▪ Dimanche, nous avons composé des notes pour lundi. En les relisant… nous nous sommes aperçu qu’elles nous ennuyaient. Si nous nous ennuyons, nous ne pouvons certes pas nous attendre à ce que vous vous y intéressiez, n’est-ce pas ?
Nous avons donc passé la journée à réfléchir pour essayer de comprendre ce dont nous avions commencé à parler… mais sans parvenir à le rendre intéressant.
Le problème, avons-nous réalisé, n’était pas que nous manquions d’idées… mais que nous en avions trop. Ecrasées les unes contre les autres, le résultat était inconfortable, comme un voyage dans le métro parisien aux heures de pointe.
Nous avons tendance à lire plusieurs livres à la fois. En général, les thèmes sont liés… et nous aimons voir les intersections entre des pensées vigoureuses. Mais parfois il y a une collision, ce qui fait un épouvantable bazar. Nous lisons actuellement Furies, sur les guerres européennes de 1450-1700 ; Immoderate Greatness, de William Ophuls ; et nous relisons le classique de Friedrich Hayek, La présomption fatale.
Le livre d’Ophuls nous a surpris. Il nous a été envoyé par un de nos lecteurs — M. Ophuls lui-même. L’ouvrage jette un regard intelligent et enjoué sur les raisons pour lesquelles « les civilisations chutent ». Le livre d’Hayek traite du même thème, sans le dire. Il explique les problèmes de la planification centrale et pourquoi elle ne fonctionne pas pour une civilisation complexe et « étendue ». Enfin, Furies est une lecture d’agrément, contant ce qui arrive quand des dirigeants se battent entre eux pour contrôler des territoires sans accorder beaucoup d’attention au bonheur des personnes qui y vivent.
Les livres d’histoire sont pleins de faits. Et les faits ne sont rien sans les nuances. Hors contexte, ils ne signifient rien.
On apprend aux écoliers que Christophe Colomb a découvert l’Amérique en 1492 ou que Nelson était le vainqueur de Trafalagar. Mais c’est du bruit sans signification. La « connaissance » que ces faits prétendent porter est creuse.
Qu’est-ce qui donne une signification aux faits ? Une histoire. Une narration. Un « pourquoi » qui relie les faits comme les maillons d’une chaîne. Une chose se passe. Puis une autre se produit, liée à la première. C’est ce qu’on trouve dans les livres d’histoire.
Mais les livres ne révèlent qu’un minuscule morceau de l’histoire. Les faits n’ont pas une racine unique et géante. Leurs causes se répandent dans toutes les directions comme les racines d’un bambou. On peut construire une narration autour de n’importe lequel d’entre eux. Aucune en particulier n’explique le fait… et prises ensemble, elles sont trop vastes et complexes pour être comprises de quiconque.
L’histoire est une longue série de débâcles, de désastres et de catastrophes. C’est ce qui la rend si intéressante à étudier. Et si utile. Chaque désastre apporte avec lui des avertissements. Si l’architecte d’un grand paquebot vous dit que « Dieu lui-même ne pourrait pas couler ce navire, » prenez un autre bateau ! Lorsque vous êtes opposé à une force supérieure, comme Fabius Maximus contre Hannibal, n’engagez pas le combat ; retardez-le plutôt… faites traîner les choses… évitez votre ennemi, fatiguez-le, jusqu’à être dans une meilleur position. Et si les actions se vendent 20 fois les bénéfices… et que tous vos amis, conseillers et experts vous conseillent d’acheter — il est temps de vendre !
▪ L’histoire ne nous apprend pas grand’chose
On peut apprendre quelque chose en étudiant l’histoire. Mais pas grand’chose. Ce ne sont que des narrations. Des contes. Une racine est examinée, tandis qu’on ignore toutes les autres. On en ignore plus qu’on en examine, simplement parce que l’histoire recèle bien plus de choses que quiconque pourrait jamais l’étudier ou le comprendre. Par conséquent, se concentrer sur une seule racine — une seule narration — rend nécessairement le lecteur plus populaire lors des dîners parce qu’il est capable d’en dire beaucoup sur sa spécialité. Mais cela fait aussi de lui un idiot, dans la mesure où la majeure partie de ce qui s’est vraiment passé a été laissé en dehors de son livre d’histoire. La Vérité, comme l’a remarqué Ernest Renan, est toute en nuances… et non dans la pure logique de la narration.
Mais il y a vérité… et Vérité. La Vérité est impossible à connaître, et certainement pas accessible à un petit cerveau luttant pour appliquer la logique cartésienne. La vraie Vérité est souvent en porte-à-faux de ce qu’on pourrait considérer comme la vérité logique. Imaginons que vous ayez un voisin bruyant et odieux. Vous pourriez en arriver à considérer que vous seriez mieux si ce voisin ne faisait plus partie des vivants. Nous allons tous mourir, pourriez-vous vous dire. Si cette personne mourait un peu plus tôt que prévu, ce serait une bonne chose pour toute la communauté. C’est peut-être vrai. Ensuite, vous pourriez élaborer un plan assez rusé pour accélérer son décès, réalisant que tout le monde serait heureux de la nouvelle et que personne ne regarderait de trop près comment il en est venu à tomber dans les escaliers de sa propre maison… simplement pour être découvert quelques jours plus tard par un (autre) voisin inquiet. Logiquement, les chances d’être découvert peuvent être proches de zéro. C’est peut-être vrai là aussi.
Mais attendez. Assassinez quelqu’un et vous irez en prison… et en Enfer. C’est la Vérité. Que ce soit vrai ou non est une autre histoire.