La Chronique Agora

La hausse de l'or, un attrape-gogo ? (1)

Dans la lettre Vos Finances, j’avais promis à mes lecteurs, en février dernier, qu’ils seraient riches cet été en achetant de l’or. Il cotait 992 euros l’once (soit 1 426 $). Nous y voilà. L’or a franchi les 1 900 $ l’once en séance, et est à 1 280 et quelques euros.

Performance du CAC 40 entre février et mi-août ? -23,6%.

Ne me remerciez pas, c’est bien normal. Voyez-vous mon seul et unique intérêt est de donner à mes abonnés de bons conseils. (Eh oui, c’est seulement comme cela qu’ils se réabonnent).

Aussi lorsque Nathalie Boneil m’a poussé sous le nez un article de Marc Touati publié le 29 juillet sur le site Atlantico.fr intitulé Crise : la ruée sur l’or, eldorado pour gogos, je me suis inquiétée. Pour M. Touati, l’or est tout simplement en bulle !

Allons donc. De quoi nous parle-t-il.

Sommes-nous des gogos ? Faut-il vendre notre or ? Oui, cher lecteur, je dis « nous » car sans dévoiler ma vie privée, je peux vous avouer que je possède de l’or.

▪ Establishment versus gogos

Marc Touati est un économiste, c’est-à-dire un praticien d’une science molle. Science molle car l’économie et les marchés sont mus par des ressorts humains et psychologiques extrêmement difficiles à modéliser (heureusement !).

L’économie est une discipline qui a ses doctrinaires, ses chapelles et ses prêtres. Marc Touati appartient à la chapelle des néo-keynésiens. Sa médiatisation en fait un grand prêtre. Il est professeur à Science Po et contribue à mouler de jeunes cervelles. Enfin, il est directeur des études économiques du fonds Assaya Compagnie Financière. Ce fonds est lui-même coté sur Alternext.

Nous, le peuple des gogos, sommes loin de cet univers. Tout ce que nous voulons, c’est que la monnaie fiduciaire que nous utilisons tous les jours soit capable de stocker de la valeur, qu’elle conserve son pouvoir d’achat dans le temps — que ce soit pour les biens de consommation courante ou pour de l’immobilier. Si nous sentons que ce n’est pas le cas, nous essayons de trouver autre chose…

▪ Les trois ingrédients qui expliqueraient une hausse « saine » de l’or selon Touati

Pour Marc Touati, les trois éléments qui justifient une flambée de l’or sont : « une récession mondiale et/ou un krach boursier et/ou une hyperinflation. Ces trois phénomènes étaient, par exemple, réunis au début des années 1980 ».

Cette affirmation est en soi contestable. Je vais donc décortiquer ces trois éléments qui, pour Monsieur Touati, seraient les seuls à justifier cette hausse de l’or.

– Premier ingrédient pour que l’or grimpe « sainement » : une récession — qui n’a pas lieu d’après lui

Déjà, Marc Touati ne nous explique pas clairement en quoi une récession favorise la hausse de l’or. On a l’impression que son analyse de la bulle de l’or se fonde uniquement sur la similitude avec l’épisode des années 1974 à 1980 (1981 pour la France) consécutif aux deux chocs pétroliers.

L’idée communément admise d’une récession est un ralentissement de l’activité économique. Or Touati voit toujours de la croissance. « Même si la croissance américaine décélère légèrement et temporairement, elle avoisinera les 3% en 2011 et 2012. Parallèlement, la croissance mondiale restera particulièrement forte. Elle devrait se stabiliser autour des 4% tant cette année qu’en 2012 (contre un niveau moyen de 3,5% au cours des 30 dernières années) », écrit-il.

A ce stade, nous constatons une asymétrie d’informations entre Marc Touati et nous, le peuple des gogos. Je n’ai décidément pas les mêmes informations que lui. J’ai donc du mal à comprendre d’où il peut anticiper une croissance de 3% pour les Etats-Unis en 2011-2012. La croissance américaine du premier trimestre a été révisée à +0,4%. Celle du second trimestre s’affiche à 1,3% (alors que le consensus des économistes attendait 1,8%). Il va falloir que la machine américaine mette le paquet pour atteindre 3% dans l’année après deux trimestres à 0,4% puis 1,3% — si tant est que ce dernier chiffre ne soit pas révisé dans trois mois !

Après révision, les dernières statistiques officielles américaines montrent maintenant que le PIB américain a connu en 2009 sa plus sévère chute depuis l’arrêt de la production civile consécutif à la Deuxième Guerre mondiale. Mais les médias se préoccupent peu des révisions, les chiffres qui occupent la une sont les chiffres chauds.

Depuis 2009 et après deux passes d’impression monétaire, la « croissance » est en réalité anémique, voire absente. Entre 1999 et 2011, le PIB américain a progressé de 5 700 milliards de dollars tandis que la dette publique se gonflait de 8 800 milliards de dollars. Les politiques keynésiennes ou néo-keynésiennes préconisées par Marc Touati et ses confrères conduisent à ceci : 1 $ d’emprunt public achète 0,88 $ de PIB. La seule croissance que nous voyons à l’horizon est celle de la dette et du déficit !

Le FMI dans sa note du 17 juin prévoit effectivement une croissance mondiale de 4,3% en 2011. Cependant cette croissance se situe dans les pays émergents soumis à une forte inflation. Là où il y a de la croissance, il y a de l’inflation.

Nous verrons demain le deuxième ingrédient pour une hausse « saine » de l’or…

Première parution dans le Billet du Trader du 17/08/2011.

 

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