La Chronique Agora

Home Depot et le mythe de la « bonne » catastrophe naturelle

banques centrales

▪ Lors de la réouverture des marchés à New York la semaine dernière, après que l’ouragan Sandy a ravagé la région, une entreprise parmi les préférées du Dow a pris une longueur d’avance. Home Depot, qui a déjà enregistré un gain de 45% depuis le début de l’année, a encore gagné 2,5% en une matinée. La logique ici est assez simple. Les investisseurs ont parié que le spécialiste de l’équipement de la maison serait un probable bénéficiaire de l’ouragan Sandy. Les propriétaires doivent réparer leur maison après la tempête. Home Depot répond à tous leurs besoins. Quelque chose à redire ?

Rien, vraiment. En soi, les dégâts provoqués par Sandy sont probablement une aubaine pour l’entreprise. Au moins sur le court terme. Les toits et les fenêtres doivent être réparés. Les sous-sols doivent être asséchés. Les ouragans, comme les tremblements de terre, les catastrophes naturelles et l’étrange avènement des émissions de décoration à la télévision, sont toutes de bonnes choses pour Home Depot.

Mais ce n’est là qu’une partie de l’histoire. Malheureusement, c’est sur cette partie de l’histoire que les gens qui n’ont pas la capacité de voir plus loin que le bout de leur nez ont tendance à se focaliser. Peter Morici, professeur à la Smith School of Business à l’université du Maryland et ancien chef économiste à la US International Trade Commission, est l’une de ces personnes. Pour lui, évaluer les dégâts de Sandy va au-delà de « simplement additionner les remboursements des assurances et les pertes non assurées ».

Embourbé dans son manque de clairvoyance, cet éminent professeur a écrit dans un blog de CNBC, quelques heures avant l’arrivée de Sandy lundi dernier : « les catastrophes peuvent stimuler le secteur de la construction en berne et provoquer des réinvestissements intelligents qui amélioreront réellement les zones sinistrées et la vie de ceux qui y échapperont sans dégâts ».

▪ D’accord… mais d’où proviendront les ressources ?
D’où proviendront les « réinvestissements intelligents », ça, il ne le dit pas. N’ayant pas les diplômes du professeur Morici, nous ne pouvons qu’avancer des conjectures extravagantes : ils proviendront… d’ailleurs.

Autrement dit, les ressources auxquelles se réfère Morici n’apparaîtront pas par magie. Le travail arrivera comme un coût d’opportunité à la communauté. Chaque pierre posée, chaque toit réparé, chaque heure de main-d’oeuvre employée pour réparer les destructions laissées dans le sillage de Sandy sera une pierre… un toit… une heure de travail qui ne sera pas utilisé ailleurs.

La leçon, comme ont cherché à la mettre en lumière Bastiat, Hazlitt et beaucoup d’autres, est de prendre en compte tout ce qui n’est pas vu. Qu’une chose soit bénéfique pour une partie de l’économie ne dit rien de son effet sur d’autres secteurs. Plus important encore, cela ne nous dit rien à propos de son effet net.

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L’énergie et les ressources n’apparaissent pas par magie, comme veut nous le faire croire le professeur Morici, mais elles changent simplement de forme. Appliquée à la chimie, cette loi (parfois connue comme le principe de conservation masse/matière) a permis de libérer les chimistes du 19ème siècle de leur fixation sur l’alchimie. Plus d’un siècle plus tard, les grands économistes modernes partageant les idées de Morici n’ont toujours pas appris cette leçon.

Non content de faire fausse route, le professeur a réussi à ne vraiment rien comprendre du tout lorsqu’il continue dans son article :

« … reconstruire après Sandy, en particulier dans une économie avec un taux de chômage élevé et des ressources sous-utilisées dans le secteur de la construction, libérera au moins 15 à 20 milliards de dollars de nouvelles dépenses privées directes — probablement beaucoup de gens reconstruiront plus grand qu’avant et la réserve de capital qui va ainsi être dégagée s’avérera être économiquement utile et productive ».

Si l’on suit la logique tortueuse de Morici, on a l’impression qu’il pense que les ouragans peuvent être d’un effet positif net pour l’économie.

▪ Pas si vite !
Selon une estimation citée par Morici, les pertes dues à Sandy s’élèveraient « entre 35 et 45 milliards de dollars ». Jusqu’ici, Morici n’a déplacé que 15 à 20 milliards de dollars d’un endroit à l’autre. On enregistre encore une perte nette. Ah, mais un bon keynésien ne laisse jamais une catastrophe naturelle se perdre. Puis il continue, citant le plus magique des outils, « l’effet multiplicateur ».

« Si l’on prend en compte l’effet multiplicateur de 15 à 20 milliards de dollars de dépenses pour les réparations de bâtiments et infrastructures, cela rapporte un bénéfice économique de la reconstruction d’environ 27 à 36 milliards de dollars. Si l’on ajoute à cela les bénéfices d’une réserve de capitaux plus [sic] moderne et productive — probablement d’environ 10 milliards de dollars — et les dépenses de consommation et des entreprises qui ne sont que retardées mais pas perdues de façon permanente — vraisemblablement environ 12 milliards de dollars –, on arrive au fait que l’ensemble des conséquences des catastrophes naturelles de l’importance de Sandy n’est pas aussi dévastateur sur une échéance à deux ans ».

Nous y voilà. Ce qui était auparavant considéré comme une catastrophe naturelle coûtant plusieurs milliards de dollars est en fait, lorsqu’on la voit au travers du prisme défectueux de la pensée dominante d’universitaires, une aubaine de plusieurs milliards de dollars pour l’économie.

Entre temps, sur la planète Terre, les ouragans, les guerres et autres catastrophes, naturelles et « non-naturelles », sont des événements dévastateurs qui réduisent — plutôt qu’ils n’augmentent — notre niveau de vie. Ils anéantissent des vies et des biens, réduisent des communautés en miettes et dévastent des régions entières. Aujourd’hui, nos pensées accompagnent ceux qui, au lieu de construire sur ce qu’ils possédaient auparavant, doivent à présent épuiser leurs maigres ressources pour simplement revenir là où ils étaient avant.

Il est assez difficile de subir une tragédie ; on n’a pas besoin de la condescendance de certains qui vous expliquent comment, si seulement vous vous fiiez à leur pensée truffée de lieux communs, il s’agit réellement d’une bonne chose après tout.

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