▪ Vers 1730, Cantillon mit en avant une faille extrêmement insidieuse dans le raisonnement de la banque centrale concernant l’inflation et les injections monétaires. Selon lui, l’inflation se développe non pas de façon uniforme dans l’économie mais par vagues — ce que Milton Friedman, dans les années1970, a également souligné. L’inflation, selon Cantillon, se déplace en cercles concentriques, à partir d’un petit noyau de personnes vers un groupe de plus en plus large d’individus qui en sont affectés.
La classe moyenne est positionnée sur les cercles extérieurs et voit l’inflation en dernier. Elle est la victime de la perte du pouvoir d’achat |
On peut comparer ce mouvement à celui d’ondulations qui s’étendent à la surface de l’eau lorsqu’on jette un caillou dans une mare. Cantillon disait que les riches et puissants forment le cercle intérieur ; ce sont eux qui constatent l’inflation les premiers. Cela leur donne le temps de se préparer. La classe moyenne est positionnée sur les cercles extérieurs et voit l’inflation en dernier. Elle est la victime de la perte du pouvoir d’achat.
Cet effet Cantillon peut expliquer pourquoi les investisseurs très riches comme Warren Buffett achètent des actifs tangibles comme des chemins de fer, du pétrole et du gaz naturel qui garderont leur valeur lorsque l’inflation frappera. Aujourd’hui, selon les mesures officielles, l’inflation est faible mais ceux du cercle intérieur la voient déjà arriver, comme l’a suggéré Cantillon.
LA LISTE NOIRE DE L’INVESTISSEMENT |
Si vous faites partie des cercles plus larges, vous resterez sans doute trop longtemps dans les portefeuilles classiques d’actions et obligations et vous verrez la valeur de vos actifs se diluer à cause de l’inflation. Vous ne vous en rendrez peut-être pas compte jusqu’à ce qu’il soit trop tard. L’illusion monétaire trompe les petits investisseurs.
▪ Où en sommes-nous ?
On peut décomposer l’illusion monétaire en quatre étapes. A la première étape, le travail préparatoire de l’inflation est mis en oeuvre par les banques centrales mais il n’est pas encore apparent pour la plupart des investisseurs. C’est là l’étape « tout va bien », où les gens comptent leurs gains nominaux mais sont aveuglés par l’illusion monétaire.
Lorsque l’inflation devient plus évidente, nous sommes à l’étape deux. Les investisseurs valorisent encore leurs gains nominaux en supposant que l’inflation est temporaire et que les banques centrales « ont la situation bien en main ».
Si vous possédez des actifs tangibles avant l’étape trois, vous serez épargné |
A l’étape trois, l’inflation commence à prendre de l’ampleur et les banques centrales perdent le contrôle. A ce moment, l’illusion se dissipe. Les épargnes et autres produits à revenus fixes comme les assurances-vie, les rentes et les pensions de retraite perdent rapidement de leur valeur. Si vous possédez des actifs tangibles avant l’étape trois, vous serez épargné. Mais si ce n’est pas le cas, il sera trop tard parce que le prix des actifs tangibles grimpera en flèche avant que l’illusion monétaire ne se dissipe.
Enfin, l’étape quatre peut prendre deux directions. La première est l’hyper-inflation, comme dans le cas de la République de Weimar ou du Zimbabwe. Dans ce cas, toute la monnaie-papier et les flux d’argent sont détruits et une nouvelle monnaie naît des cendres de l’ancienne. L’autre direction possible est la thérapie de choc, du genre de celle qu’imposa Paul Volcker en 1980. Dans ce cas, les taux d’intérêt montent et peuvent atteindre jusqu’à 20% pour tuer l’inflation… et l’économie — quasiment — dans le même processus.
En ce moment même, nous nous situons à la fin de l’étape un et nous nous rapprochons de l’étape deux. L’inflation est là, à doses homéopathiques, et on s’en rend à peine compte. Les épargnes sont lentement confisquées par l’inflation mais les investisseurs sont encore encouragés par les bulles d’actifs dans les actions et l’immobilier. Il faut faire preuve de vivacité et commencer à acheter une assurance contre l’inflation sous la forme d’actifs tangibles avant que la super hausse de l’étape trois ne rende le prix de ces actifs inaccessible.