Assouplissement quantitatif et inflation devraient aller de pair, mais ce n’est pas le cas : le langage des autorités et la psychologie des investisseurs jouent un grand rôle dans ce mécanisme.
Les anticipations d’inflation sont à 2,6%, au plus haut depuis 2008. J’aurais tendance à dire : oui, et après ?
Personne ne peut prédire l’inflation ; l’inflation, c’est le génie qui sort de la bouteille et qui ensuite vit de sa propre vie. L’expérience montre qu’il est difficile ensuite de l’y faire rentrer.
Les éléments objectifs ou soi-disant objectifs sont de la poudre aux yeux – car les mêmes éléments peuvent, selon les circonstances, produire ou ne pas produire l’inflation.
La courbe de Phillips ne nous apprend rien car c’est une évidence : quand le travail est demandé, son prix monte !
La question est de savoir comment mesurer l’offre de travail à une époque où une grande partie de la population se considère comme en dehors de la force de travail et survit par les aides et la redistribution.
La monnaie ne crée pas l’inflation
Il faut savoir que l’inflation n’est pas une donnée, c’est un processus social qui se met en branle, ce sont des données qui s’alignent, des alignements de causes plus ou moins imprévisibles survenant sur des conditions fondamentales plus ou moins favorables.
Ce qui est vrai, c’est que la monnaie joue un rôle : elle solvabilise, elle permet ou ne permet pas l’inflation.
Cependant, la monnaie elle-même ne crée pas l’inflation pour une raison simple : la monnaie peut être vivante ou morte, zombie, neutralisée comme on le sait maintenant. En dernier ressort, l’inflation traduit un arbitrage des agents économiques entre la détention d’avoirs monétaires et l’achat de biens et services.
Bien sûr que l’inflation est déterminée, mais c’est un peu comme la météo : tout en étant déterminé, c’est tellement complexe qu’au bout du compte c’est comme si ce n’était pas déterminé.
On comprend mieux l’inflation des prix des biens et des services quand on la compare à sa caricature, l’inflation des prix des actifs financiers. Là, on voit clairement le côté magique, le côté prophétie qui se réalise d’être crue.
Ecoutons l’économiste John Hussman
« Il n’y a pas de mécanisme fiable, logique reliant le bilan de la Fed à la hausse du marché boursier, mais les investisseurs s’en moquent. Il est devenu clair qu’il existe en fait deux formes d’ »assouplissement quantitatif », et le deuxième type d’assouplissement quantitatif que je nommerai assouplissement quantitatif en italique est le plus puissant.
C’est ce que mon professeur bouddhiste Thich Nhat Hanh pourrait décrire comme une « formation mentale ». En utilisant les italiques de mon ami Ben Hunt chez Epsilon Theory, c’est ce que nous pourrions appeler l’assouplissement quantitatif !
L’assouplissement quantitatif ! est le produit d’une perception mentale pure, distincte de la nécessité de tout lien précis avec la réalité. Il n’est pas limité par des preuves historiques ou par une « limite » bien définie. Le processus existe parfaitement et exclusivement dans l’esprit des investisseurs, il est renforcé par une répétition constante, et il n’a en fait qu’un seul message : « La Fed tire le marché vers le haut. Ignorez tout le reste. »
Assouplissement quantitatif ! est synonyme de la Fed !
Ces phrases sont des arguments complets et pleinement articulés. Ils n’ont pas besoin d’être justifiés par des données. Ils n’ont pas besoin d’un « mécanisme ». Ils n’ont pas besoin d’histoire.
Les simples mots suffisent. Leur pouvoir de soutenir les marchés est si évident pour les investisseurs que le simple fait de s’y référer suffit. Ils reposent entièrement sur la seule psychologie des investisseurs. C’est cette forme de QE qui a contribué à amener le S&P 500 à des évaluations qui dépassent les extrêmes de 1929 et 2000.
Quelqu’un pense-t-il que les investisseurs se soucient du fait que le montant total des obligations d’entreprises achetées par la Fed pendant la pandémie ne s’est élevé qu’à 14 Mds$, dans une économie de 22 000 Mds$, avec 11 000 Mds$ de dettes d’entreprises non financières et 60 000 Mds$ de titres de participation ?
Non, personne.
…
Pourquoi ? Parce que ce n’est pas le mécanisme d’assouplissement quantitatif qui intéresse les investisseurs. Ce qui leur importe, c’est l‘assouplissement quantitatif !
Et parce que l’assouplissement quantitatif est purement une formation mentale, la seule chose qui peut altérer son efficacité est la psychologie de l’investisseur elle-même. »
70 ans de maturité !
Je vous ai fourni ce développement de John Hussman et Ben Hunt parce que je veux vous faire toucher du doigt la similitude entre la hausse des prix des biens et services et la hausse des prix des actifs.
Ma théorie est que les deux sont isomorphes, simplement avec un énorme décalage dans le temps et des maturités très différentes.
Aux niveaux de cours actuels, la maturité du marché des actions est 70 ans ! Cela signifie que l’on a 70 ans pour effectuer ce que l’on appelle la réconciliation, 70 ans pour que le niveau de prix des biens et services rattrape celui des actifs ou… que celui des actifs s’effondre.
Les hausses des prix des actifs sont, je dis bien sont de la hausse future des prix des biens et services. Ou alors ces hausses de prix des actifs se transformeront en effondrement du prix des actifs.
A suivre…
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]