La Chronique Agora

La hausse de l'or, un attrape-gogo ? (2)

Depuis hier, nous examinons en détail les arguments de Marc Touati qui affirment que l’envolée de l’or est « un eldorado pour gogos ». Nous voyons ci-dessous la suite de ses arguments concernant une hausse « saine » de l’or…

– Deuxième ingrédient qui justifierait une hausse « saine » de l’or : le krach — qui n’a pas lieu

Lors du dernier krach de 2008, l’or a commencé par reculer et non flamber. En 2001, l’or s’est montré volatil et a connu deux pics.

L’analyse du cours de l’or durant le krach de 1929 ne supporte pas non plus cette idée. Et entre 1928 et 1933 l’or a reculé également, passant de 20,66 $ à 17,06 $l’once. Il ne s’est renchéri qu’à partir de 1933.

Le krach seul n’est ni une condition suffisante, ni une condition nécessaire si on se réfère à l’Histoire.

– Troisième ingrédient selon Marc Touati qui justifierait une hausse « saine » de l’or : l’hyperinflation — qui n’a pas lieu

Nous sommes d’accord avec ce point : elle est inexistante… pour le moment. La définition communément admise de l’hyperinflation est une inflation à deux chiffres. Avant l’hyperinflation, on commence par le stade de l’inflation.

Une théorie économique traditionnelle veut qu’inflation et chômage ne puissent coexister. Cette idée est absolument contredite par ce qui se passe en ce moment même en Angleterre (cette île n’est pas un pays émergent que je sache) : inflation 4,5%, chômage 7,6%.

Nous estimons que seul un des trois ingrédients cités par Marc Touati est nécessaire à la hausse de l’or : l’inflation. Mais se limiter à un tel raisonnement fait manquer selon nous les deux forces majeures de la hausse de l’or.

▪ Pour nous, pauvres gogos, ces deux ingrédients justifient pleinement la hausse actuelle de l’or !

Cher lecteur, peut-être connaissez-vous déjà mon premier argument. Les taux d’intérêt réels, c’est-à-dire le taux court diminué de l’inflation, sont actuellement négatifs dans la plupart des monnaies.

Lorsque Mme Michu, Mme Smith, Mme Téousaké déposent de l’argent sur leurs livrets en euro, dollar, livre ou yen, le rendement qu’on leur sert est inférieur à l’inflation. Leurs économies (au sens domestique, le vrai) perdent de leur valeur.

Figurez-vous que Mme Michu, Mme Smith, Mme Téousaké apprécient d’autant moins qu’elles savent que l’inflation est chroniquement sous-estimée.

Historiquement, à chaque fois que l’épargne est punie dans une monnaie, l’or monte dans cette monnaie. La hausse de l’or depuis 2000 est due à ce simple fait. Il échappe totalement aux brasseurs d’argent car dans ce milieu, on n’épargne pas. Au contraire, on emprunte et le rendement réel négatif est une bonne chose. Le nouveau facteur de hausse, à l’oeuvre depuis cette année, est que de plus en plus de monde réalise que la finance est désormais zombifiée.

Un zombie financier est une créature qui donne l’illusion de la vie car elle paie ses intérêts mais qui est en fait morte car elle sera incapable de rembourser le principal.

Au début on a du mal à détecter le zombie. Mais un symptôme ne trompe pas : sa dette enfle toujours… Le 25 juillet, dans Bloomberg Businessweek, sous la plume de Michael Kinsley : « les Etats-Unis sont tombés dans le piège classique du débiteur qui consiste à emprunter pour payer les intérêts du crédit précédent. Ceci signifie que même si nous supprimions complètement le gouvernement, les factures continueraient à arriver, les intérêts resteraient dus, et nous serions incapables de les payer ». Même Bloomberg a détecté le zombie !

Le constat qui s’impose en ce moment pour les pays occidentaux est le suivant : il n’y a pas assez de croissance pour rembourser les dettes, « intérêts comme principal, foi d’animal », dirait La Fontaine.

Face à une telle situation, l’Histoire nous enseigne que les politiques choisissent en général deux voies : imprimer de l’argent (ce qui a déjà commencé), s’engager dans une guerre (c’est le plan de relance ultime). Au sommet de la bêtise humaine, bien entendu, on cumule les deux. Les économistes devraient lire l’Histoire car toutes les bêtises ont déjà été faites. Cela leur éviterait d’élaborer des théories invalidées par l’expérience et de les imposer à leurs malheureux concitoyens

La finance zombie va perdre son triple A. Les banquiers centraux des pays émergents le savent et ils achètent de l’or. La Chine, la Corée, le Mexique, la Russie, le Kazakhstan… les banques centrales des pays émergents ont acheté pour presque 180 tonnes, le double de tous leurs achats de 2010. Les pauvres, mettez-vous à leur place, ils ont stocké le fruit de leur travail en dollar, en yen, en euro et il ne leur a pas échappé qu’on imprimait beaucoup de monnaie en ce moment.

Tous des gogos ? Non, mais simplement l’or est le seul actif qui n’a besoin de payer personne pour être estampillé triple A.

▪ Et si l’or redescend

Marc Touati nous prévoit que l’or redescendra à 1 200 $ l’once. Je ne doute pas une seconde qu’il ait parfaitement raison. L’or va baisser et peut-être même en dessous de 1 200 $ l’once lorsque la crise sera finie et que les taux d’intérêt réels seront redevenus décents.

Cet horizon est encore lointain puisqu’aujourd’hui toute augmentation des taux au-dessus de 6% met les gouvernements occidentaux surendettés en faillite. En attendant ce grand jour, tant que les taux d’intérêt réels seront négatifs et que les chiffres officiels d’inflation divergeront par rapport à votre pouvoir d’achat, mettez à profit tout recul pour charger la mule !

Première parution dans le Billet du Trader du 17/08/2011.

 

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