** La volatilité et la versatilité des bourses mondiales ont été les deux caractéristiques principales de la semaine écoulée. Cela est vrai aussi du marché des changes : le dollar a gagné jusqu’à 3% en quatre séances par rapport à l’euro, alors que les perspectives de croissance étaient fortement revues à la baisse en zone euro.
Même si le dollar consolidait un peu vendredi, le billet vert a invalidé sa tendance baissière moyen/long terme. Mais cet événement majeur a été largement éclipsé par le battage médiatique suscité par l’effondrement boursier de Lehman Brothers. Le titre a en effet perdu 78% en cinq séances à 13,5 $, soit 95% depuis le 1er janvier.
Vendredi, la journée avait débuté sur une note très positive dans le sillage des indices américains et asiatiques. Le CAC 40 s’était rapidement hissé au-dessus des 4 300 points puis retombait en début d’après-midi au contact des 4 260 points.
Mais cela n’a été que pour mieux rebondir. Le scénario haussier observé en fin de séance de vendredi s’apparente par bien des aspects à celui qui s’était déroulé jeudi soir à Wall Street, avec une hausse de 1,5% au cours des tous derniers échanges. Il aura fallu 90 minutes au CAC 40 pour gagner un terrain équivalent avec un score final de 1,97%.
Sur l’ensemble de la semaine, le marché parisien reprend 3,25% et efface un petit peu plus de la moitié des pertes subies depuis un mois.
** Le raffermissement de la tendance en Europe est survenu avec la publication de l’indice de confiance des consommateurs de l’université du Michigan, en forte hausse : il gagne 10 points en septembre par rapport à août, à 73,1 points. La confiance des investisseurs s’est renforcée au fil des minutes, avec l’espoir qu’un repreneur de la banque d’affaire Lehman Brothers se manifeste ce week-end.
Si le Trésor américain ne veut pas s’impliquer directement comme il l’avait fait lors du sauvetage de Bear Stearns — la Fed avait avancé 30 milliards de dollars au repreneur J.P. Morgan –, Henry Paulson et Ben Bernanke suivent ce dossier de très près. Des noms de "chevaliers blancs" circulaient depuis jeudi soir : Bank of America, HSBC, Barclays, voire des fonds d’investissements étrangers.
Mais aujourd’hui, après avoir annoncé ce week-end sa mise en faillite, Lehman n’a toujours pas de repreneur. Son rachat serait une bonne nouvelle, non pas pour les actionnaires de Lehman, mais pour les détenteurs d’obligations et les établissements financiers qui ont conclu des échanges d’actifs avec la banque d’affaires en difficulté. A l’inverse, Bank of America va racheter Merrill Lynch, également déclarée en faillite, pour quelque 50 milliards de dollars.
** Après une ouverture en net repli vendredi, les indices américains sont revenus à l’équilibre et ils l’ont préservé jusqu’au bout, à l’exception du Dow Jones (-0,1%). L’indice demeure plombé par la chute de 31% du titre AIG (au plus bas depuis décembre 1996) et de 5% du géant General Electric, considéré comme le baromètre de la santé économique des Etats-Unis.
Soutenus par le rebond de Wall Street, les indices européens ont bien terminé la semaine avec un gain hebdomadaire de 2,5%. Le FTSE et l’AEX progressaient ce vendredi de 1,85%, l’IBEX de 2,5%, le Dax se contentait en revanche de 0,9%.
Les investisseurs ont mis entre parenthèses leurs inquiétudes concernant la santé de l’économie américaine. Elles avaient été ravivées à 14h30 avec la publication aux Etats-Unis de ventes au détail, en baisse de 0,3% en août par rapport à juillet — et de -0,9% hors automobile — alors que les économistes s’attendaient à une légère hausse.
La bonne nouvelle apparente était le recul des prix à la production (-0,9%) mais le core rate (hors énergie) progresse de 0,2%. Ces chiffres sont donc jugés neutres. En revanche, la hausse de 1,1% des stocks des entreprises semble de mauvais augure alors que la consommation s’essouffle et tandis que le dollar s’est envolé de 15% en deux mois.
L’euro remonte enfin vers 1,4180 dollar après une incursion sous le seuil de 1,39 $ jeudi et avec un plancher inscrit à 1,3885, au plus bas depuis le 11 septembre 2007, très précisément à la date anniversaire !
** Le pétrole repart symétriquement à la hausse (1%), à près de 102 $ pour le WTI américain et alors que l’ouragan Ike a malmené les installations pétrolières du Texas dans la soirée et durant une bonne partie de la journée de samedi.
Sur le plan des valeurs, les poids lourds de l’énergie reprenaient du terrain, contribuant largement à l’orientation positive du CAC. Vallourec grimpait ainsi de 7,9%, GDF-Suez de 4,8%, EDF de 4,85% et Total de 2,15%.
Cette reprise risque de faire long feu alors que le pétrole rechute sous les 100 $ pour la première fois depuis le 1er avril sur le NYMEX. Cette évolution correspond-elle à un simple retour de balancier proportionnel à la fuite en avant qui a eu lieu de mai à juillet ? Ou s’agit-il d’une phase de capitulation marquant l’éclatement définitif d’une bulle spéculative qui s’était gonflée au printemps dernier au détriment des actions ?
Si cette seconde hypothèse est la bonne, l’enchaînement des rotations sectorielles pourrait se traduire par un enchaînement de "coups de Trafalgar" successifs pour les opérateurs qui courent après les tendances haussières — tous marchés confondus — depuis octobre 2007.
Plus les candidats sont nombreux à vouloir sauter dans ce qu’ils croient être le bon wagon, plus la locomotive accélère… à moins que ce ne soit le quai qui se dérobe sous leurs pas, de plus en plus vite, tel un tapis de jogging d’intérieur devenu fou.
Vu la brutalité des retournements de tendance depuis l’éclatement de la bulle du crédit, on peut carrément parler de "tapis violents".
Philippe Béchade,
Paris