La Chronique Agora

Hiver financier

** Le CAC 40 a chuté hier. Le pétrole s’est installé à plus de 108 $. L’or s’est rapproché des 900 $.

* A présent, c’est l’hiver.

* Nous le savons car nous avons vu une image dans un journal anglais. On y voyait un groupe de druides, vêtus de robes blanches, célébrant le solstice d’automne. Le temps sera plus froid à partir de maintenant… et jusqu’au printemps.

* Nous avons fait un rêve, la nuit dernière… qui était plutôt un cauchemar. C’est arrivé comme un flash… une vision du futur… une sombre terreur nocturne :

* Qu’a réussi à faire la guerre contre le terrorisme ? Les terroristes — quels qu’ils soient — vaquent à leurs affaires. Mais la guerre a rassemblé les gouvernements de la planète, qui collaborent à une attaque internationale et coordonnée sur la liberté de voyager ainsi que sur la libre circulation de l’argent. Curieusement, c’est exactement le nouvel ordre mondial décrit par Bush il y a 15 ans de ça. Il est devenu plus réel, grâce à la guerre contre la terreur.

* Essayez d’ouvrir un compte en banque, vous verrez ce que nous voulons dire ! Les banquiers veulent tout savoir de vous… sans quoi on pourrait les tenir responsables… comme un cafetier qui aurait négligé de vous demander une pièce d’identité avant de vous servir de l’alcool.

* La guerre contre la terreur a également habitué les gens à faire la queue… et à suivre les ordres de crétins. "Enlevez votre ceinture !" "Ne plaisantez pas !" "Mettez-vous là !" "Levez les bras !"

* Une fois, nous avons risqué la prison et demandé : "qu’est-ce qu’on dit ?"

* Le policier n’était guère amusé.

* A présent, nous avons l’équivalent d’une "guerre sur les marchés baissiers", qui exigera une attaque internationale, coordonnée, sur l’économie de marché.

** Dans notre rêve, une nouvelle devise mondiale avait été émise. Fiduciaire, bien entendu — soutenue par un consortium de pays et de banques centrales. L’utilisation de toute autre forme de devise était interdite. Si vous tiriez une pièce d’or de votre poche, vous étiez traité comme un terroriste — une menace pour la sécurité financière de toute la planète.

* Des temps difficiles étaient venus… les faillites, les défauts de paiement, le chômage étaient répandus. Nous, qui avions essayé de nous protéger avec de l’or, nous retrouvions avec une pile de pièces… mais aucun moyen de les utiliser. Sinon, nous étions ruiné… sans le sou… nous demandant de quoi vivre.

* Nous pouvions obtenir une allocation du gouvernement. Mais il aurait fallu nous enregistrer. Nous aurions alors dû faire la queue pour des cartes de rationnement… le carburant et la nourriture étaient restreints — parce que nous étions en guerre ! Aucune plaisanterie, aucune critique n’étaient acceptées — qu’elles concernent la "guerre contre les marchés baissiers" ou la manière dont elle était gérée. Tout ça était sérieux !

* Un tel monde pourrait-il exister ? Nous n’en savons rien. Mais le progrès n’est pas une chose garantie. Il y a eu des périodes de recul… des dépressions… la Mort Noire… et l’obscurantisme. La vie traverse des hivers.

* "Historiquement, il y a eu une épidémie majeure tous les 100 ans", déclarait un collègue dans notre bureau parisien. "La dernière a eu lieu il y a 90 ans environ. C’était la pire épidémie de l’histoire de l’humanité… en termes de victimes. Plus de gens sont morts que durant la Première guerre mondiale".

* Mais la science a fait des progrès, avons-nous répondu. A présent, nous ne devons plus tant nous inquiéter, n’est-ce pas ?

* "Oh que si !", nous a-t-on répondu. Bien entendu, beaucoup de progrès ont été faits. Mais ces minuscules insectes mutent et se répandent plus rapidement que la médecine ne peut réagir. Ce n’est qu’une question de temps avant que l’un d’entre eux ne passe à l’attaque.

* En dehors des dangers engendrés par Dame Nature, il y a également le risque que nous présentons nous-mêmes. Les institutions humaines évoluent comme des microbes, elles aussi. Et de temps en temps, elles se mettent dans des états impossibles — avant que quiconque ne réalise ce qui s’est passé, ou comment réagir.

** Après des centaines d’années en tant que maîtres de tout le monde occidental, au cinquième siècle, l’empire romain a semblé se désintégrer. Il ne pouvait plus entretenir ses ponts et ses routes… il ne pouvait plus collecter d’impôts… il ne pouvait plus contenir les barbares. Rome ne tarda pas à être mise à sac, et les barbares prirent le contrôle.

* L’immobilier, au centre-ville de Rome, entra dans un marché baissier dont il ne se remit probablement pas avant au moins 1 000 ans.

* Puis au début du 20ème siècle, quelque chose tourna une fois de plus terriblement mal. Les Français et les Allemands se mirent à se disputer — sur pas grand’chose, apparemment. Puis les Britanniques commirent l’erreur de se joindre au combat… suivis par les Américains. Rétrospectivement, on s’aperçoit qu’il n’y avait en jeu rien qui valait la peine de se battre. Mais une fois entamée, personne n’avait le moyen de terminer la guerre. Les choses continuèrent jusqu’à ce que des millions de personnes meurent, et que quasiment tous les gouvernements d’Europe terminent soit renversés soit ruinés — en général les deux. Les maisons nobles — les Habsbourg, les Romanov, les Hohenzollern — moururent toutes dans les tranchées. Idem pour l’empire ottoman… tandis que la France et la Grande-Bretagne se retrouvèrent sur la paille.

* Puis, l’année même où la Première guerre mondiale se termina enfin, arriva l’épidémie de grippe espagnole — qui envoya ad patres 30 millions de personnes supplémentaires.

* Ensuite, 20 ans après, une nouvelle génération était prête à remettre le couvert — avec une nouvelle guerre mondiale et tout ce qui allait avec.

* Se pourrait-il que nous entrions dans une nouvelle période sombre de l’histoire humaine ? Je ne sais pas… peut-être.

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