisir le bien et espérer en le revendant récupérer au moins une partie de la somme prêtée.

Ce qu’elles aiment le moins est évidemment de prêter aux entreprises car, en cas de non-remboursement, la perspective de se retrouver à vendre quelques vieux ordinateurs, des meubles de bureaux et quelquefois des machines qui n’intéressent personne ne les passionne pas.

L’immobilier locatif est affecté par la baisse des taux puisque les investisseurs, à partir d’un certain niveau, arbitrent des obligations d’Etats qui ne rapportent plus rien pour un investissement locatif qui est un peu plus rémunérateur.

Les investisseurs sont aussi conscients qu’il vaut mieux détenir des actifs réels plutôt que du papier. S’il y a bulle sur l’immobilier, la bulle est bien plus énorme sur la dette, ils font donc un arbitrage de bulle, ce n’est pas très malin.

Pour le primo-acheteur de résidence principale, la baisse des taux d’intérêt n’a compensé qu’en partie la hausse du prix des logements. Pour acheter le même logement qu’en 2000, il doit emprunter sur 20 ans, contre 15 ans auparavant.

Depuis mi-2015, la baisse des taux et l’allongement de la durée des prêts compensent la hausse du prix des logements par rapport au revenu dans certaines zones pour certains types de biens. La baisse des taux a donc bénéficié aux vendeurs, et non aux acheteurs qui ont doublé leur dette immobilière.

On a donc assisté à un transfert d’argent des acheteurs vers les vendeurs, des petits patrimoines vers les gros patrimoines, des moins de 56 ans vers les plus de 56 ans, des actifs vers les retraités.

Faut-il pour autant tirer un trait sur la pierre ? Rendez-vous demain pour un autre son de cloche…

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